Nicolas Latsanopoulos, l’autre dessinateur de Gaulois
Nicolas Latsanopoulos, 44 ans est dessinateur spécialisé en archéologie… Revenant sur son parcours professionnel, il partage avec les lecteurs du mag le sens d’un métier méconnu... pour, qui sait, susciter des vocations ?
« Dessiner un objet chercher à le rendre compréhensible aux yeux de tous. C’est aussi lui accorder une seconde existence », professe Nicolas Latsanopoulos. Tous les archéologues consignent sous forme de relevé graphique ce qu’ils trouvent lors des fouilles. Nicolas est appelé à la rescousse lorsque la tâche s’avère délicate, et que la quantité ou la nature des informations à transcrire est importante ou particulièrement complexe : lorsqu’il s’agit de dessiner du bâti, un squelette... « Parfois, vestiges mis au jour risquent de se dégrader rapidement. Les dessiner, c’est garantir d’en préserver la mémoire », explique l’artiste. Sur son bureau, s’étalent porte-mines, conformateur, diamétron, pied à coulisse et compas d’épaisseur.
Pourquoi le dessin archéologique existe-t-il ? « Une description écrite, même très détaillée, ne rend compte de la réalité que de façon partielle. La description graphique est une forme de communication directe, très efficace. Tout le monde est réceptif aux images, il n’y a pas de filtre, pas de barrière de langue. C’est pour cela que de nombreuses sciences- zoologie, botanique- ont recours systématiquement à l’imagerie, car elle constitue une étape importante de la démarche scientifique », expose l’artiste.
Contraintes techniques
Les compétences requises pour ce métier de niche ? « L’essentiel, c’est de savoir observer et d’ajuster correctement le regard, le dessin vient après », affirme-t-il. Ensuite, il faut maîtriser un certain nombre de normes de représentation tout en étant familiarisé à la culture archéologique. « Le dessin comprend une dimension descriptive, et une autre analytique : si tu ne comprends pas ce que tu dessines, tu loupes à coup sûr ton objectif », poursuit-il. La clé de voûte de cet art ? « L’étape cruciale est le transfert des données et des mesures car il faut passer d’un vestige en trois dimensions à une représentation en deux dimensions ». Malgré les contraintes techniques du métier et le souci de rester le plus objectif possible, il comporte aussi sa dose de créativité personnelle : « on reconnaît la patte de chaque dessinateur, y compris s’ils sont amenés à dessiner le même objet », jure Nicolas Latsanopoulos.
La chance de ce grand quarantenaire au tee-shirt rose pastel fut, indirectement, celle du service militaire. En 1996, il se déclare « objecteur de conscience » et est accueilli par l’équipe d’archéologues de la ville de Saint-Denis. « Pour commencer, on m’a demandé de dessiner une collection d’objets en os découverts lors des fouilles autour de la basilique. Je suis rentré dans une phase où je travaillais tout en apprenant, c’était génial », se souvient l’accroc du croquis. Il décroche le job grâce à son parcours : un passage à l’école des beaux-arts de Tours, puis dans un cursus de sciences humaines à la fac. En effet, contrairement à l’Angleterre, il n’existe pas, en France, de formation à proprement parler pour devenir dessinateur en archéologie.
Rendre hommage au passé
Après ses deux ans de service civil, l’apprenti part à la découverte du Mexique où il fini par travailler pour le service patrimonial d’État, l’INAH. De retour en France, trois ans plus tard, le Conseil départemental le recrute en tant qu’ « emploi-jeune » dans le Bureau du patrimoine archéologique de l’époque, tout récemment créé.
Restes de four, empierrements, fonds de cabane, objets en verre, en pierre, en bois, en os, en métal... Nicolas Latsanopoulos a dessiné tellement de choses qu’il a du mal à en faire la liste. « L’époque des grandes fouilles de Bobigny m’a laissé un souvenir impérissable. Il y avait une grande émulation, nous étions passionnés, on ne comptait pas nos heures ! Nous prenions un plaisir fou à la recherche », se souvient-il dans un sourire nostalgique. Aujourd’hui, il continue de s’émerveiller : « Il y a quelques années, j’ai eu l’opportunité de travailler sur une magnifique série de chapiteaux romans dans l’église d’Aulnay-sous-Bois. L’église était couverte d’échafaudages qui permettaient d’être nez à nez avec les éléments sculptés. En tant que dessinateur, c’est toujours gratifiant de savoir que l’on participe à la valorisation des qualités esthétiques ou techniques des créations humaines », raconte Nicolas.
Patience, précision … et concentration
Chaque année, le dessinateur accueille des stagiaires de troisième pour faire découvrir et leur donner goût à son métier. Ses conseils aux dessinateurs en herbe ? « Pour faire notre métier, il faut aimer dialoguer avec les objets, et se demander comment rendre intéressant ce qui au premier regard, peut paraître insignifiant. Moi, j’adore les formes « cracra », elles renferment toujours une part de beauté cachée ». Patience, précision et concentration constituent le triptyque sa devise : « Je peux passer trois, quatre jours à dessiner mes objets- et à leur parler- sans adresser la parole à personne d’autre », rigole-t-il.
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