Mathieu Bauer, théâtre, politique and rock’n roll
Directeur du Nouveau Théâtre de Montreuil depuis 2011, Mathieu Bauer revendique un théâtre en prise avec le monde, à la fois ambitieux et accessible pour le plus grand nombre. Passionné de cinéma, il mettra lui-même en scène « Shock Corridor », basé sur un film du réalisateur américain Samuel Fuller, à partir du 10 janvier. Interview.
Vous avez choisi de mettre en scène « Shock Corridor », adapté du film du même nom du réalisateur américain Samuel Fuller. Pourquoi ce choix ?
« A la base, il s’agit d’un travail mené avec une promotion du Théâtre National de Strasbourg, qui n’avait pas vocation à être un spectacle. Comme une bonne partie de mon travail est articulé autour du cinéma et que j’admire depuis toujours un réalisateur comme Samuel Fuller, j’avais proposé aux étudiants de créer un spectacle autour de son univers. Là-dessus se sont greffées d’autres envies : celle de travailler sur la figure de Prométhée, condamné à un supplice éternel pour avoir volé le feu aux dieux, et aussi la volonté de travailler sur des rôles secondaires. Dans une école de théâtre, où par définition, tout le monde rêve de devenir une star, je trouvais ça assez amusant. Tout ça mis bout à bout a donné la pièce « Shock Corridor », qui a tellement bien marché qu’on a décidé de la reprendre ici au théâtre de Montreuil. »
Le film de Fuller met en scène un journaliste qui se fait enfermer dans un asile pour élucider un meurtre. Qu’est-ce qui vous attirait dans cette histoire ?
« Beaucoup de choses. Shock Corridor est une radiographie extrêmement fine des peurs que pouvait avoir la société américaine des années 60 : peur du communisme, peur du déclassement pour une certaine classe américaine blanche et ses conséquences : la ségrégation, le racisme. Vous me voyez venir : ces peurs font écho avec ce qu’on vit aujourd’hui dans nos sociétés repliées sur elles-mêmes. Ensuite, la figure de Samuel Fuller est tellement riche elle-même que nous avons pris plaisir à entremêler l’oeuvre et la ligne biographique. »
La programmation de cette année fait alterner des œuvres ludiques, faciles d’accès et des œuvres plus audacieuses. Quels sont vos critères de sélection ?
« De proposer des œuvres qui stimulent la réflexion, mais tout en donnant des clés au spectateur pour y avoir accès. S’il y a bien un souci constant que j’ai, c’est celui-là : de ménager des portes d’entrée au spectateur. Souvent, c’est un élément sensible, festif qui permet d’entrer dans l’oeuvre, comme le côté participatif que pouvait avoir le principe de choisir la fin dans « Votre Faust », mis en scène par Aliénor Dauchez. La musique elle aussi peut bien souvent jouer ce rôle de porte d’entrée. »
La musique est d’ailleurs un peu votre marque de fabrique. Vous êtes vous-même batteur de formation et en 2012, vous avez créé « Mesure pour mesure », un festival autour du théâtre musical…
« Plus que de théâtre musical, qui est un genre un peu clos, je préfère parler d’alliage entre théâtre et musique. Oui, j’ai envie de donner une place à des créateurs qui se préoccupent de la relation entre ces deux formes d’expression. Car c’est forcément un dialogue très fertile. J’aime les concerts qui ont aussi à coeur une certaine scénarisation et à l’inverse les pièces de théâtre qui s’appuient sur la musique pour déployer leur sens. »
En février, vous avez aussi choisi de marquer votre solidarité avec la Grèce, à travers un temps fort sur ce pays...
« Oui, ça correspond à une autre ligne de ce théâtre qui est de donner des nouvelles du monde. En ce moment, en Europe, nous avons tendance à nous refermer sur nous-mêmes, d’avoir de plus en plus peur de ce qui arrive à l’étranger. Dans cette situation, je considère que la fonction d’un Centre dramatique national est d’ouvrir des horizons. Accueillir la Grèce à travers 3 spectacles permet donc de parler d’Europe, de la crise des migrants, d’un système devenu froid, qui ne prend plus en compte les humains. Mais pour dire tout ça, on passe à travers le prisme de l’art, complémentaire de celui de la politique. »
Là encore, la musique va jouer un rôle clé puisque vous organisez notamment une soirée « rebetiko » sur la grande scène du théâtre…
« Oui, et je m’en réjouis d’avance. Le rebetiko, c’est le blues à la grecque. C’est cette musique de ceux qu’on a oubliés, des laissés pour compte, la musique des bas-fonds. C’est enivrant et ça prend au cœur. Ça permet de se laisser à aller, d’établir un autre mode de relation avec son voisin. Peut-être qu’un des problèmes est aussi qu’on veut contrôler trop de choses… »
Enfin, un des engagements auxquels vous tenez le plus est la politique en direction des jeunes publics…
« Bien sûr, c’est fondamental. Nous avons maintenant quantité de dispositifs – des Classes Art et Culture aux visites du théâtre- avec les primaires, collèges et lycées. A chaque spectacle, des actions culturelles sont organisées entre les élèves et les acteurs. Il faut que ces jeunes gens s’emparent de ce lieu qui est aussi le leur. Sur « Shock Corridor » par exemple, les comédiens et les musiciens (la troupe de Sylvain Cartigny) vont rencontrer les élèves de différents établissements. Mais pour moi, élève ou pas élève il faut que la rencontre se fasse aussi avec le spectateur en général, car j’ai envie de le rendre un peu plus actif que d’habitude. »

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