Le peintre Michel Quarez a lâché ses pinceaux
Coloriste hors-pair, affichiste, illustrateur, Michel Quarez est décédé dans la nuit du 8 décembre à l’hôpital Delafontaine. À 83 ans, l’artiste dionysien laisse derrière lui des milliers de créations éclatantes inspirées du pop art et des bandes dessinées psychédéliques. C’est une page de l’art contemporain qui se tourne.
Les hommages d’artistes, d’élu·e·s, de proches ou de citoyen·ne·s de Saint-Denis pleuvent sur les réseaux sociaux. Le charismatique peintre qui a vécu et travaillé plus de 40 ans dans cette commune était devenu une véritable célébrité, après avoir illuminé de ses couleurs vives les murs des quartiers populaires. Artiste voyageur, il a exposé à Varsovie, New York, Amsterdam, Orléans, Paris et bien sûr en Seine-Saint-Denis, département chéri par le graphiste et qui a largement inspiré ses oeuvres.
Un « graphisme d’utilité publique »
Né à Damas en 1938, Michel Quarez s’inscrit d’abord aux Beaux-Arts de Bordeaux. Dans les années 1960, il intègre l’École des arts décoratifs de Paris et devient l’élève du graphiste suisse Jean Widmer. Mais le turbulent jeune homme qui fonce dans les couloirs de l’école en patins à roulettes ne se satisfait pas de cette formation. Il part en Pologne travailler avec l’avant-gardiste Henryk Tomaszewski qui l’initie à l’art de résumer un message en quelques coups de pinceau. Subjugué par les affiches de cinéma ou de théâtre de la Pologne socialiste, le jeune homme rejoint de retour en France le collectif Grapus*, fer de lance du graphisme engagé des années 70 et 80.
Farouchement indépendant, le peintre part à new York et découvre le travail d’Andy Wharol. De retour en France, il participe au journal politique Action né en mai 1968 et réalise quelques affiches symboles de cette période agitée. Sa production d’affiches se développe dans les années 70. Des Mairies, Conseils généraux, Ministères de la Culture... mais aussi des organismes d’obédience communiste lui commandent des oeuvres pour des occasions diverses : Fête de l’Humanité, Fête de la musique, campagne anti-raciste, prévention du sida...
Un ancrage fort en Seine-Saint-Denis
Installé à Saint-Denis, la mairie lui passe régulièrement commande. Il crée une vingtaine d’affiches lors de l’exposition Bobigny-sur-Ourcq en 2007 et ouvre son imaginaire créatif pour l’inauguration de la piscine de la Baleine à Saint-Denis, le Théâtre de la Commune à Aubervilliers ou la Coupe du monde de football de 1998 au Stade de France.
« La rue est ma galerie et je ne fais aucune dissociation entre peindre et faire une affiche » affirmait l’artiste qui a su créer un style immédiatement reconnaissable grâce à l’emploi de couleurs vives, fluo et de personnages croqués avec humour. Poète impulsif au caractère bien trempé, le sérigraphe cherchait à susciter un choc visuel en synthétisant au maximum les figures « pour amener le signe à l’évidence de la signalétique des autoroutes » .
Sa carrière d’affichiste a été couronnée par de nombreux prix internationaux : médaille d’or de la Biennale de Toyoma au Japon, Grand prix national des arts graphiques à Paris, médaille d’or à la Biennale de Varsovie, prix ICOGRADA en 2005 pour des dessins en noir et blanc exposés à Bobigny...
Vous pourrez admirer une partie de son travail à l’Artothèque de Caen jusqu’au 27 février 2022 ou découvrir les oeuvres de celui qui était un des derniers géants de l’affiche dans le catalogue de l’exposition Formey publié en septembre 2009. Et les amateur·rice·s de fresques iront rendre un dernier hommage à la créativité du dionysien devant les murs du groupe scolaire Taos Amrouche - Le Cordouan de la Plaine Saint-Denis.
*Le collectif Grapus est un groupement de graphistes décidés à transmettre par l’image leurs attachements aux luttes populaires et aux idéaux libertaires de Mai 68. Les fondateurs présentaient les milliers d’images sociales diffusées par eux ou les étudiant·e·s des Beaux Arts comme un « graphisme d’utilité publique ».
Crédit-photo : Yann Mambert
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