Le Département obtient la renationalisation du financement du RSA
Mardi 21 septembre, le Premier ministre, en déplacement en Seine-Saint-Denis, a annoncé la renationalisation du financement du RSA pour ce département à partir de 2022, pour une durée de 5 ans. Une mesure appelée depuis longtemps de ses vœux par le Département qui y voit là une possibilité de doubler ses investissements dédiés à l’insertion et aux équipements.
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« Cette renationalisation, c’est une très bonne nouvelle. Surtout parce que la Seine-Saint-Denis va ainsi récupérer des marges budgétaires pour réinvestir dans l’insertion, où les besoins sont grands. » Stéphane Berdoulet, co-fondateur de Halage, association d’insertion visitée ce mardi matin par le premier Ministre Jean Castex, a plutôt le sourire. Son association, créée en 1994 à l’Ile Saint-Denis (voir encadré) va ainsi pouvoir à terme accueillir davantage de salariés en insertion- 85 pour le moment. « A mes yeux, c’est notamment à la périphérie que s’inventent les solutions pour le monde de demain, mais il nous faut pour cela des moyens », continuait le responsable qui aura notamment lancé en 2019 Lil’Ô, un lieu de production de fleurs sur une ancienne friche industrielle.
De son côté, le Département n’hésitait pas à qualifier l’accord obtenu avec l’État sur le Revenu de Solidarité Active (RSA) d’« historique ». Avec ce pacte négocié à titre expérimental pour 5 ans, la Seine-Saint-Denis devient en effet le seul département métropolitain à bénéficier d’une telle mesure (c’était déjà le cas à Mayotte, en Guyane et à la Réunion). « Cet accord, c’est un peu de justice et d’égalité pour la Seine-Saint-Denis. En effet, faire reposer une dépense de solidarité nationale sur le budget d’une collectivité territoriale, donc sur le contribuable local, était une grande injustice. », commentait le président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel, qui n’aura eu de cesse de réclamer cette renationalisation du financement du RSA.
Le Premier ministre Jean Castex et Stéphane Troussel en déplacement chez Halage, une association d’insertion à l’Ile Saint-Denis
Depuis le transfert du paiement du RSA aux départements en 2004, un déséquilibre important s’est en effet créé entre leurs dépenses sociales – en constante augmentation – et la compensation de celles-ci par l’État, qui a diminué. D’année en d’année, la part à payer par la Seine-Saint-Denis – le fameux « reste à charge » - s’est accrue, limitant ainsi sa capacité à investir pour un mieux-être de sa population. De 2012 à 2020, le reste à charge annuel de la Seine-Saint-Denis est ainsi passé de 100 millions à 227 millions d’euros, soit une augmentation de 120%.
En « bloquant » à 520 millions d’euros le montant à débourser chaque année par le Département pour le RSA, l’accord obtenu avec l’État va donc permettre petit à petit à la Seine-Saint-Denis de retrouver des marges de manœuvre financières. Dès 2022, ce sont ainsi entre 50 et 70 millions que la Seine-Saint-Denis n’aura plus à financer au titre du RSA. Une capacité budgétaire que le Département compte bien réemployer au profit de ses habitants- qu’il s’agisse de financement de dispositifs de retour vers l’emploi ou de la construction de collèges.
« Ce qui est en jeu, c’est de passer la surmultipliée pour l’insertion des bénéficiaires dans ce département lourdement frappé par la crise sanitaire et sociale », a lui aussi convenu le Premier ministre, au moment d’expliquer pourquoi il avait finalement donné suite à la demande de renationalisation du RSA formulée par une bonne partie des élu·e·s de Seine-Saint-Denis. « Nous devons aller chercher tous ceux qui sont en dehors du chemin : sans emploi ou sans qualifications », a ajouté Jean Castex qui a par ailleurs redétaillé dans son discours les mesures étatiques prises en matière d’éducation, de santé et sécurité pour la Seine-Saint-Denis à la suite du rapport Cornut-Gentille.
Et des moyens pour l’insertion et la formation, la Seine-Saint-Denis en retrouvera rapidement grâce à cet accord. « En récupérant un équilibre financier normal, nous allons retrouver de l’oxygène en faveur de nos politiques publiques, notamment pour accroître nos dépenses d’équipements. Mais, surtout, nous allons doubler les moyens que nous consacrons à l’insertion et les mettre en adéquation avec les besoins réels du territoire. », a souligné Stéphane Troussel. Très concrètement, le nombre de travailleurs sociaux dans les parcours socio-professionnels devrait ainsi doubler d’ici 2026, tout comme le nombre de places dans les actions d’insertion (de 6350 à 12 700 places). Une vraie bouffée d’air pour ce département où les besoins en matière d’emploi sont grands et ont encore été accrus par les retombées sociales de la crise liée au Covid.
Plus largement, le dirigeant de la Seine-Saint-Denis, qui soumettra le 30 septembre prochain à l’Assemblée départementale le protocole d’accord passé avec l’État, appelait aussi de ses voeux l’organisation d’une COP de l’insertion, avec tous les acteurs du monde de l’insertion du département, à l’image des Conférences autour de l’environnement.
Pour Halage, Apij’bat à Saint-Denis – une entreprise d’insertion dans le domaine du bâtiment - ou encore la Marmite à Bondy – une association notamment reconnue pour son traiteur d’insertion – cet accord est donc sans doute synonyme de moyens supplémentaires dans un futur proche.
Christophe Lehousse
Photos :©Emilie Chatelet
©Nicolas Moulard
– 570 millions d’euros : le montant consacré en 2021 par le Département aux dépenses du RSA (soit plus d’un quart de son budget)
– 340 : le nombre de référents RSA dans les parcours sociaux à l’horizon 2026, soit le double de ce qui existe à l’heure actuelle
– 12 700 : le nombre de places en insertion en Seine-Saint-Denis estimées pour 2026, soit le double de ce qui existe à l’heure actuelle
Halage, l’insertion au service de la ville de demain
L’Ile-Saint-Denis a de la ressource. C’est ce dont ont pu s’apercevoir mardi matin le Premier ministre Jean Castex et le ministre des Solidarités Olivier Véran lors de leur déplacement dans les locaux du PHARES. Ce collectif d’acteurs de l’économie sociale et solidaire héberge notamment « Etudes et Chantiers » et « Halage », deux associations d’insertion qui interviennent dans le domaine de l’environnement. « Halage a été fondé il y a 25 ans sur une double indignation : celle du chômage et d’un cadre de vie souvent dégradé qui sont le quotidien des quartiers populaires. », explique ainsi Stéphane Berdoulet, co-fondateur de la structure.
Cette association, qui a bien prospéré puisqu’elle compte aujourd’hui 125 salariés dont 85 en insertion, s’est mise en quête de savoir-faire parfois high tech, parfois ancestraux pour limiter la pollution et verdir la ville de demain. Depuis juin 2019, 16 salariés en insertion produisent par exemple des fleurs à Lil’Ô, une ancienne friche industrielle ayant appartenu à une entreprise de BTP qui voit ainsi ses sols pollués retrouver une seconde jeunesse. Un autre projet novateur, les « Faiseurs de terre », consiste à récupérer des déchets de la ville, comme les extractions liées au percement du Grand Paris Express, pour en refaire de la terre. « Sachant que la nature fabrique environ un centimètre de sol par an, cela préserve de précieuses ressources », complète Stéphane Berdoulet.
Proposant des formations dans quatre grands champs – jardinier paysagiste, horticulteur, espaces verts, et donc « faiseur de terre » - Halage fait figure de modèle vertueux dans le domaine de l’insertion : dans les espaces verts, on estime à 60 % la part de personnes ayant retrouvé un emploi après son passage par la structure de l’Ile Saint-Denis. Un taux qui monte même à 100 % concernant Lil’Ô. Rendant ainsi justice au slogan de Halage : « Réhabiliter les friches en réhabilitant les êtres humains ».
Stéphane Troussel : « L’aboutissement d’un combat historique »
Cet accord sur la renationalisation du RSA, c’est l’aboutissement d’un long combat des élus de Seine-Saint-Denis ?
Oui, c’est l’aboutissement d’un combat historique pour la Seine-Saint-Denis et ses habitants. Dès 2004 et le transfert du RMI aux départements, nous avions dit que le système était porteur de grandes inégalités puisqu’il allait faire supporter un poids croissant aux départements, et en particulier aux plus fragiles. Rendez-vous compte, pour la seule année 2020, la Seine-Saint-Denis doit financer elle-même plus de 220 millions d’euros au titre du RSA. C’est autant de moyens que nous n’avions pas pour les politiques de réinsertion, de formation mais aussi pour nos autres dépenses d’investissement qu’il a fallu rogner. Et cela, alors même qu’il y a des besoins considérables en matière de santé, d’éducation, de culture dans le département. Pour suivre le rythme et subvenir aux besoins des habitants, nous étions donc obligés de recourir de plus à plus à l’emprunt.
Concrètement, que va changer cet accord pour un allocataire du RSA en Seine-Saint-Denis ?
Ça ne va rien changer au paiement de son allocation : la CAF continuera de verser le RSA sauf que ce n’est plus le Département qui fera un chèque à la CAF, mais directement l’État. Mais surtout, nos crédits alloués à l’insertion vont doubler d’ici 2023 (passant de 23 à 46 millions d’euros). Nous parlons donc de capacités démultipliées en matière d’accompagnement individuel. Le nombre de référents qui pourront accompagner des allocataires et le nombre de places d’insertion vont doubler. Avec une cible particulière : les allocataires qui sont au RSA depuis longtemps et les nouveaux allocataires qui pourront être pris en charge de manière intensive pour qu’ils remettent le pied à l’étrier très vite.
Estimez-vous qu’il faudrait renationaliser de manière générale le RSA ?
Je le crois depuis le début. On ne peut pas faire supporter une dépense de solidarité nationale à des collectivités locales. L’évolution du RSA dépend de critères socio-économiques qui dépassent le seul cadre des seules politiques départementales. Le poids croissant du financement du RSA par les départements a renforcé les inégalités entre eux. Mon collègue des Hauts-de-Seine ne va pas avoir le même reste à charge et la même augmentation du poids du RSA, donc on ne part pas tous sur la même ligne de départ. Donc quand on défend la justice et l’égalité territoriale, on ne peut qu’estimer que le RSA relève de la solidarité nationale.
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