Le Bondy Cécifoot Club, loin des yeux, proche du coeur
Le 11 décembre dernier, la première journée de championnat de France de cécifoot – du foot pour non ou mal-voyants – avait lieu au stade Léo Lagrange de Bondy. L’occasion de revenir sur un sport assez peu connu en France et qui, depuis 2 ans, possède aussi un club en Seine-Saint-Denis : le Bondy Cécifoot Club. Reportage.
Ce samedi 11 décembre, une ambiance chaleureuse règne autour du terrain d’honneur du stade Léo-Lagrange malgré la bise bondynoise. Ce joli stade aux portes de pierre a vu les débuts d’un certain Kylian Mbappé, mais aujourd’hui, les stars s’appellent Gaël Rivière, Yacine Zerrougui ou encore Yann Dogbo, joueurs du Bondy Cécifoot. Après deux longues années d’interruption et de galères liées au Covid, ce club, né en 2020, organise ce jour-là la première journée du championnat de France de cécifoot, avec pour rivaux Toulouse et Poitiers.
Mais qu’est-ce que le cécifoot ? « C’est un handisport pratiqué par des non ou malvoyants opposant deux équipes, composées chacune de quatre malvoyants et d’un gardien de but voyant. », nous explique Jean-François Chevalier, président du Bondy Cécifoot Club.
Si ce cadre en entreprise a eu l’idée il y a deux ans de créer un club handisport au sein de sa ville, c’est grâce à Samir Gassama, actuel coach de l’équipe. Bonnet sur le crâne et voix qui porte, le trentenaire donne les dernières consignes à ses joueurs avant le premier match du jour : Bondy-Poitiers. Lui aussi a été happé par la générosité et l’humanité liés à cette discipline. « De base, je ne connaissais pas le cécifoot, j’ai croisé sa route par hasard alors que j’étais gardien de futsal ! », nous raconte l’entraîneur de Bondy, qui est aussi directeur sportif du club. « Le cécifoot, c’est avant tout une très belle aventure humaine où on est tous une grande famille. Ce sport permet aussi de changer le regard de la société sur les personnes handicapées », poursuit celui qui fut aussi sélectionneur de l’équipe de France et actuel sélectionneur du Mali.
Durant les matchs, plusieurs aspects ressortent : premièrement, les sourires des joueurs, dont on sent qu’ils s’épanouissent vraiment dans ce sport. Le silence ensuite, de rigueur au bord d’un terrain de cécifoot. Car l’ouïe n’est autre que la vue des joueurs. Pour se faire remarquer, les joueurs usent ainsi d’un vocabulaire spécialisé : "voy !" pour annoncer leur présence, "là" quand ils souhaitent donner une solution de passe à leur partenaire. Un guide placé derrière chacun des buts leur indique la distance qui les sépare de la cage. Pour se repérer ou dribbler un adversaire, les joueurs peuvent aussi prendre appui sur les rambardes du terrain amovible, dont le Bondy Cécifoot s’est doté il y a deux ans maintenant.
En attendant un terrain en dur - très coûteux - Samir Gassama liste tous les bienfaits du cécifoot : « Ce sport est une aubaine pour les personnes handicapées, c’est extra de pouvoir se dire qu’il réunit non-voyants comme voyants dans la même équipe, comme Antoine Charbonnier notre gardien, qui nous a rejoints cette saison. Et c’est aussi une belle image pour notre département. »
A la fin de cette première journée, Bondy affichait une victoire (2-1 contre Poitiers) et une défaite (1-0) face à Toulouse, vainqueur de ses deux rencontres. Un bilan honorable, mais qui ne satisfaisait pas le capitaine Gaël Rivière : « On a très mal débuté face à Poitiers et c’est là qu’on voit qu’on est encore une équipe jeune, car même s’il y a victoire, le contenu n’y était pas. »
Projet de création d’une académie
Mais le principal était l’avenir, selon Samir Gassama, avec en ligne de mire les Jeux paralympiques 2024 : avec Gaël Rivière et Martin Baron, le club compte déjà deux internationaux qui postulent aux Jeux de Paris à la maison, et le but est encore d’en obtenir davantage.
Mais au-delà de la compétition, le BCC poursuit aussi un ambitieux programme d’inclusion sociale : « Notre principal objectif est d’inclure l’éducation et la formation à ce sport dans le domaine scolaire. Pour nous, il est important de montrer aux jeunes atteints de cécité qu’il est possible de continuer à jouer au foot, voire d’atteindre le haut niveau. On veut avant tout que ce sport soit vecteur d’insertion sociale pour les personnes malvoyantes. », pointait Jean-François Chevalier qui a commencé à poser les bases d’une académie de cécifoot pour les jeunes en Seine-Saint-Denis. « On aimerait qu’à partir de 8 ans, de jeunes malvoyants puissent venir à Bondy pour y pratiquer le cécifoot, dont tous les joueurs nous assurent qu’il développe l’autonomie », martèle le président qui a déjà noué un partenariat avec le centre médico-social Delthil de Saint-Denis.
En attendant que ce travail porte ses fruits, Bondy accueillera une nouvelle journée de championnat, le 26 février. Le mot d’ordre sera toujours le même : le handicap n’empêche pas la performance.
Rayan Bahouche
Photos : ©Sylvain Hitau
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