Le Bondy Blog : 15 ans de reportages dans les quartiers
Né des suites des émeutes de 2005, le Bondy Blog fête cette année ses quinze ans d’existence. Premier média réalisé par des banlieusard·e·s, il aborde les sujets qui préoccupent les habitant·e·s des quartiers et a fait émerger une nouvelle génération de journalistes. Interview avec sa directrice, Latifa Oulkhouir.
Comment est né le Bondy Blog et dans quel but a-t-il été créé ?
Ce média en ligne est né en 2005 lors des révoltes urbaines qui ont suivi la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, après une course poursuite avec la police à Clichy-sous-Bois.
Des journalistes suisses de l’Hebdo sont venus et se sont implantés à Bondy pour couvrir cet événement et témoigner de la réalité des quartiers populaires de l’intérieur, loin du traitement sensationnaliste de la télévision française. En mars 2006, les reporters ont remis le blog à Mohamed Hamidi, alors professeur d’économie, qui l’a fait vivre avec quinze journalistes lycéens et étudiants originaires de la Seine-Saint-Denis.
Tous les contributeurs du blog sont banlieusards et décrivent leur quotidien. Est-ce qu’il faut vivre dans les quartiers pour en parler de manière juste ?
Pas forcément. Quand on est un journaliste professionnel et qu’on respecte les principes d’honnêteté intellectuelle, on peut bien traiter des thèmes liés à la banlieue comme plusieurs rédacteurs l’ont prouvé. Le souci c’est que beaucoup de médias ne s’y intéressent que lorsqu’elle brûle, ce qui crée des stéréotypes dans la tête des gens. Avec le Bondy Blog (BB pour les habitués), on a voulu prouver qu’il se passe plein de choses positives dans les quartiers en dehors de ces événements et que les Séquano-Dionysiens ont énormément d’histoires à raconter.
Vos rédacteurs abordent des thèmes rarement traités dans la presse comme les déserts médicaux, les petits commerces ou la double-culture de certains habitants. Comment choisissent-ils leurs sujets ?
Nos blogueurs disposent d’une autonomie totale dans le choix des articles et la liberté de ton dont ils font preuve fait partie de l’ADN de notre blog. La seule ligne éditoriale est de donner la voix à ceux que l’on n’entend pas et les meilleurs sujets de reportages sont souvent en bas de chez soi.
Dans notre livre anniversaire "Jusqu’à quand ?" (NDLR : sorti fin octobre en librairie), nous avons compilé quinze reportages qui balaient les réalités traitées depuis 2005 par le BB : santé, éducation, solidarité, violences policières... à travers des témoignages de citoyens. Nous avons aussi abordé des sujets plus récents comme les effets de la crise du coronavirus sur la vie des gens.
L’équipe du BB s’est étoffée au cours du temps avec entre cent et cent cinquante contributeurs qui ont transité par votre média. Comment expliquez-vous ce succès spectaculaire ?
Beaucoup de jeunes passionnés mais sans expérience journalistique ont poussé la porte du Bondy Blog et nous les avons formés aux fondamentaux du métier : vérification des informations, respect du principe du contradictoire... Des journalistes professionnels comme Edwy Plenel, Luc Bronner ou Kareen Guiock réalisent également tous les mois des masterclass en présentant leur parcours et leur vision du métier dans nos locaux ou depuis la pandémie par visioconférence. Ce faisant, notre blog sert de tremplin à des jeunes journalistes qui peuvent se constituer un réseau et être détectés par des rédactions nationales. Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, les "kids" qui nous ont rejoint à tout juste 17 ans ont participé trois ans plus tard à une chronique radio sur France Inter et réalisent des films documentaires. Faïzia Zerouala a publié des articles dans les pages du Monde et travaille actuellement pour Médiapart. D’autres ont été embauchés par TF1 ou Libération...
Le BB a collaboré avec Yahoo France, Médiapart, Télérama, Le Monde, RFI, Radio France... En 2009, l’École Supérieure de Journalisme (ESJ) de Lille ouvre une antenne dans vos locaux. C’est la consécration ?
D’octobre 2006 à juin 2007, un accord a été passé avec Yahoo pour couvrir la campagne présidentielle française et des partenariats ont été signés plus tard avec d’autres médias traditionnels. Nous publions en général entre un et deux articles par jour, qui intéressent la presse hexagonale par leur originalité.
Par ailleurs, l’ESJ de Lille a lancé avec le BB une classe préparatoire Égalité des chances partagée entre ces deux villes, qui aide vingt étudiants boursiers issus de milieux défavorisés à préparer pendant un an les concours d’écoles de journalisme reconnues. En février, ils viennent durant une semaine à Bondy, sont coachés par des journalistes de Libération, passent des oraux blancs... Ceux qui passent par notre prépa travaillent quelquefois au BB à la sortie de leur école de journalisme, ce qui nous fait très plaisir.
Les rédacteurs ont touché à différents supports avec une radio associative et l’émission télévisée Le Bondy Blog Café diffusée dès 2011 sur LCP et France Ô. C’était une volonté d’élargir votre public ?
La radio et l’émission de télévision qui n’existent plus aujourd’hui correspondaient à une volonté de rencontrer des interlocuteurs de manière authentique. Nous avons filmé et interviewé François Hollande, Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jacques Attali, Christiane Taubira dans une brasserie bondynoise... Cette émission mensuelle qui demandait une longue préparation s’est arrêtée en 2016. Mais les blogueurs gardent un bon souvenir de la liberté qui régnait sur le plateau avec la possibilité de demander des comptes à ces serviteurs de l’État. En terme d’audience, je pense qu’avec 150 000 visiteurs par mois en 2018, nous bénéficions toujours d’une position de pionnier dans le paysage médiatique. Chose impensable au début de l’aventure du BB, les rédactions parisiennes nous appellent quelquefois pour connaître notre avis sur des événements de l’autre côté du périphérique !
Depuis 2008, le BB a fait des petits dans les banlieues françaises et européennes avec le Lyon, le Marseille ou le Nice Bondy Blog et des antennes du même nom à Bruxelles, Lausanne, Tunis ou encore Dakar. Quelles relations avez-vous avec ces rédactions ?
Ces entités ont repris notre "label" si on peut dire mais se développent de manière complètement autonome. Si elles nous demandent un coup de main, on le donne bien sûr mais nous nous n’avons pas vraiment de liens avec elles. En tout cas, nous sommes flattés que des banlieusards de province et du monde entier prennent la plume pour faire connaître leur quotidien.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite au Bondy Blog ?
De durer encore au moins quinze ans, d’accueillir de nouveaux talents et que notre belle aventure journalistique se poursuive encore et toujours !
Propos recueillis par Carine Arassus
2007 - Baccalauréat littéraire suivi par un Master 2 en droit public
2013 - 1er article dans le Bondy Blog suivi par des dizaines de "papiers" sur la politique, les chibanis, les inégalités sociales ou des sujets plus légers...
2016 - Latifa part aux États-Unis couvrir la campagne de Donald Trump
2019 - Elle devient directrice du média citoyen en tandem avec le rédacteur en chef Ilyes Ramdani
Crédit-photo : Bondy Blog
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