La basilique Saint-Denis, joyau gothique
La cathédrale Saint-Denis était l’un des 14 monuments français sélectionnés pour l’émission de Stéphane Bern « Le monument préféré des Français » sur France 3 en 2022. Jean-Michel Leniaud, grand connaisseur de la basilique Saint-Denis nous avait raconté une partie de son histoire.
Vous avez écrit « La basilique Saint-Denis et ses chantiers » aux éditions du patrimoine. Pourquoi vous être intéressé à elle ?
J’ai commencé à travailler sur l’histoire de la restauration du patrimoine au 19ème siècle. Je me suis alors rendu compte que la basilique de Saint-Denis avait été le siège d’une très très grande ambition : concilier le patrimoine et les avancées technologiques de la Révolution industrielle.
L’aimez-vous, cette basilique ?
Je l’aime beaucoup. A l’intérieur, je trouve qu’on est dans un espace d’une luminosité absolument prodigieuse. Je trouve que c’est magique. Ceci, on le doit à Suger qui voulait absolument matérialiser la lumière dans son église abbatiale.
Vous souvenez vous de la première fois où vous y êtes entré ?
La première fois que j’ai visité la basilique Saint-Denis, j’étais étudiant en histoire de l’art. J’y suis allé un jour d’hiver tout à fait par hasard. C’était un 21 janvier au début des années 70. Il faisait noir, gris, l’église était extrêmement sombre. Il y avait juste quelques lumières dans le chœur. Je me demandais ce qui se passait. J’ai compris alors que c’était la messe anniversaire pour la mort de Louis XVI. J’ai trouvé ça pathétique. Il y avait 40 personnes qui étaient là qui accomplissaient des gestes que je ne comprenais pas très bien dans un espace qui était froid, sombre.
Comment se trouvait la basilique à l’époque ?
Les bâtiments étaient extrêmement noirs, la façade illisible, les vitraux sales. C’était un édifice non pas à l’abandon mais déconsidéré. J’y suis retourné au début de cette année 2022, un 21 janvier… et cinquante ans plus tard, il y avait 800 personnes à la cathédrale de Saint-Denis.
800 visiteurs en plein hiver ? Était-ce parce qu’il s’agit de la nécropole des rois de France ?
Les gens viennent en effet à Saint-Denis pour visiter le mausolée des rois de France. Mais cela est à présent complètement déconnecté d’un caractère politique. Maintenant l’histoire prime, alors que pendant l’entre-deux-guerres, les conflits étaient réels entre le parti monarchique et les Républicains.
A quelle époque, cette nécropole des chefs d’Etat s’est-elle constituée ?
Cette nécropole s’est constituée progressivement. Au temps des premiers Capétiens, Louis VII, le grand-père de Saint-Louis ne souhaitait pas être enterré à Saint-Denis. Saint-Louis, lui, a été enterré dans l’abbatiale et a relié les trois dynasties : Mérovingiens, Carolingiens et Capétiens. Ce rôle de nécropole royale s’est systématisé par la suite.
C’est unique en France, non ?
Oui, c’est même tellement la nécropole des chefs d’État qu’à un moment donné il a été question que Napoléon aille à Saint-Denis plutôt qu’aux Invalides. Napoléon III avait aussi fait réaliser son tombeau à Saint-Denis.
Que pouvez-vous nous dire des gisants ?
Que tout cela est disjoint. Les mausolées des Valois (Louis XII, François Ier et Henri II), ces grands monuments de la Renaissance, n’ont pas été construits pour la basilique au départ mais pour une nécropole ronde. Elle avait été commandée par Catherine de Médicis et se trouvait légèrement au nord de la basilique, dans le square… Ses fondations sont encore visibles d’ailleurs. Les tombeaux se trouvaient là. Le régent a ordonné la destruction de cette nécropole ronde qui menaçait ruine et a rapatrié dans la basilique ces trois grands mausolées.
D’un point de vue architectural, la basilique est une sorte de patchwork et pourtant elle reste très harmonieuse…
C’est une construction, en effet, multiséculaire. Ce que j’aime beaucoup à Saint-Denis, c’est cette conjonction des différentes époques qui est vraiment extraordinaire : ces grands vitraux du 19ème siècle, la couverture qui date de la révolution industrielle… Bien que beaucoup de choses aient été détruites à Saint-Denis, tout ce qui s’y est passé, est à mes yeux, un prodigieux enrichissement, surtout au 19e siècle. Pourtant c’est pour cette raison que des générations et des générations d’historiens d’art l’ont méprisé. Ils vivaient sur un dogme : les œuvres d’art et les monuments devaient être homogènes. S’ils ne l’étaient pas, il fallait opérer une critique textuelle qui consistaient à éliminer du regard ce qui était postérieur, considéré comme un horrible parasite.
Pourquoi donc continue-t-on à l’appeler basilique et pas cathédrale ?
Au départ la basilique Saint-Denis est une abbatiale. Elle a perdu son statut d’abbatiale à la Révolution. Elle a conquis le statut de basilique, de façon immémoriale. La tradition a reconnu son rôle spécifique d’église de pèlerinage, le point de départ de toute l’évangélisation de la Gaule. Et juridiquement, voilà 60 ans que c’est une cathédrale, c’est à dire l’église de l’Évêque. Quand l’État a disjoint le Département de la Seine en plusieurs départements, l’Église l’a suivi en accordant sa nouvelle organisation au modèle départemental. Il est temps effectivement qu’on l’appelle cathédrale !
Historiquement l’abbaye de Saint-Denis était un haut lieu culturel. L’un des plus importants au Moyen âge et jusqu’à l’époque moderne. C’était un peu le CNRS français avec tous ses moines savants. A cette époque, la foire du Landy attirait des quantités de gens. L’histoire milite en faveur du réexamen du rôle de Saint-Denis. » )]
Crédits et remerciements : Pascal Lemaître / CMN
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