Emotion et liesse au Concours national de la Résistance
Vendredi 27 mai, l’Hôtel du Département a reçu quelque 200 collégiens et lycéens, lauréats du Concours national de la Résistance. Cette année, le thème du concours portait sur les liens entre art et Résistance, l’occasion pour les jeunes gens de se rendre compte que la résistance n’est pas que synonyme de lutte armée.
Dans le salon d’honneur de l’Hôtel du département, les participants reçoivent leurs prix respectifs pendant que certaines citations de leurs devoirs sont projetées sur un petit écran. « Résister n’est pas qu’une affaire du passé. Encore aujourd’hui, la liberté d’expression est fragile. Le terrorisme la met gravement en danger, mais il n’est pas le seul. Dans beaucoup de pays, des dictatures empêchent les citoyens de s’exprimer librement », écrit par exemple Flora Phan dans son devoir.
En ce 27 mai, 73 ans après la fondation du Conseil national de la Résistance par Jean Moulin à Paris, la jeune fille, en classe de 3e au collège Louis-Pasteur de Villemomble, est présente au milieu de ses camarades pour recevoir ses deux premiers prix, individuel et collectif. Mais les élèves ne s’arrêtent en général pas à la gloriole des récompenses : la conscience d’avoir accompli un travail de mémoire et l’intérêt pour les enseignements de l’histoire sont bien plus forts.
Parmi les 646 collégiens et lycéens de Seine-Saint-Denis à avoir une nouvelle fois participé au Concours national de la Résistance et de la Déportation, très nombreux sont ceux qui disent avoir été enthousiasmés par le thème proposé pour cette 55e édition : « Résister par l’art et la littérature ». « Grâce à ce concours, j’ai compris comment on pouvait résister par l’art et la littérature, qui ont une portée beaucoup plus profonde que celle des armes. Par exemple, j’ai découvert un beau poème de Marianne Cohn, une résistante allemande qui a été torturée et tuée par les nazis », témoigne Imène Kouidri, lauréate du collège Lucie-Aubrac de Villetaneuse.
Oscar Duchène, en 3e au collège Henri-Matisse de Montreuil, a plus particulièrement évoqué dans sa composition l’art présent jusque dans les camps de concentration. « J’ai appris que les personnes déportées avaient produit des œuvres d’art jusque dans les camps de concentration et d’extermination. Au départ, ça m’a étonné, mais après j’ai compris que c’était une manière pour eux de ne pas perdre leur identité, de rester humains. »
Lancé dès 1961, ce concours vise à maintenir vivante la mémoire de la Résistance et à réaffirmer encore et toujours les valeurs républicaines qui guidèrent en leur temps ceux qui choisirent d’agir contre la barbarie. Au fil du temps, l’exercice a aussi su intégrer des supports plus modernes. Le collège Lucie-Aubrac de Villetaneuse a ainsi été récompensé pour sa vidéo réalisée par toute une classe de 3e sur les lieux de mémoire en rapport avec le thème « art et résistance ». « Nous avons emmené les élèves devant les Editions de minuit, à l’ancienne prison de la Roquette, à la galerie Jeanne-Bucher ou encore à la Cité de la Muette à Drancy. Dans tous ces lieux, ils ont pris la parole en déclamant un poème ou en faisant un bref exposé devant la caméra. C’est une réussite : beaucoup ont clairement été touchés par certains parcours personnels d’artistes », expliquait ainsi Mme Aubertin, professeur d’histoire.
M. Naulet, son homologue au collège Jean-Jaurès de Montfermeil, se félicitait lui aussi du thème choisi cette année. « Pour la majorité de nos élèves, résister, c’était surtout prendre les armes, faire des sabotages. Là, ils ont pu constater que ce n’était pas que ça. Un groupe a par exemple travaillé sur le travail de protection des œuvres d’art réalisé par le directeur du Louvre de l’époque, M. Jaujard. Ils ont aussi compris que l’art faisait l’objet d’une bataille idéologique, les nazis ayant décrété ce qui était à leurs yeux de l’Art dégénéré. » Cet établissement, récompensé par un 4e prix pour sa toute première participation, a lui fait le choix de la production d’un diaporama.
Largement encouragés par le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, la transmission de la mémoire et l’investissement de la jeunesse sur ces thématiques sont d’autant plus urgents que les témoins directs de cette période sont de moins en moins nombreux. Yvette Lévy, ancienne résistante et déportée, qui intervient depuis longtemps dans les établissements scolaires, se disait ainsi agréablement surprise que le succès du concours ne se démentisse pas. « C’est très bien que ces jeunes prennent davantage de temps pour comprendre cette période de l’histoire. En même temps, ça me paraît essentiel parce que c’est un combat perpétuel », expliquait cette ancienne membre des Eclaireurs israélites de France, déportée le 31 juillet 1944 par le dernier grand convoi de Drancy à destination de Birkenau.
Et lorsqu’Elise Marchand, jeune lauréate du concours, en classe de première à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur à Saint-Denis, s’approche d’Yvette Lévy pour venir lui dire sa gratitude de la voir continuer à témoigner à 90 ans, on se dit que le concours a une fois de plus porté ses fruits, en assurant la persistance de la mémoire.
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