Droits de l’enfant : pour Claude Roméo, « le compte n’y est pas ! »
Huit ans après son départ à la retraite, l’ancien directeur de l’Enfance et de la Famille du Département, Claude Roméo, livre son analyse, son expérience et ses préconisations dans un ouvrage : "Négliger les enfants… c’est détruire l’avenir".
Quel bilan dressez-vous de la situation des droits de l’enfant en France ?
"Depuis la ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant le 7 août 1990, la France a fait de nombreux progrès, mais un écart important existe entre les droits formels et les droits réels. Par exemple, trois millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté, 110 000 sortent du système scolaire sans aucune qualification, 20 000 porteurs de handicap sont exclus de la scolarisation, etc. N’est-ce pas inimaginable que, selon les associations, 6 à 8 000 mineurs se prostituent et que ces pratiques se développent, quel que soit le quartier ?"
Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a également adressé des critiques à la France suite à son audition en janvier 2016. Vos constats se rejoignent-ils ?
"Le Comité reconnaît les efforts du gouvernement dans de nombreux domaines et se félicite de la loi de 2007 et de celle de 2016 sur la protection de l’enfance mais, dans le même temps, les 20 pages d’observations et de recommandations montrent que le compte n’y est pas !
Le Comité recommande notamment des efforts pour réduire le poids de l’origine sociale dans la réussite scolaire, l’interdiction explicite des punitions corporelles, de faire de l’éradication de la pauvreté une priorité nationale, des réformes en matière de justice des mineurs, la fin de l’accouchement sous X, la suppression du recours aux tests osseux, etc. Cela rejoint nombre de mes préconisations."
Vous comme lui préconisez la mise en place d’une politique globale de l’enfance. Que voulez-vous dire ?
"Une politique globale de l’enfance nécessiterait de privilégier l’efficacité plutôt que les effets d’annonces et de ne pas considérer les problèmes sous un aspect partiel et conjoncturel. On ne peut pas continuer de penser l’enfant en le segmentant : l’élève, le malade, l’enfant placé, l’enfant de parents étrangers, etc.
Une loi d’orientation quinquennale, dont la mise en œuvre ferait l’objet d’un examen annuel au Parlement, est nécessaire. Il faudrait également une mobilisation pour éradiquer la pauvreté des enfants, s’accompagnant de la gratuité totale de la restauration scolaire et périscolaire, la mise en place d’une école de la réussite valorisant davantage les savoir-faire de l’enfant et une politique de prévention précoce afin d’éviter les situations de maltraitance."
Vous appelez aussi à un changement de regard...
"Oui. La Convention internationale des droits de l’enfant doit être davantage connue car comment se prévaloir de droits quand on les ignore, quand on ne les comprend pas ou, pire, quand on considère qu’ils ne sont pas pour soi ?
Il convient par ailleurs de considérer l’enfant comme un être en devenir, qui développe progressivement ses capacités et son autonomie. L’enfant a des droits et sa place dans notre société. Il faut l’accompagner, rechercher son meilleur intérêt afin de lui permettre d’exprimer son potentiel. Son point de vue est essentiel et nous devons apprendre à le solliciter et à l’écouter."
Claude Roméo, Négliger les enfants… c’est détruire l’avenir. Ed. Chronique sociale, 2016.
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