Dire la violence pour l’interdire : les jeunes ont des idées
Avec son initiative Jeunes contre le sexisme, qui fête cette année ses 10 ans, l’Observatoire des violences envers les femmes poursuit son travail de sensibilisation auprès du jeune public. Reportage et VIDÉOS à voir absolument !
On a toutes et tous quelque chose à raconter en matière de sexisme.
Le temps d’une après-midi, avec grâce, élégance et justesse des jeunes gens nous ont plongé dans leur vie d’ado. En Seine-Saint-Denis depuis dix ans, grâce au dispositif « Jeunes contre le sexisme », les collégiens manient la caricature, le second degré et se moquent de nous avec férocité dans un seul but : lutter contre les comportements sexistes. Quand la colère se transforme en or… on en redemande.
Quelque chose de personnel. Voire d’intime. Quelque chose qui nous a blessé. Quelque chose qui nous a choqué. Quelque chose qui nous met encore en colère. La plupart du temps, ce quelque chose, on le garde pour soi. On craint de le partager.
Heureusement pour nous, ce 30 mai, dans la salle de Canal 93, à Bobigny, personne ne s’est tu. Et surtout pas Anastasija du collège Jean-Zay de Bondy qui nous explique dans « Comme je suis » qu’elle « n’a pas le bon physique ». Que son « petit dèj’ est toujours sucré », que son « ventre est blindé » et « son pyjama XXL », et que les critiques de son frère et de sa mère « lui donnent envie de fuguer ». Et là, on a tous envie de lui crier combien elle est belle. Un autre slam très personnel aussi lui succède : « Unique »… et on entre dans la tête de Corinne, une jeune fille qui se pose des questions métaphysiques et politique : « J’aimerais que cette loi ne revienne jamais.
Cette loi de l’enfant unique qui existait. Les parents ont tous voulu un garçon, un garçon dans leur maison. Un garçon juste pour la main d’œuvre. Un garçon destiné à travailler tout le temps ». Et cette jeune fille qui dénonce les conditions de vie extrêmement dures des garçons sans jamais prononcer le mot « Chine » conclut son slam de cette façon : « si mes parents n’étaient pas venus en France je ne serais pas venue au monde je n’aurais pas pu avoir d’enfance je ne connaitrais pas cette belle terre ronde ! ».
Au collège Pierre de Geyter, à Saint-Denis, Adil dénonce de son côté les conditions de vie extrêmement dures des filles et des femmes en France : « je n’aimerais pas être une fille » commence-t-il par dire. Et de citer tout ce qu’il ne pourrait pas supporter : Des « règles », aux « douleurs de l’accouchement », au fait d’être « moins payée », « de se faire maltraiter ». Adil conclut simplement par : « A toutes les filles je dis respect ».
La pression sociale et familiale est forte comme nous le dit Dounia du collège Françoise Dolto de Villepinte. Dans « Caché », elle s’adresse à son frère : « t’aimerais que j’reste p’tite le temps passe vite. » « Dis-moi les choses sans violence » Tout en réhabilitant la réputation des garçons : « c’est pas parce que je parle à un mec que le monde s’arrête. », « tous les garçons n’sont pas des bâtards faudra le comprendre tôt ou tard. » Et l’animatrice de lui suggérer après sa prestation d’en faire la lecture à celui qui doit changer : le principal intéressé.
Sur scène, ces textes intimes, complexes, subtils, élégants, déclamés avec calme et conviction, étaient entrecoupés de clips vidéo plutôt corrosifs sur grand écran.
Et cette année encore on a beaucoup ri. Quand Josiane et Jean-Bernard du téléshopping nous présente un produit miracle : « la poudre respect » on est chez « les Nuls », « les Inconnus ». « Je m’adresse à tous les téléspectateurs. Si vous avez humilié, insulté, ce produit est fait pour vous. » Une fois la poudre dispersée, le goujat lève le nez : « j’ai une drôle de sensation, je me sens moins con d’un coup ». « - Epoustouflant ?!!? ».
Comme un produit ne marche jamais seul, on vous propose aussi « le pulvérisateur Lacrymatcho » à utiliser lors de vos déplacements. Bravo aux collégiens graines acteurs. Edouard Durand, le juge pour enfants du Tribunal de Bobigny a assisté à toutes ces prestations scéniques et a été touché par la dimension personnelle des travaux présentés : « vous avez montré la beauté de votre corps et la beauté de votre pensée et la beauté de votre langage.
C’est le fruit d’un travail et ça produit de la dignité humaine et je vous félicite aussi pour ça. » Edouard Durand de poursuivre en saluant la très grande qualité du travail réalisé : « Vous m’avez fait prendre conscience de beaucoup de choses. (…) Vous avez montré les émotions et notamment dans une vidéo où on voit cette jeune fille qui vainc sa peur pour lutter contre ceux qui l’empêchent de circuler librement dans l’espace public. C’est une liberté fondamentale, la liberté d’aller et venir. Vous m’avez aidé à le comprendre ». Ce juge estime que le regard porté sur les femmes et les filles est trop conformiste et qu’il devrait être plus empathique « il y a quelque chose de politique dans ce que vous venez de faire ».
Verbatim
Souad, alias princesse Jasmine du collège Eugénie-Cotton à Saint-Ouen, 16 ans :
« notre film raconte l’histoire des princesses : il y a Cendrillon, Blanche-neige, moi j’ai joué Jasmine.... Les femmes doivent être parfaites dans les contes, c’est elle qui doit être belle, doit prendre soin des animaux. Dans notre film, elles sont en dépression et nous racontent leurs rêves de vie. Pendant ce temps là, les chevaliers sont partis chasser le dragon. Notre objectif est de dénoncer ces faits en remettant Disney à notre manière. Les princesses viennent se plaindre de leur vie… On a raison de se plaindre, c’est quelque chose qui est encore l’actualité. Je suis contente qu’on soit formées à lutter contre le sexisme. ».
Lukshani et Kirtika, 14 et 15 ans :
« nous avons travaillé à une affiche pour effectuer un changement sur le règlement intérieur dans notre collège où il est dit que les filles ne doivent pas mettre de shorts trop courts. Car parfois le règlement intérieur peut être sexiste ».
Nasrédine, 14 ans, élève au collège Jean-Vilar à Villetaneuse :
« c’est une bonne expérience. J’aime bien le concept de ces ateliers qui nous aident à lutter contre le sexisme. Au collège, on constate que les filles et les garçons jouent chacun de leur côté. Si un garçon s’entend bien avec des filles, s’il joue à la récré, on l’insulte. Il faudrait que les filles et les garçons jouent davantage ensemble ».
Film réalisé par les collégiens du collège Jean Vilar à Villetaneuse.
Edouard Durand, juge pour enfants du Tribunal de Bobigny :
« Vous avez dit aussi une chose extrêmement importante : la puissance n’est pas la domination. C’est un grand combat de l’humanité qui n’est toujours pas terminé. Quand j’ai un agresseur en face de moi lors des audiences je dis : la force c’est de se maîtriser. La force c’est d’être en capacité d’identifier les émotions que l’on ressent, d’identifier les pulsions qui s’agitent en moi pour les dominer et non pas de dominer l’autre ».
Avec eux, le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, en partenariat avec la Direction Départementale des Services de l’Éducation Nationale, le Mouvement Français pour le Planning familial de la Seine-Saint-Denis, s’engage contre les comportements sexistes et violents. 1500 collégien-ne-s de notre département se sont mobilisé-e-s pour faire reculer les comportements sexistes et violents dans les relations filles/garçons.
Tout au long de l’année scolaire 2016-2017, elles et ils se sont sensibilisé-e-s à la question du sexisme, ont débattu ensemble, puis ont travaillé à faire changer les comportements, tout d’abord au sein de leur classe puis au sein de leur établissement.
Avec beaucoup de désir, d’énergie et de talent, elles et ils ont présenté leurs travaux lors de la 10ème Rencontre départementale des jeunes contre le sexisme : voici les films
Lâche rien cousine !
Film réalisé par les collégiens du collège Travail Langevin à Bagnolet
On nous prend pour des contes !
Film réalisé par les collégiens du collège Cotton au Blanc Mesnil
L’éducation des garçons
Film réalisé par les collégiens du collège Jean Vilar à Villetaneuse
Poudre respect
Film réalisé par les collégiens du collège Pierre Brossolette à Bondy
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