Didier, policier : « Nous sommes en permanence en contact avec la population »
Elle est pharmacienne, lui magasinier, il est chauffeur routier, elle infirmière. Tou·te·s opèrent en Seine-Saint-Denis. Et tou·te·s, malgré les mesures de confinement prises contre la pandémie de coronavirus, se rendent chaque jour sur leur lieu de travail pour maintenir le fonctionnement du pays. Pour Le Mag de Seine-Saint-Denis, ils·elles racontent leur quotidien d’"inconfinables".
Didier Delamade est chef de service de la police municipale d’Aubervilliers :
" Il a fallu adapter dès le 16 mars (un jour avant le confinement) notre service aux consignes gouvernementales. Nous avons donc décidé de diviser notre équipe en deux, avec un groupe de sept agents mobilisés du lundi au dimanche dix heures par jour sur les semaines paires et un autre groupe de sept agents sur les semaines impaires. Ce planning prévoit également qu’un policier au repos peut être rappelé pour pallier l’absence d’un collègue en cas de contamination, de suspicion de contamination ou pour un autre motif. Nos conditions de travail sont devenues très difficiles car il faut aussi gérer les affaires courantes… Cette multiplication des tâches renforce le stress et la fatigue. Mais bon, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, comme dit l’adage.
Notre manière de travailler a elle aussi été revue. La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 donne désormais compétence aux policiers municipaux pour relever les infractions relatives aux restrictions de circulation par procès-verbal. Une difficulté supplémentaire car les habitants n’ont pas l’habitude, et ont parfois du mal à accepter qu’on puisse endosser ce rôle. Lors des deux première semaines du confinement, nous avons réalisé en moyenne 250 contrôles par jour et effectué environ 50 verbalisations par semaine. Il y a eu un pic au départ mais, à mesure que les jours passent, les gens font preuve d’une certaine discipline. La répression ne constitue pas le cœur de notre métier, nous avons d’abord vocation à prévenir et sensibiliser la population. En ce moment, on consacre beaucoup de temps à décrypter les mesures prises par l’Etat et la municipalité, nous sommes en quelque sorte leur relais sur le terrain. Et notre permanence téléphonique est l’un des rares services municipaux à être resté ouvert pour répondre aux questions des habitants.
Comme partout ailleurs, nous avons attendu une bonne dizaine de jours avant de pouvoir bénéficier de masques, de gants et de gel hydro-alcoolique. Pour nous en procurer, nous avons fait joué nos réseaux sur la ville. Aujourd’hui, nous sommes constamment ravitaillés et toute l’équipe peut se protéger. Nous utilisons deux masques chirurgicaux en papier par jour. Depuis le début de la crise, deux de nos agents ont été arrêtés car ils ont été pris de poussée de fièvre. Par mesure de précaution, ils ont été mis en quatorzaine. Puis ont été testés négatifs. Dans notre métier, nous sommes en permanence en contact avec la population, le risque de contamination est réel. Le 24 mars, nous avons participé à l’évacuation à Aubervilliers d’un camp de 700 migrants. Parmi eux, au moins une trentaine de cas ont été détectés.
Certains de mes collègues éprouvent des craintes, d’autant que des décès dus au Covid-19 sont survenus dans leur famille. Pour ma part, je ressens plutôt de l’appréhension. Pour éviter les débordements, le préfet de Seine-Saint-Denis a récemment annoncé la fermeture des épiceries et des restaurants qui assurent la vente à emporter tous les soirs à compter de 21h (applicable dans tout le département, ndlr) et l’ensemble des commerces le dimanche à partir de 13h (seulement en vigueur à Aubervilliers et Saint-Denis, ndlr). Ce qui m’irrite le plus, ce sont ces personnes qui sortent pour profiter du moindre rayon de soleil alors qu’on leur serine à longueur de journée qu’il faut rester chez soi."
Propos recueillis par Grégoire Remund
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