« C’est la vie », la série à succès de Marguerite Abouet
Marguerite Abouet, l’auteure de Aya de Yopougon, est aussi à l’origine de la série télévisée panafricaine « C’est la vie ». Suivie par 100 millions de téléspectateurs, cette série aborde toutes les questions de prévention et de santé jusqu’aux tabous de l’excision, du mariage précoce... Celle qui vit entre Romainville et Noisy-le-Sec revient sur cette belle aventure qui se termine.
Avec la série « C’est la vie », on est à la fois dans les Feux de l’amour, dans Urgences et chez Aya. Est-ce toujours vous qui êtes à l’origine des scénarios, des histoires racontées dans cette série ?
Marguerite Abouet : Pour élaborer les intrigues, qui se déroulent principalement dans un centre de santé, nous nous sommes appuyés mes collègues et moi sur la méthode Sabido, du nom de son créateur, un scénariste mexicain. Cette stratégie consiste à véhiculer des messages de façon subtile grâce à des valeurs communes, des réalités locales ou régionales. J’ai inventé la bible (les personnages et leurs trajectoires). Puis avec deux collègues scénaristes nous avons étoffé les parcours des personnages dans chaque épisode. Nous travaillons ensuite avec des scénaristes qui nous aident à mettre tout ça à l’écrit… Après c’est une histoire de va-et-vient. On regarde les différentes parties : le synopsis, le séquencier, le dialogué, à chaque fois. On supervise tout ça, jusqu’à la fin. On en a fait 92 épisodes sur trois saisons. C’est énorme.
On devient vite accroc à cette série.
Marguerite Abouet : Merci. Ce n’était pas évident parce qu’à la base c’est un projet destiné à porter sur la sphère publique les thématiques de santé liées à la santé maternelle et infantile, à la planification familiale, aux violences conjugales et à la sexualité. La série se déroule principalement dans un centre de santé d’une capitale urbaine d’un pays africain. Mais nous avons réussi à dépeindre avec réalisme et humour la vie quotidienne de personnages hauts en couleur, en évitant d’être didactique et pédagogique.
Cette série est entièrement tournée au Sénégal. Comment se passent les tournages ?
Marguerite Abouet : A chaque épisode, chaque thématique, ce sont des discussions qui duraient des heures avec les comédiens, les comédiennes, avec toute l’équipe qui se posaient des questions sur les sujets abordés. Le plus important c’était de tous arriver à un résultat commun : être plus proche de nos personnages pour toucher les téléspectateurs. Et c’est ça le plus important dans « C’est la vie ».
De quoi êtes-vous la plus fière dans cette aventure ?
Marguerite Abouet : Le fait que cette série ait un impact sur la population. Elle les aide à changer de comportement en suscitant le débat. On aborde des sujets assez tabous. Et quand toute une famille regarde « C’est la vie » chacun à son niveau bien sûr, on se dit qu’on a réussi. Lorsqu’un père se rend compte que marier sa fille à 15 ans est néfaste pour son futur. Que grâce à « C’est la vie » il va attendre qu’elle ait 18 ans, qu’elle aille un peu loin dans les études.
Vous avez créé toute une économie du cinéma sur place
Marguerite Abouet : On a réussi à créer des emplois. C’est plus de 300 à 500 personnes qu’on fait travailler tous les ans. Ce sont des mois et des mois de travail. Ce sont aussi des vocations. Ce qui m’intéressait, c’était aussi former toute cette jeunesse. Aujourd’hui, on a réussi à former des machinistes et des réalisateurs femmes. Toute une grande équipe qui travaille à présent sur d’autres séries. Pour ça, c’est une belle aventure.
Vous allez en faire d’autres ?
Marguerite Abouet : C’est beaucoup de travail. Je viens de laisser la main. Ce que j’aime, c’est lancer les choses. Trouver les bonnes personnes avec qui le faire. Former, partager et ensuite laisser la main. Je pense qu’après 92 épisodes, je n’ai plus rien à apporter à « C’est la vie ». Cette saison 4, c’est sans moi.
Aya, Akissi, « C’est la vie », sont très populaires. Est-ce un choix ou une conséquence ?
Marguerite Abouet : Ça peut être les deux : un choix et une conséquence. J’ai toujours vécu dans un quartier populaire. Je côtoie toutes sortes de populations. Et pour que mon imaginaire se mette en marche, il faut que tout soit précis au départ. Il me faut des endroits précis, des gens précis qui ont des problèmes précis. J’installe tout, à commencer par l’atmosphère. On doit s’y croire, on doit y croire, on doit y être. C’est peut-être pour ça que mes histoires ont l’air d’être populaires. Je raconte les gens tout simplement. Je raconte la vie. C’est le plaisir de raconter les choses de la vie comme elle va. Derrière chacune ou chacun de mes personnages, il y a une ombre portée de souvenirs, d’émotions. C’est la réalité observée avec le regard bienveillant. Cela donne des ailes à une fiction mature qui touche énormément de personnes.
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