Bruce Clarke, peindre pour rendre le monde meilleur…
L’artiste Bruce Clarke vient de réaliser sur le mur d’une école de Sarcelles une immense peinture murale de femmes combattantes de la liberté. Le peintre et plasticien prolifique, établi à Saint-Ouen, a exposé en Seine-Saint-Denis et sur les cinq continents. Portrait.
Foisonnant, c’est le mot qui vient à l’esprit lorsqu’on découvre l’atelier de l’artiste, envahi par d’imposantes toiles et un enchevêtrement de gouaches, de pinceaux et de cartons froissés… Bruce Clarke nous accueille dans son appartement de Saint-Ouen et se retourne sur son parcours d’artiste. Né à Londres dans une famille originaire d’Afrique du Sud, il côtoie très jeune des militants anti-apartheid ayant fui le racisme et la ségrégation raciale. Il étudie les Beaux-arts en Angleterre et choisit de traiter l’histoire contemporaine et sa transmission. Il s’installe en France et expose très vite dans l’Hexagone et à l’étranger.
Ses toiles mettent à l’honneur les victimes des inégalités nord-sud : esclaves économiques, victimes de guerres oubliées… à qui il rend leur dignité et leur sens du combat. Les créations du plasticien incluent souvent des fragments de journaux au contenu énigmatique. « Je veux piquer la curiosité du spectateur et créer une réflexion en jouant sur le décalage entre les mots et les images, même si cela occasionne un peu de frustration », explique-t-il.
L’artiste s’essaie à d’autres supports en réalisant des affiches de films et des reportages photographiques. Il couvre notamment la transition démocratique en Afrique du Sud et le traumatisme après le génocide des Tutsis au Rwanda. Confronté à l’horreur des massacres, il crée dès les années 2000 Le jardin de la mémoire, un mémorial en forme d’installation monumentale, à proximité de Kigali, avec le concours des proches des victimes, des institutions rwandaises et de l’UNESCO. « L’art me semble tellement dérisoire face à la souffrance et à l’assassinat de presqu’un million de personnes. Par ce travail, je souhaitais apporter ma pierre à la transmission de la mémoire du génocide, qui ne concerne pas que les Rwandais mais tous les citoyen·ne·s du monde ». En 2014, il travaille sur le projet Les hommes debout et redonne un visage aux disparu.e.s en les peignant de pied sur les sites du massacre. Ces immenses personnages seront accrochés et projetés en simultané sur les bâtiments publics d’une vingtaine de grandes métropoles lors des 20èmes commémorations du génocide.
Bruce Clarke est un artiste engagé pour qui le support compte moins que le message. Il publie en 2006 "Dominations", un livre sur les effets humains de la mondialisation et plus récemment "Fantômes de la mer", qui incite à regarder autrement les migrant·e·s disparu·e·s en Méditerranée. L’art est selon lui toujours politique, que le·la créateur·rice le désire ou non.
« On peut voir l’œuvre comme un langage. J’essaie de maîtriser le plus possible le sens de mes créations pour éviter que quelqu’un d’autre ne prenne le contrôle sur leur interprétation. »
Le plasticien exposera très prochainement à Beyrouth et à Cotonou. Et il inaugurera à la mi-octobre à l’école Pasteur de Sarcelles sa dernière peinture murale en hommage à cinq femmes fortes : Anna Langfus, Maryse Condé, Malala Yousafzai, Assia Djebar et Olympe de Gouges, qui ont toutes à leur façon combattu pour un monde plus pacifique.
Photos : © Miki Yamanaka
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