Aubervilliers : « La Blague », un café caméléon, par et pour les habitants

Café, restaurant, local d’aide aux devoirs, et d’apprentissage du français, lieu de réunion ou d’ateliers cuisine pour les seniors... « La Blague », ouverte il y a trois ans sous les arches de bétons de la Maladrerie, à Aubervilliers, tourne désormais à plein régime, véritable générateur de solidarité et de lien social dans ce quartier populaire.

« La Blague » est un refuge creusé dans les piliers de béton qui soutiennent la cité de la Maladrerie, à deux minutes à pied de la station Fort d’Aubervilliers. Le petit local de quatre pièces comprend une salle de restauration qui s’ouvre sur l’extérieur, une cuisine professionnelle, une salle de jeux pour enfant et un bureau. Il change de fonction au gré de ses utilisateurs, conçu pour être un espace « pour et par les habitants ».

Paradoxes de Galilée et langue de Molière

Depuis octobre, Loyce coordonne les projets du lieu. Elle nous a donné rendez-vous ce mercredi à 16 heures, pour rencontrer les jeunes qui fréquentent « l’aide aux devoirs ». Ranym sue à grosses gouttes sur un polycopié intitulé « Le paradoxe du duc de Toscane » : « J’ai observé qu’en lançant trois dés cubiques et en faisant la somme des numéros des faces, on obtient plus osuvent 10 que 9, alors qu’il ya autant de façons d’obtenir 9 que 10  ». Puis plus bas : « En utilisant un papier, un crayon, votre tête et celle de votre voisin.e, retrouver l’explication de Galilée ». La voisine en question, Clarisse, une cinquantaine d’années, scénariste et autrice de romans, qui encadre cette activité, n’en mène pas large. Derrière nous, Boubou psalmodie ses verbes de français. A 17 ans, le jeune mauritanien a rejoint son père en novembre dernier à Aubervilliers. Loyce l’a accompagné, bataillant les services départementaux de l’éducation nationale avec pour trouver une scolarisation.
À 17 heures, c’est au tour de Sophie de faire son entrée dans le café. L’institutrice de l’école Condorcet, voisine, veut passer son diplôme de Français-Langue Etrangère, et s’entraîne en aidant Boubou, Nouraldine et Kankou à enrichir leur vocabulaire. Peu à peu, les ateliers de la Blague se sont fait connaître dans le quartier : Kankou a été aiguillée par le chargé de mission de développement local, Nouraldine, par son conseiller Pôle Emploi. Alors que tout ce petit monde se concentre sur divers apprentissages, les badauds passent, comme Françoise, qui offre à sa petite- fille une grenadine après son cours de musique. Entendant Loyce détailler les milles activités du lieu, elle dégaine son porte-monnaie pour adhérer à l’association.

Un café aux mille fonctions

Car, tous les midis, La Blague se mue en restaurant. Inigo, le cuistot, et son apprentie Iris proposent des plats végétariens et faits maison. Le menu est à 14 euros pour ceux qui peuvent se le payer, professeurs ou intermittents du cirque Zingaro. Et à 4 euros pour les plus précaires, avec qui des liens sont noués grâce à une permanence mensuelle de l’association La Cloche. D’avril à juin, le petit local de l’OPH accueillera un projet sur la parentalité, associant parents et enfants au sein de trois ateliers cuisine, trois ateliers massages et trois séances sur la communication intrafamiliale.
L’année dernière, le lieu a également décroché une subvention départementale de 50 000 euros sur trois ans dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt « Autonomie dans mon quartier ». « Nous sommes en train d’organiser des ateliers cuisine à destination des seniors, avec des thèmes comme le diabète, l’hypertension, les produits frais. Nous allons aussi accueillir des intervenant de la Prévention Retraite Ile-de-France pour discuter avec ceux qui le souhaitent de leur nouvelle vie, les aider dans leurs difficultés administratives, les aider à mener des projets éventuels, à s’investir dans des associations », explique Loyce. Pour maintenir de la vie et du lien social dans ce quartier où il n’y a pas grand choix pour sortir, elle a aussi organisé, le vendredi, des soirées karaoké. Pour les habitants du quartier, pas question de blaguer.

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