André Gacko, le sculpteur qui déchire
Donnez à André Gacko une feuille de papier, il la transforme en œuvre d’art en un temps record. Loin des réseaux artistiques traditionnels, il se crée des univers chez lui, à Neuilly-sur-Marne, et transmet sa passion en animant des ateliers dans le département. Portrait d’un drôle d’oiseau.
« Déchirez la base de votre papier en trois parties égales. Froissez chaque frange. Allez ! On froisse, on froisse, on froisse ! Pliez un autre papier à côté, que vous allez attacher au tronc de votre cheval ». On s’exécute : on déchire, on modèle, on façonne. Ce dimanche 13 janvier, André Gacko donnait un cours de « cheval » en papier à l’occasion de l’inauguration de l’exposition « Cabanes » à la Cité des Sciences et de l’Industrie, dans le parc de la Villette. L’animateur de l’atelier est également l’auteur des dragons en papier qui hantent une des nombreuses et diverses cabanes de l’exposition. On comprend donc pourquoi à la fin de l’atelier, son cheval à lui tient debout, a un port altier alors que le nôtre ressemble à un lama boiteux. D’où tient-il donc ce talent ? Pour en savoir un peu plus, on l’a donc rencontré dans son petit appartement de Neuilly-sur-Marne, où il a bien voulu nous raconter son parcours.
Le sculpteur de 28 ans triture des emballages de bouillons cubes et de chewing-gum depuis qu’il en a six pour leur donner des formes de lion, de pigeon ou de cheval. « Je chiffonnais mes papiers en écoutant les cours de mes profs. Au début, cela fait du bruit, mais, à mesure que l’on froisse, le papier devient élastique et silencieux », explique l’ex-écolier dakarois. Il nourrit son inspiration de documentaires animaliers sur VHS, passe des heures au zoo à étudier les mouvements léonins, rend visite à son grand-père, dans la région quasi désertique du nord du Sénégal, où il contemple les pigeons. « Mes camarades de classe me donnaient des défis, comme par exemple, réaliser un dinosaure en trois minutes. Je sculptais des lutteurs, des femmes avec leurs enfants. Mais je fabriquais aussi des pièces qui manquaient au quotidien, comme des loquets, par exemple », se souvient André Gacko. A la maison, un tiroir est exclusivement réservé à ses sculptures.
Don Quichotte
Une équipe de TV5 repère son talent alors qu’il est tout petit, lors d’un tournage dans son école. « Ils voulaient que je vienne étudier en France, mais ma mère et ma grand-mère trouvaient que j’étais trop jeune ». Il saisit sa seconde chance bien plus tard. Devenu étudiant en génie mécanique à Lille, où réside une partie de sa famille, André ramasse par terre, un jour de pluie, une carte de visite. C’est celle de la galerie Alain Devos. Sensible à l’art, il s’y rend, et lui présente les BD qu’il dessine. Le galeriste l’oriente vers d’autres types de professionnels. « Par contre, quand je lui ai montré l’oiseau que j’avais rapidement réalisé pendant l’heure de cours dont je sortais, je l’ai vu retomber en enfance. Il m’a proposé d’exposer dans sa galerie. Je lui ai réalisé un Don Quichotte de 20 cm et des gens ont commencé à vouloir acheter mes réalisations, alors qu’elles étaient encore très fragiles et éphémères. Il a fallu que je réfléchisse au grammage et à des techniques pour les rendre pérennes, et qu’elles tiennent debout ». De Marcq-en-Baroeul jusqu’au Luxembourg, les expositions et salons d’art contemporain lui ouvrent leurs portes.
De reproductions très figuratives d’animaux, de personnages mythologiques ou de l’univers du cirque, le sculpteur évolue vers des sujets plus abstraits : le devoir de mémoire, l’esclavage, ou la libération des femmes. « J’adore me créer des univers. Aujourd’hui encore, je sors un grand tapis, je mets une chaîne radio de violon à fond, et je passe des heures, jusque tard dans la nuit, en immersion, à froisser, à déchirer. Mon esprit n’est plus là, il n’y a plus que mes mains qui donnent forme au papier », raconte celui qui habite désormais dans la tranquille bourgade de Neuilly-sur-Marne, et qui profite des longs trajets en RER pour rêvasser en regardant les nuages. Pour autant, il préfère se dire « créatif » plutôt qu’artiste à proprement parler. « Lorsque je vois des œuvres, c’est la technique qui m’intéresse », tient -il à préciser.
« Transmettre le mouvement »
Et c’est cette technique qu’il transmet dans des ateliers, du hall de la Cité des sciences à la place de la Pointe, à Pantin, en passant par la maison du Limousin. « Avec l’association des sculpteurs sur papier, le CRIMP, qui accepte de travailler avec moi bien que je ne fasse pas de l’origami, mais un art plus désordonné, plus anti-conformiste, nous animons ensemble des ateliers dans les médiathèques, pour les mairies. J’essaye de montrer aux gens que le plus important, dans la sculpture, c’est de transmettre le mouvement ».
Transmettre sa technique, avec plaisir. Pour ce qui est de ses œuvres, il a plus de mal. Chaque vente est pour André un déchirement. Alors, vivre de son art, pourquoi pas, mais seulement s’il s’agit de reproduire ses sculptures en résine grâce à des imprimantes 3D, ou d’en faire de petits films de stop motion. En attendant, il veut continuer son « vrai » job de designer luminaire, pour pouvoir garder dans son appartement de Neuilly-sur-Marne toutes ses créations... Bien au chaud dans son univers.
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