Festival Cirque La Courneuve

A La Courneuve, la Maison des jonglages fait son festival

Depuis le 21 août et jusqu’au 8 octobre, la Maison des jonglages, hébergée au centre culturel Houdremont à la Courneuve, propose, un peu partout en Ile-de-France, la 14e édition du festival Rencontre des jonglages. Un événement dont le Département est partenaire et dont le temps fort s’est déroulé du 10 au 12 septembre à Houdremont, justement, et dans les rues avoisinantes. Le Mag y était.

Dans la petite salle de spectacles du centre culturel Houdremont, à la Courneuve, les spectateurs semblent saisis. Sur scène, un drap blanc flottant au-dessus du sol se dénoue lentement puis s’agite dans tous les sens, tel un fantôme pris de convulsions. Aux commandes, l’artiste circassien Jörg Müller dont chaque déplacement, chaque geste (il manipule l’objet à l’aide de câbles) donne vie au linceul. C’est simple, c’est beau, à mi-chemin entre une performance et un spectacle de danse.

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Tangled Drops, Jörg Müller et Tabaïmo

Intitulé Tangled Drops (Gouttes Enchevêtrées, en français) et coécrit avec la plasticienne japonaise Tabaïmo, ce spectacle, encore en cours d’élaboration, prouve une fois de plus que le jonglage, cet art vieux de quatre mille ans, comporte de multiples facettes. Loin de se limiter aux balles et aux massues, il connaît depuis plusieurs années une révolution esthétique, où, bien souvent, le corps se retrouve en première ligne. C’est avec ce parti pris que, les 10, 11 et 12 septembre, le centre culturel Houdremont, qui abrite la Maison des jonglages, a accueilli le « cœur » du 14e festival des Rencontres du jonglage (qui joue les prolongations jusqu’au 8 octobre dans des lieux partenaires en Ile-de-France). Durant ces trois jours de temps fort, pas moins de vingt-quatre spectacles, parfois payants, parfois gratuits, ont été présentés.

« On prend toujours plaisir à se faire surprendre ici »

Parmi eux, une série de trois représentations courtes (20 minutes chacune) mises en lumière par la Maison des jonglages et le Samovar, un théâtre-école situé à Bagnolet et dédié aux arts du clown contemporain. Dans Fatiga, La mémoire des objets (compagnie Frutillas Con Crema), un clown nous rappelle tout ce qu’il est possible de faire, à condition d’être adroit, avec des sachets de thé et les tasses y afférentes. Dans Car tous les chemins y mènent (Les Complémentaires/Basile Forest), un violoniste à côté de ses pompes, au sens propre comme au figuré, fait l’étalage de ses talents de danseur et de musicien en jouant de son instrument tout en se contorsionnant.

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Et alors ? (Collectif Nous Deux)

Et dans Et alors ? (Collectif Nous Deux), on assiste à la rencontre de deux agrès rarement croisés sur scène, l’échelle et la balle. Une rencontre entre deux hommes, à la fois jongleurs habiles et clowns maladroits. « Pour moi, ce festival, qui est le fruit d’une politique culturelle ambitieuse sur le territoire, représente un rendez-vous incontournable car il propose chaque année un programme riche et innovant avec des compagnies qui nous plongent dans des univers parfois déconcertants. On prend toujours plaisir à se faire surprendre ici », estime Mathieu, un habitant de Neuilly-Plaisance qui a fait le déplacement avec ses deux enfants, Gabin, 8 ans, et Lucile, 5 ans et demi. Passionnés par les arts de la rue, Xavier et Perrine viennent depuis la toute première édition. « C’est créatif, imaginatif et accessible à tout le monde, disent-ils à l’unisson. Cela permet aussi de mettre à l’honneur un art dont on ne sait finalement pas grand-chose et autour duquel circulent de nombreuses idées reçues. »

Un public composé d’aficionados de la jongle et de badauds néophytes

Quand deux événements distincts se déroulent le même jour au même endroit, autant faire cause commune. Samedi 11 septembre, la place de la Fraternité, située face à la Maison des jonglages, était non seulement une place forte du festival (avec toute une série de spectacles gratuits) mais aussi le théâtre du Forum des associations de la Courneuve. Résultat, sur scène, après des démonstrations de danses traditionnelles indienne et comorienne assurées par les associations de la ville, se sont succédé des performances de jonglage face à un public composé d’aficionados de la jongle et de badauds néophytes. On y a notamment vu Mellow Yellow (Collectif TBTF, To Busy To Funk), une performance qui mêle jonglage traditionnel et culture hip-hop, en interaction constante avec les spectateurs.

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"Mousse", de la compagnie belge Scratch

Dans l’allée adossée à la Maison des jonglages, le spectacle Mousse, de la compagnie belge Scratch, nous a proposé un univers fait de joie et de peine, où l’absurde le dispute au burlesque. Les deux protagonistes, Gaëlle Coppée – tout juste récompensée du Prix 2021 de l’auteur de « Création jonglée » par la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) - et Denis Michiels, n’ont pas leur pareil quand ils évoquent des anecdotes remontant à leur enfance ou leurs déceptions sentimentales. Une belle complicité qui a suscité à la fin les applaudissements nourris et mérités du public venu en nombre.

Grégoire Remund
Photos : ©Sylvain Hitau

« Aujourd’hui, l’art du jonglage est transdisciplinaire »

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Vincent Berhault est directeur de la Maison des jonglages à la Courneuve et programmateur du festival.

Quel est l’objectif d’un tel festival ?
Chaque année, le Festival Rencontre des jonglages est l’occasion de faire un état des lieux en matière de création jonglée. Dans le monde des arts et du spectacle, les jongleurs représentent une niche mais celle-ci est à la fois riche, dynamique, effervescente, internationale. Et à même d’attirer un public de connaisseurs mais aussi des profanes, parfois nostalgiques du cirque de leur enfance. Le but d’un tel événement est aussi de rappeler qu’il ne faut pas circonscrire le jonglage à sa matière première (les balles, les massues, etc.). Non seulement les agrès sont très variés mais en plus cet art se situe aujourd’hui à la croisée du théâtre, de la danse… Il est transdisciplinaire.

Dans l’imagerie collective, le jonglage est invariablement associé au cirque. Est-ce pour autant infondé ?
Absolument pas car il s’agit d’une discipline enseignée dans les arts du cirque. Mais son histoire, son parcours nous montrent qu’elle est aussi présente dans d’autres univers, comme celui de la magie, du cabaret, du music-hall…

Que fait la Maison des jonglages tout au long de l’année ?
Nous avons cinq grandes missions : la programmation du festival avec le centre culturel Houdremont ; l’aide à la création en accompagnant des artistes en résidence ; la mise en place d’actions culturelles à destination de tous les publics (de la petite enfance aux adultes) dans diverses institutions avec l’apport de partenaires publics dans le champ social et associatif ; la formation (professionnelle et amateur) ; et enfin, la recherche et le développement en créant des rencontres entre jonglage et sport, jonglage et science, jonglage et arts visuels, etc.

Quelle définition faites-vous du jonglage ?
Le jonglage est un art pluriel qui mobilise tout le corps et qui entre en contact avec la danse, l’acrobatie, explore la virtuosité, l’équilibre, l’apesanteur, le poids et le mouvement, l’interaction avec les autres. Cette pratique sait s’enrichir de ses accessoires, balles classiques, massues ou tout autre objet inimaginable sans limitation de possibilités. Les imaginaires les plus divers et les esthétiques les plus variées peuvent s’y exprimer. C’est aussi un art cérébral. Le corps est sollicité, certes, mais pas autant qu’en acrobatie pure. Même si c’est difficile nerveusement, jongler dix heures à la suite c’est possible.

Propos recueillis par Grégoire Remund

Grégoire Remund
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