Mains d’Œuvres obtient gain de cause dans son bras de fer avec la ville de Saint-Ouen
Mercredi 15 janvier, la justice a tranché et a donné raison au centre culturel, qui avait été expulsé le 8 octobre dernier de son bâtiment historique à Saint-Ouen. Mains d’Œuvres va donc pouvoir réintégrer ses murs pour encore 18 mois. Pour l’avocat de l’association, c’est une victoire historique.
De la joie, de l’émotion et un grand ouf de soulagement. Mercredi 15 janvier, sur les coups de 16h, le tribunal de Bobigny a donné gain de cause à Mains d’Œuvres dans son délibéré : après plusieurs années de bataille et une issue très incertaine, l’association culturelle audonienne va pouvoir réintégrer son bâtiment historique de la rue Charles-Garnier dont l’équipe et les artistes en résidence avaient été expulsés manu militari le 8 octobre dernier. « Ce n’était vraiment pas gagné, je ne réalise pas encore », a réagi à chaud pour Le Mag de Seine-Saint-Denis Juliette Bompoint, la directrice de Mains d’Oeuvres. « Cette décision est une victoire pour la culture, pour celles et ceux qui la font vivre au quotidien », pouvait-on lire aussi sur le compte Facebook du tiers-lieu, une fois le verdict tombé.
Ce lieu de création artistique pluridisciplinaire, qui a ouvert ses portes au public en 2001 et qui occupe une place à part à Saint-Ouen, était en conflit avec la mairie depuis 2014 et l’élection du nouveau maire William Delannoy. La tension était montée d’un cran en 2019. Ces derniers mois, un mouvement de soutien composé notamment du Département, de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), de la Ville de Paris, de l’établissement public territorial Plaine commune - qui avaient convenu le 16 octobre de la création d’un Fonds d’urgence abondé à hauteur de 200 000 euros - et d’une partie des habitants de Saint-Ouen, avait pris fait et cause pour Mains d’Oeuvres.
Précédent judiciaire
Le 8 octobre, dans la foulée de l’intervention policière qui avait pris tout le monde par surprise, la municipalité s’était fendue d’un communiqué : « Alors que la ville devait lancer les travaux d’un nouveau conservatoire municipal moderne répondant aux besoins du plus grand nombre, Mains d’Œuvres a refusé de quitter les lieux à la date prévue (31 décembre 2017). Mains dŒuvres, en ne respectant pas ses engagements, a retardé de deux ans l’ouverture du nouveau conservatoire municipal. » Le texte rappelait également que l’association avait tenté de faire renouveler le bail devant la justice, mais que, par un jugement rendu le 2 juillet, elle « a[vait] été déboutée et condamnée à quitter les lieux ». Il n’avait cependant pas mentionné que la cour d’appel avait été saisie, et que, face à l’urgence, Mains d’Œuvres s’était tournée vers le juge de l’exécution du TGI de Bobigny pour demander l’octroi d’un délai avant l’expulsion, ce même juge qui a donc tranché le 15 janvier.
« La décision du juge de l’exécution est documentée et argumentée, se félicite Maître Jean-Louis Péru, l’avocat de l’association, interrogé par Le Mag de Seine-Saint-Denis. Il a pris le temps d’éplucher le dossier, de régler des points de droits qui n’étaient pas évidents. » D’après le magistrat, un tel verdict constitue même un précédent. « De mémoire d’avocat, personne, hormis un locataire de logement HLM en 2017, n’avait obtenu une réintégration après avoir été expulsé. Cette victoire, nous l’avons obtenue en faisant la démonstration que la procédure d’expulsion était irrégulière. En effet, dans la précipitation de l’opération, l’huissier n’avait pas visité toutes les pièces et n’avait pas établi une liste complète du matériel. » La réintégration des lieux est désormais exécutoire. A compter du 16 janvier, la ville de Saint-Ouen dispose de 72 heures pour redonner les clés à l’association. Si elle s’y refuse, elle encourra une astreinte de 10 000 euros par jour. Mains d’Œuvres obtient pour sa part un délai de 18 mois d’occupation de son espace. Aucune expulsion ne sera possible avant le 22 mars 2021.
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