Musique Montreuil

La véritable histoire de Johnny Montreuil, ou pas...

Blouson, rock Pento et moustache country, les bottes bien plantées dans la terre des Murs à pêches, Johnny Montreuil chante une banlieue faite de débrouille et de musique, de cafés du coin et d’horizons lointains.

Il est arrivé à Montreuil il y a quelques années, on ne sait pas trop quand, on ne sait pas trop d’où. Certains parlent de la banlieue Sud, d’autres d’un autre Sud, celui de Johnny Cash, à moins que ce soit celui des Balkans ou plus loin, on ne sait pas trop bien. Le ventre vrillé par un besoin de musique, il a tout laissé derrière lui, s’est allégé la tête, pris un sac et sa guitare et a taillé la route.
« Ça f’sait déjà longtemps que moi j’attendais mon heure,
Pour m’barrer loin d’ici et aller m’faire voir ailleurs,
Ça m’a pris un matin en regardant par la f’nêtre,
J’ai pris l’premier train je m’suis cassé la tête,
Plus rien à perdre alors j’me taille pour de bon
Plus d’papier plus d’amour, plus d’argent plus d’saison,
J’ai laissé mon quartier là-bas dans la grisaille
J’la sens la liberté qui défile sur les rails. »

J’suis le vent

Alors, comme un chien en quête de la bonne occase, il a reniflé l’odeur bien chaude qui s’échappait des bars de Montreuil. Là, par les portes de L’Harmony, du Point Bar, du Café La Pêche, du Petit Deauville, de l’Albatros… filtraient des accords de rock, des accents roms, des arômes punks aromatisés à la bière. A l’aise dans cette ambiance de zicos, de copains de comptoir, de princes de la débrouille et de rois de la mécanique sur un bout de trottoir, il s’est frotté les paluches comme s’il rentrait à la maison près du feu et s’est dit en plissant les yeux : « Oh, là…. J’vais être bien là… »

D’ailleurs si vous le croisez un jour près d’un comptoir, il vous le dira : « Ça fait quinze ans que je viens ici, j’y ai trouvé cette ambiance de vieille banlieue que j’aime. Avec des accents du temps passé, une vraie unité dans toute la diversité ethnique, toutes les générations sont acceptées et ont leur place. Et les cafés kabyles où on peut jouer, les musiciens, une émulation artistique, un partage fraternel, un accueil… Pas direct bien sûr ! Faut montrer que t’es là, et que t’as des choses à dire. »

Une caravane pour eldorado

Alors, il a décidé de rester. Pour ça, il s’est pointé avec une vieille caravane, sa carlo comme il dit. Dans le haut Montreuil, un endroit bien pénard, planqué dans les Murs à pêches. « L’idée est venue il y a huit ans. Nous nous étions séparés avec la mère de ma fille, il fallait que je reste proche pour m’en occuper, et alléger les charges pour que ce que je gagne puisse aller à ma fille. Je voulais être libéré d’un maximum de contraintes pour servir mes projets artistiques et musicaux, sans me poser la question d’argent, des fins de mois. Et puis cette espèce d’ascèse, toute simple, m’attirait : 3 chemises, un instrument, l’eau froide dehors… J’avais vraiment besoin de ça à ce moment. »

« J’ai atterri là-haut, dans ma carlo où c’qui fait chaud
Du cambouis dans l’cerveau un peu perdu, un peu palot
J’ai découvert enfin, le bonheur de n’avoir plus rien
Des mulots, des parpaings et Milko mon copain
J’ai réappris la vie, l’eau glacée du p’tit matin,
Chourer dans les épiceries, siphonner tous mes voisins
Pris le temps tous les jours, d’une anisette avec Blacky
Pour faire l’impasse com’i dit, sur ces putains d’après-midis
Du Bel Air aux Ruffins, des Grands Pêchers à Marily
Tout l’monde au bistrot du coin plus personne pointe à l’usine
Les couchers d’soleil, ici ça vaut d’l’or
Enivré par l’air sur le toit d’Mozinor »

Petite carlo

Pour le guider dans sa nouvelle vie, il peut compter sur ses voisins, des experts du genre. Les Roms, question vie en caravane, en camping comme ils disent, tu ne peux pas trouver plus forts. Ils lui apprennent qu’une caravane, ça doit toujours s’aérer « sinon tu t’retrouves avec de la moisissure, et puis ça doit toujours être nickel ou t’as vite fait de te faire squatter par les souris et les gaspards ! » Et plus que le mode d’emploi de la vie au grand air, il y trouve de la chaleur humaine, et encore de la musique, avec des violons, accordéons. Ils sont partis depuis, mais il les regrette...

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C’est comme ça, de ce mélange de rock, de banlieue, de country, de tzigane, avec au fond du verre une vieille goualante bien franchouillarde, qu’est né le personnage de Johnny Montreuil : moustache, rouflaquettes et Pento. Ne me demandez pas comment il a fait pour apprendre la contrebasse tout seul dans sa caravane, il a dû la rentrer au pied de biche… Ce qui est sûr, c’est qu’il y a passé des jours et des jours, au point d’avoir le bout des doigts façon chipolatas. Sur son cahier, il peaufine ses textes, s’applique à faire rimer la banlieue, y ajoute un brin de poésie. « Je veux chanter en français, cette langue, je veux la faire sonner à la « cainri », avec le vieux son, et le kiff et vieilles productions des années 50, 60. Faire un pont entre hier et aujourd’hui. »

Les marlous de Montreuil

Pour la scène, Johnny monte son groupe comme on monte une équipe pour un braquo. Avec des gars sûrs. « Pas des musiciens de studio hyper techniques qui font le job et puis s’en vont, des mecs avec des influences différentes mais une même envie de jouer ensemble, de travailler pour que ça tourne bien. Pour que le public, dès les premières notes se dise « ça c’est un groupe ! » A la batterie Steven Goron, qui tape comme on forge un tempo, à chaud. A la guitare Roro Drougard, rock bien saignant et rythmique en finesse. Et pour l’indispensable touche country, rythm’n blues, Kik à l’harmonica, une figure de la scène punk rock montreuilloise, puits de science de tous les sons old school US et tradition française. Et parfois un violon, une mandoline des Balkans du groupe Aälma Dili où sévissait aussi la contrebasse de Johnny. « On a longtemps mené les deux projets ensemble, maintenant je me concentre sur Johnny Montreuil, mais tout va bien entre nous. Une page est tournée, mais le livre reste ouvert… »

Pendant plusieurs années, il écume les bars de Montreuil et des environs. Il chante les chineurs de ferraille, la dêche, la fête, dresse toute une galerie de personnages qui font sa banlieue. Et l’amour aussi, tout en pudeur et en tendresse, avec ces mots qu’il ne dira jamais devant un pote, qu’il réserve à sa belle. « Je tenais vraiment à d’abord être légitime ici, à Montreuil. A faire partie du cru. Parfois je me fais brancher par des gars, « Mais t’es pas de Montreuil toi ? » Je leur réponds que non, mais tout se passe bien. Les vieux Montreuillois ont une fierté d’appartenir à leur ville, bien avant tout autre chose, comme à Marseille. D’ailleurs Montreuil, c’est un port ! Y a plein de gars qui viennent s’échouer là, pour ensuite partir, bouger ou rester. »

Depuis, deux albums sont sortis (Narvalo City Rockerz et Narvalos forever), une rencontre avec un manager a ouvert d’autres horizons à Johnny Montreuil qui met le feu aux scènes un peu partout en France. Comment il voit la suite ? « Aller dans des coins où on a jamais été, faire de beaux albums pour encore rencontrer du monde, aller vers les gens, leur faire plaisir ! » Voilà, c’est l’histoire de Johnny Montreuil. En tout cas, c’est comme ça qu’on me l’a racontée dans un bar, en bas de la rue de Paris. Peut-être que tout est vrai, peut-être pas… Mais comme dit Johnny Montreuil : « T’as aimé l’histoire ? Elle t’a fait voyager ? Alors, qu’est-ce tu m’emm… ! »

 Sortie du prochain album en décembre, si tout va bien...
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Crédit photos : Nicolas Moulard

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