Coronavirus

Yvan Wouandji : « Une forte remise en cause du fonctionnement de notre monde »

Le vice-champion paralympique 2012 de cécifoot - du football pour non-voyants - qui vit son confinement à Sevran, évoque les sentiments ambivalents qu’il a connus lors de l’annonce du report des Jeux paralympiques de Tokyo, pour lesquels les Bleus avaient déjà obtenu leur qualification. Confiant, il donne toutefois rendez-vous dans un an, et nous explique comment il prend son mal en patience.

Comment as-tu accueilli l’annonce du report des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo à juillet et août 2021 ?

« Très honnêtement, je ne m’y attendais pas. Tout a basculé si vite… Ça m’a pris par surprise. J’ai des sentiments mélangés. D’un côté, je suis frustré parce que c’est toute ma préparation sportive qui tombe à l’eau, même s’il y a des acquis sur lesquels je vais pouvoir « surfer ». Pour un sportif, il y a aussi la peur de se dire que tout est à recommencer et que possiblement, il y a des paramètres qu’on ne maîtrisera pas la prochaine fois : la blessure, la concurrence. Mais d’un autre côté, il y a évidemment cette épidémie qui dépasse tous les enjeux du sport et qui rend humble… Ajoutons à cela le fait que ce n’aurait pas été équitable d’organiser des Jeux cet été entre des athlètes ayant pu s’entraîner à peu près normalement et d’autres cloitrés chez eux…

Sais-tu déjà à quoi va ressembler la préparation de l’équipe de France pour ce nouvel objectif ?

Ce qui est bien, c’est que la qualification reste acquise. Après, nous sommes encore dans le flou sur l’après-confinement. Pour l’instant, on est énormément en contact entre joueurs de l’équipe de France : on prend des nouvelles les uns des autres, on échange des conseils, on compare nos plans d’entraînement.

Où et comment vis-tu le confinement ?

Chez moi à Sevran. J’essaie évidemment de m’entretenir physiquement, même si j’ai levé le pied depuis l’annonce du report des Jeux… Je fais de la préparation physique générale : abdos, pompes, gainage et je cours dans mon jardin. Des allers-retours de 15 mètres, d’une personne A à une personne B. Pas mal de corde à sauter aussi. Et puis, j’essaie de profiter du confinement pour avancer sur des dossiers auxquels j’ai d’habitude moins de temps à consacrer. Des interventions scolaires notamment : il y a par exemple cette école de l’Essonne qui m’a demandé d’intervenir sur le handicap. Je suis en train de voir avec la professeure quelle forme ça pourrait prendre. Je réponds aussi à quelques sollicitations presse.

Le confinement peut créer plus de problèmes à des personnes en situation de handicap. As-tu le sentiment que la solidarité marche de ce côté ?

C’est vrai que le confinement peut fragiliser des personnes handicapées qui sont seules. Moi je suis bien entouré, j’ai mes frères et sœurs, mais dans certains cas, confinement rime avec isolement. De ce que je constate et entends dans les médias, il y a quand même l’air d’y avoir un bel élan de solidarité, y compris en Seine-Saint-Denis. C’est à souligner.

Vivre toute cette crise confiné chez soi fait parfois monter un sentiment d’impuissance. Comment fais-tu pour aider à ton échelle ?

D’abord je prends beaucoup de nouvelles de mes proches et de mes connaissances. Et puis, j’essaie de témoigner de la reconnaissance à mon échelle, en applaudissant le personnel médical tous les soirs à 20h. Dans mon voisinage, je ne suis pas le seul, et je trouve ça bien : il faut aider les soignants comme on le peut. Quand tout ça sera passé, j’aimerais bien aussi avoir un geste envers eux : les inviter à tel ou tel match, donner des maillots, des petites choses comme ça…

Penses-tu que cette crise sanitaire aura au moins servi à nous apprendre des choses ?

Oui, en tout cas je l’espère. Ce qui est sûr, ce que ça a fortement remis en cause la manière dont notre monde fonctionne. A commencer par les rapports qu’on a entre nous. Paradoxalement, cette épidémie, qui nous force à nous distancer physiquement, nous a poussés à retisser des liens entre les uns et les autres, notamment avec les personnes âgées. La manière dont on considère les aides-soignants et l’hôpital public en général aura changé elle aussi : beaucoup auront pris conscience de l’urgence de les reconsidérer. Maintenant, il faut que tout cela tienne dans la durée. »

Propos recueillis par Christophe Lehousse

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