Yllana Brosseau sélectionnée pour le Mondial de rugby
Revenue à Bobigny cette saison après une parenthèse bordelaise, cette joueuse de rugby attachante vient d’être retenue pour jouer la Coupe du Monde du rugby féminin en Nouvelle-Zélande, à partir du 8 octobre. Elle y partira avec une autre Louve de Bobigny, Joanna Grisez.
NDLR : article écrit avant l’annonce de la sélection du groupe des Bleues pour la Coupe du Monde
La dernière fois qu’elle a vu ce terrain, c’était pour un Bobigny-Grenoble, en mai 2021. « A l’époque, j’habitais juste de l’autre côté du stade, la fenêtre où il y a une serviette rose... », montre Yllana depuis la tribune du stade Henri-Wallon de Bobigny. Sur le départ pour Bordeaux, la jeune pilier pensait alors avoir joué son dernier match en Rouge et Noir, les couleurs des Louves de Bobigny.
Une saison plus tard, la voici de retour à Boboche, après une expérience bordelaise qui ne lui a que moyennement plu. « L’ambiance d’ici m’a manqué. Bobigny, c’est beaucoup de choses pour moi : le club où j’ai fait mes premiers pas en senior, une ambiance de fou, des joueuses qui sont presque comme ma famille. Je me souviens, il y avait des matches, c’est comme si on avait grandi ensemble depuis toutes petites... »
Yllana Brosseau est donc revenue là où sa carrière a véritablement commencé. Mais la jeune femme de 21 ans ne foulera pas tout de suite la pelouse d’Henri-Wallon. Une autre actualité occupe en effet ses journées : une possible sélection pour la Coupe du monde féminine en Nouvelle-Zélande. « Ce serait le rêve absolu. Pour cette Coupe du monde, je suis passée par tous les états. En 2021, je me blesse à l’épaule et j’étais alors vraiment dépitée. Puis, j’apprends que la Coupe du monde est reportée d’un an pour cause de Covid. Du coup, j’ai bossé comme une folle pour revenir. Là, je la touche du doigt, on verra bien… », souffle la jeune femme qui sera fixée le 11 septembre, date de publication de la liste des 32 chanceuses.
"Des étoiles dans les yeux"
Une Coupe du monde, l’opportunité ne se présente pas tous les jours... « En plus la Nouvelle-Zélande, le pays du rugby quoi. Là-bas, c’est vraiment une culture, on sait que les stades seront pleins. Ca met vraiment des étoiles dans les yeux », rêve celle qui faisait partie des Bleues victorieuses par deux fois des Black Ferns en novembre 2021.
Un fait d’armes qui fait partie de ses 5 sélections jusqu’à présent, aux côtés de sa toute première, le 23 février 2020, face au Pays de Galles. « Je me rappelle qu’avant d’entrer sur le terrain pour chanter la Marseillaise, j’étais en train de pleurer dans les vestiaires. Marine Ménager (ailière du XV de France) m’avait dit : « Pleure maintenant. Moi, j’ai pleuré une fois entrée sur le terrain, et du coup ça s’est vu à la télé. » Un bon conseil, je l’en remercie encore... », se remémore la Balbynienne dans un grand sourire.
Lutte contre les préjugés
Celle qui à 21 ans a déjà un beau parcours derrière elle se félicite encore d’avoir franchi le pas au collège, à l’âge de 14 ans. « J’ai commencé le rugby au collège de ma ville, Orly, en section sportive, puis j’ai pris ma licence avec des copines au Rugby club de Créteil-Choisy. Pour moi qui suis introvertie, c’est ce qu’il me fallait : tu te fais plein de copines, t’as un entourage, c’est très familial. Les valeurs sont en adéquation avec celles que m’a inculquées ma mère. Et j’adore les sports de contact... », dit celle qui a tâté du judo avant d’arriver en Ovalie et cite Riner et Agbegnenou parmi ses modèles.
« Introvertie », peut-être, mais surtout déterminée et incroyablement mature… Il faut entendre le discours d’Yllana sur la frilosité de certains clubs en matière d’égalité filles-garçons : « Ces préjugés sur les filles jouant au rugby, je les ai entendus dès mes débuts. Même en seniors encore, on nous disait, pour justifier notre absence de salaire : « oui mais vous ne donnez pas le même spectacle que donnent les garçons. Alors qu’on s’investit tout autant sinon plus, parce que nous à côté on est obligées de travailler ! »
Passionnée d’histoire
Et voilà ce que lui inspire l’image qui colle à la peau de la Seine-Saint-Denis : « Je trouve qu’on enferme ce département dans un cliché qui fait que les stéréotypes se nourrissent d’eux-mêmes. Cette façon de toujours chercher le fait divers ou de faire à chaque fois des reportages sur la violence des cités... Pourquoi on ne montre pas par exemple un club de rugby qui, comme Bobigny, fait de la formation, mène des actions éducatives et a encore été récemment récompensé pour son investissement social par la fédération ? (le prix Club Rugby Passion) », s’interroge-t-elle.
Passionnée d’histoire, matière dans laquelle elle est inscrite en 3e année de licence et détentrice d’un DUT carrières juridiques, la jeune femme tient aussi tout particulièrement à faire partie de la structure « aide aux devoirs » mise en place par le club il y a plusieurs années maintenant.
Peut-être que s’ils ont de la chance, Yllana apprendra aux jeunes du club l’histoire du haka, après être allée elle-même faire des recherches sur place... On lui souhaite en tout cas.
Christophe Lehousse
Photos : ©Sylvain Hitau
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