Villes des musiques du Monde célèbre le patrimoine musical "d’ici"
La 25e édition du festival Villes des musiques du monde s’ouvre en Seine-Saint-Denis le 8 octobre prochain. L’occasion pour l’association de montrer que les musiques "d’ici"- produites sur notre territoire et influencées par les cultures d’origine des artistes- sont un véritable patrimoine dont on peut s’enorgueillir, à conserver et à mettre en valeur.
« Tournée Générale » ! Après deux ans de fermeture des bars et cafés, le festival Villes des musiques du monde (FVMM) compte bien, pour sa 25e édition, vous offrir de grandes rasades de notes, des pintes de danse, des shooters de percussion, bref, vous rendre ivres de joie. Car si les musiques ont un berceau, c’est bien là qu’il se trouve : dans les cafés, les bouibouis, les bistrots, les tablaos, les zinc et autres troquets, où l’oisiveté et la contemplation des échanges qui s’y déroulent constituent l’humus d’où s’élèvent les plus belles mélopées.
Haïdouti Orkestar
C’est d’ailleurs dans ces agoras que Titi Robin, guitariste, a rodé ses compositions inspirées de sonorités gitanes, andalouses ou indiennes. « Au début de notre carrière avec Hameed Khan, joueur de tabla, on faisait de la musique dans un restaurant libanais, pour les copains, les cuisiniers. Ca nous donnait une grande liberté. Avec la pandémie, je suis revenu à cette manière de faire de la musique : je lis mes poèmes dans les cafés-librairies de Bretagne, avec deux percussionnistes. J’amène mon ampli, on est tout près du public, alors que sur les grandes scènes, vous ne le voyez pas, vous avez les spots dans les yeux. C’était très fort et j’ai été marqué par l’intensité de cet échange », raconte Titi Robin. Le guitariste d’Angers donnera une représentation aux côtés de son complice de toujours, Roberto Saadna, gitan de Perpignan, le 6 novembre au Point Fort à Aubervilliers, puis lira ses poèmes en musique le 7 novembre au Cinéma Le Studio.
Musiques d’ici
L’artiste incarne à merveille la musique « d’ici » dont le FVVM se veut le promoteur : une musique créée « ici », qu’il s’agisse des banlieues du Nord ou de Marseille, et colorée d’inspirations musicales du monde entier, au gré des migrations, des métissages et diasporas qu’elles charrient. « On a souvent appelé ce style « musique du monde ». Mais c’est un terme impropre, la musique créée par les Algériens à Aubervilliers n’est pas la même que celles qu’ils auraient créée à Oran. De même, on ne peut pas comprendre Aya Nakamura sans savoir qu’elle est à la fois aulnaysienne, afro-descendante et nourrie par le rap et le R’n’B. Ce n’est pas de la "musique du monde", c’est de la musique d’ici », relève Naïma Yahi, historienne auteure d’une thèse sur l’histoire culturelle de l’immigration maghrébine en France et directrice adjointe de l’association Villes des musiques du monde.
Ainsi, les fanfares de Goran Bregovic, fameux compositeur des musiques des film d’Emir Kusturica, résonneront le 9 octobre au Point-Fort d’Aubervilliers. Les vocalises de la chanteuse Dafné Kritharas, aux répertoires grec et juif ottomans, s’élèveront à l’Alhambra le 10 octobre. Le 17, c’est "Ne me libérez pas, je m’en charge", un spectacle de cabaret retraçant l’histoire de l’émancipation des femmes algériennes qui sera présenté à l’Espace 93 de Clichy-sous-Bois. Un hommage au chanteur Idir sera donné au même endroit le 16 octobre. Enfin, vous pourrez aller onduler au Grand Bal Raï donné à la Maison du peuple de Pierrefitte le 22 octobre.
"Mettre en récit notre richesse patrimoniale"
Goran Bregovic
Jusque-là, outre l’organisation du festival, l’association Villes des musiques du monde animait une école de musique, proposant à des profanes jeunes et moins jeunes d’apprendre, par mimétisme, des morceaux de fanfare. C’est ainsi que sont nés des groupes tels que le 93 Super Raï Band ou le Cap to NOLA Brass Band, reprenant des airs de la Nouvelle Orléans. L’association organise également des interventions dans les écoles de Plaine commune dans le cadre du programme "La Cité des marmots" : l’année dernière, lesdits "marmots" de trente classes étaient encadrés par les chanteurs Mouss et Hakim Amokrane, du groupe Zebda, pour une création originale.
Cette 25e édition est aussi l’occasion, pour l’association, de développer un nouveau volet de son activité. « Cette année, on pose l’acte de naissance d’un nouveau volet "recherche et patrimoine", avec la création d’un Observatoire des musiques et danses d’ici », détaille Naïma Yahi. Récemment recrutée par l’association, cette historienne fut commissaire de l’exposition "O’bledi", sur les Maghrébins de Toulouse, elle a coécrit le spectacle de cabaret "Barbès Café", un film sur "Les marcheurs, chronique des années beurs", sur la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, renommée ensuite et plus connue sous le nom de "Marche des Beurs". On l’a plus récemment entendue sur France Inter dans Pop’N’Co, l’émission de Rebecca Manzoni consacrée à Rachid Taha et la manière dont le succès du rocker disait quelque chose de la société française et de son évolution. « L’ADN de l’association Villes des musiques du monde est militant : il a pour objectif de créer pour les habitants un espace de fierté patrimoniale d’une part, et de l’autre, d’ouvrir le monde sur la diversité, qui, et ce n’est en ce moment pas anodin de le dire, est une richesse et non un problème. Notre rôle est de mettre en récit cette richesse patrimoniale », explique la directrice adjointe, qui devrait donc multiplier les participations de l’association à des expositions, des journées scientifiques et autres colloques. Parce que la grande Histoire de France est, n’en déplaise aux réactionnaires qui dégoisent sur les plateaux télé leur haine des habitants du 93, aussi faite de ces histoires- là.
Photos : ©Fabien Tijou
©Nebojsa Babic
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