Villes des Musiques du Monde- Quand la musique est bonne
Jusqu’au 12 novembre, le festival Villes des Musiques du Monde bat son plein dans de nombreuses villes de Seine-Saint-Denis. Fêtant cette année ses 20 ans, cet événement se veut plus qu’une simple manifestation, en essayant par exemple d’ouvrir la pratique instrumentale à tous. La preuve en reportage, avec ce concert de fanfares amateurs à la Micro-Folie de Sevran.
A eux trois, ils forment presque un brass band à eux tout seuls… Les deux filles, Predy et Minguetta sont à la trompette pendant qu’Oumar, le papa, est au trombone. En ce vendredi 20 octobre, ces trois-là font partie de la quarantaine de musiciens amateurs venus jouer du jazz new orleans à la Micro-Folie de Sevran, dans le cadre du festival Villes des Musiques du Monde.
Et ça swingue drôlement. A en rendre presque jalouses les fanfares de la Nouvelle-Orléans, qui ont inspiré ce projet musical impliquant Le Cap d’Aulnay, le collège Pablo Neruda à Aulnay, plusieurs associations de quartier et donc le festival Villes des Musiques du Monde.
Le principe de ces Fabriques orchestrales amateurs (leur dénomination officielle) : voilà deux ans que des adolescents et adultes d’Aulnay, de la Courneuve ou d’ailleurs se sont vus prêter des instruments à vent, pour favoriser une découverte de la musique basée sur le plaisir et la pratique intuitive. « Un maximum de pratique, un minium de théorie, résume Bruno Wilhelm, saxophoniste professionnel et chef d’orchestre de ce brass band made in Seine-Saint-Denis. Au début, je les fais apprendre par la seule imitation. Et après, j’essaie de corser un peu les choses en leur faisant reproduire des sons à l’oreille. »
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça marche. « J’adore la trompette. Deux ans que j’en fais, et j’ai déjà fait plein de progrès », dit fièrement Predy, 11 ans, qui pratique désormais une heure et demie par semaine. Ce projet musical original a aussi su séduire Oumar, son père. « C’est super que je puisse partager ça avec mes filles », témoigne ce quadragénaire. « Mais au-delà de l’aspect familial, des initiatives de ce type donnent aussi de la visibilité à notre département. Alors que le regard extérieur nous colle si facilement des préjugés, c’est important de pouvoir dire qu’il y a aussi ce genre de projets positifs en Seine-Saint-Denis. Et je vais vous dire : c’est même l’essentiel de ce territoire », renchérit ce gardien d’immeuble qui a croisé la route des Fanfares orchestrales à l’Espace du Gros Saule, un centre social d’Aulnay.
Et pourquoi la Nouvelle Orléans alors ? « Parce que je suis un fou de jazz, mais aussi pour le côté social de ces fanfares, reprend Bruno Wilhelm. Ce qui compte ici, c’est le collectif et l’entraide. Et petit à petit, les anciens élèves se muent en profs pour les nouveaux venus. »
Démonstration par l’exemple avec Yannis qui, pendant la chauffe, était justement en train de faire répéter leurs gammes aux petits nouveaux. A 13 ans, ce trompettiste a déjà tout d’un vieux routier. « J’ai découvert la fanfare dans mon collège, à Pablo-Neruda, où les ateliers ont commencé il y a deux ans. Ce qui me plaît, c’est de faire de la musique sans solfège. Et puis, très vite on apprend à se faire confiance en jouant en concert ».
« Second Line », « Ounané », « Big Chief », les grands standards défilent. L’espace d’un instant, on se croirait sur Canal Street, durant la fête de Mardi gras. Et d’ailleurs, on n’en est pas loin puisqu’à un moment, l’orchestre s’interrompt. Surprise, sur l’écran de fond de scène apparaît le visage de Wilbert Rawlins junior, professeur de musique à la Landry Walker School de la Nouvelle Orléans. Il y a trois ans, un partenariat a été établi entre le festival VMM et ce lycée, qui partagent les mêmes valeurs : ouverture au monde, universalité de la musique et mise en avant de projets interculturels. Pour la troisième année de suite, Wilbert Rawlins junior – dont le père percussionniste a joué avec Stevie Wonder – viendra ainsi en novembre avec une classe pour jouer en compagnie de la fanfare française, avant que les Séquano-dionysiens ne partent à leur tour à la conquête de l’Amérique, en avril 2018.
« J’ai hâte d’y être, jubilent Khadija et son trombone. Je ne connaissais pas du tout la culture de la Nouvelle Orléans, et j’ai commencé à m’y intéresser grâce à cet atelier. Je vais voir de temps en temps les brass band mythiques dont nous parle notre encadrant Bruno : Rebirth Brass band, Hot 8 Brass band… C’est incroyable de penser qu’on va y aller ! »
D’ici avril, certains vont donc intensivement réviser leur anglais. « On va essayer, même si c’est pas mon point fort », dit Yannis en souriant timidement. Et en cas de panne, il restera toujours la musique pour communiquer !
Photos : @Sylvain Hitau
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