Une « maison accueillante » pour les femmes porteuses du VIH
L’association Ikambere accompagne et prend en charge à quelques minutes à pied de la station de métro Saint-Denis Porte de Paris, plus de 500 femmes migrantes atteintes du virus du sida. Reportage dans cette bulle où les bénéficiaires apprennent à faire avec la maladie.
« L’association, c’est ma deuxième famille » affirme Bérénice, membre d’Ikambere depuis sept ans et mère d’un bébé qu’elle tient dans ses bras. « Toutes les femmes ici sont concernées par la maladie, beaucoup sont devenues comme mes soeurs ». Ikambere, « maison accueillante » dans la langue du Rwanda, aide les femmes majoritairement d’origine subsaharienne, à rompre la solitude et retrouver une certaine sérénité.
Des combattantes cabossées par la vie
L’association a permis à plus de 3000 femmes souvent en situation de précarité de reprendre pied grâce à un accompagnement personnalisé : soutien pour les démarches administratives et médicales, ateliers sportifs ou bien-être, repas et/ou aide à l’obtention d’un logement d’urgence pour les plus démunies.
Ikambere, financée entre autres par le Département, possède des permanences dans douze établissements hospitaliers d’Île-de-France. Les médiatrices de santé qui interviennent également dans les Centres départementaux de prévention et de santé et les CeGIDD de la Seine-Saint-Denis, orientent les patientes vers la structure. « À leur arrivée, elles sont reçues en entretien et nous déterminons leurs besoins en termes de santé, d’hébergement et de régularisation administrative », explique l’assistante sociale Bintou Fofana.
Les immigrées africaines arrivées en France depuis un ou deux ans ont un parcours migratoire douloureux et ont souvent été victimes de viols ou de tortures dans les camps de migrant·e·s en Libye. « Elles ont perdu une grande partie de leur confiance en elles et sont effondrées lorsqu’elles apprennent leur séropositivité », confie avec émotion la professionnelle.
L’association aide les primo-arrivantes à faire des demandes d’ouvertures de droit, déposer leur dossier en préfecture et pour une part d’entre elles sortir de l’hébergement d’urgence. Des cours d’alphabétisation et des chantiers d’insertion professionnelle leur sont également proposés.
Un coup de pouce pour reprendre confiance en soi
« Les bénéficiaires cachent fréquemment leur séropositivité à leur famille ou leur entourage », constate une médiatrice de santé. « Le SIDA reste tabou dans la culture africaine, ce qui rend leur secret d’autant plus lourd à porter ». Les animations proposées par Ikambere leur permettent d’évacuer ce stress et de partager des moments de convivialité. Au programme des animateur·rice·s : des cours de cuisine, de couture, de sport, d’informatique, des sorties culturelles, des séances beauté avec une socio-esthéticienne…
Par ailleurs, des médecins assurent régulièrement des réunions médicales, sous forme de séances d’information ou d’ateliers d’éducation thérapeutique. La « maison accueillante » n’est du reste pas mixte, un choix assumé par sa directrice Bernadette Rwegera. « Les femmes peuvent se confier plus facilement ». Les bénéficiaires échangent ainsi « entre femmes » des expériences de vie sur la famille, les ami·e·s, la sexualité…
« La recherche médicale a beaucoup évolué, il est maintenant possible de bien vivre avec le VIH/SIDA », se félicite la directrice. Ce progrès se manifeste aussi sur le mental des femmes. Bérénice considère maintenant le VIH comme une maladie comme une autre et « vit sa vie comme si elle n’était pas séropositive ». Un retour heureux à la normalité qui est certainement la meilleure façon de prendre le dessus…
Carine Arassus
Un livre sur la « Maison accueillante » bientôt dans les bacs…
L’association va bientôt publier Ikambere, la maison qui relève les femmes, un ouvrage écrit par Annabel Desgrées du Lou et illustré par Jano Dupont. Ce livre raconte, à la manière d’un carnet de voyage, les aspects les plus durs de l’exil et l’importance des moments de joie pour reprendre sa vie en main. À vos agendas ! Vous le trouverez à compter du 15 novembre dans toutes les librairies de France.
Crédit : Les éditions de l’atelier / Jano Dupont
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