Un plan de rebond pour relancer notamment associations de quartier et structures d’insertion
Les 17 et 20 novembre, le président du Département Stéphane Troussel a rendu visite à deux associations issues de l’économie sociale et solidaire - ERA 93, à Saint-Ouen, et l’Adie, à Saint-Denis – qui ont bénéficié du plan de rebond solidaire et écologique mis en œuvre par le conseil départemental. Une aide qui va permettre à ces deux structures, lourdement affectées par la crise sanitaire, de sortir de l’ornière financière. Reportage.
« Monsieur Troussel, vous êtes ici le bienvenu, nous sommes très fiers de vous compter parmi nous, vous allez voir, on va vous faire une présentation de notre association aux petits oignons ». Bagout, humour, entregent et « parler cash », Lolo Tshiala, directeur de l’association ERA (Ecouter, Réfléchir, Agir) 93, à Saint-Ouen, est, ce mardi 17 novembre, en grande forme au moment de recevoir une délégation du Département, dont le président Stéphane Troussel. Pourtant, son association spécialisée dans l’éducation par le sport, l’accès aux vacances pour les familles et l’insertion socio-professionnelle, notamment, connaît une année compliquée sur le plan financier en raison de la crise sanitaire. Son avenir, pour la première fois en 10 ans d’existence, est menacé. C’est dire à quel point le plan de rebond solidaire et écologique voté le 8 juillet dernier par le Département et doté d’une enveloppe de 55 millions d’euros, dont une partie (2,7 millions d’euros) sera reversée aux acteurs de l’économie sociale et solidaire, tombe à pic.
Lolo Tshiala, directeur de l’association audonienne ERA 93
A ce jour, ERA 93 accuse un manque à gagner estimé à 110 000 euros, soit « environ un tiers de son budget annuel, c’est énorme », fait constater Lolo Tshiala. Le chiffre d’affaires réalisé chaque année par l’asso, lui permet d’employer 8 salariés équivalent temps plein (qui s’ajoutent aux 16 bénévoles) et proposer une kyrielle de projets socio-éducatifs (animation sociale de proximité, aide en faveur des publics isolés, prévention jeunesse, dispositifs d’insertion socio-professionnelle, formations BAFA, etc.) en faveur des jeunes et des familles vivant dans les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville, soit plus de 2 700 bénéficiaires. Autant dire que ERA 93 est devenue, en seulement quelques années, une véritable institution à Saint-Ouen. Mais la fermeture de tous les lieux de pratiques de sport et des sites de médiation sociale pendant le confinement ont impacté l’association. La reprise, quant à elle, a été fortement ralentie par les règles de distanciation physique et de non regroupement pour les projets collectifs. Aucune activité n’a donc été menée entre mars et mi-juillet. De plus, hormis le directeur, mobilisé sur le suivi administratif, tous les salariés étaient en chômage partiel (ou en arrêt maladie pour garde d’enfant) entre mars et juin.
« Accompagner les bénéficiaires du RSA »
Pour combler ses trous de trésorerie, la structure audonienne a déposé un dossier auprès du Département. Objectif : obtenir 30 000 euros de subventions issues du « fonds d’aide d’urgence trésorerie aux partenaires », un des volets du plan de rebond solidaire. En plus de cette aide, le conseil départemental a attribué un subside de 80 euros par enfant (60 au total) à l’association pour financer des séjours vacances. Dans ce vaste dossier, ERA 93 est aussi accompagnée par Garances France Active, une association créée à l’initiative du conseil départemental et d’autres acteurs du territoire il y a une vingtaine d’années pour répondre aux difficultés passagères de trésorerie rencontrées par des structures économiques et sociales. Un fonds de solidarité qui propose, entre autres, des garanties aux emprunts bancaires, l’apport de prêts complémentaires, des conseils et des expertises en ingénierie financière et un accompagnement durant les premières années d’activité. L’association de Lolo Tshiala s’est ainsi vue accorder un prêt à taux zéro de 50 000 euros du fonds d’avance remboursable (FAR) géré par Garances et créé initialement grâce au soutien du Département et de Plaine Commune.
« Avec cette manne financière, nous allons maintenir le fonctionnement de l’association, payer les salaires et remettre nos activités au goût du jour dès que la situation sanitaire le permettra, explique Lolo Tshiala. Nous comptons mettre l’accent sur l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, dont le nombre a explosé ces derniers mois en Seine-Saint-Denis, en les aidant notamment à effectuer leurs démarches en ligne. Avec cette initiative, nous entendons aussi lutter contre la fracture numérique. »
Hawa Konaté, une Séquanodionysienne soutenue dans ses démarches entrepreneuriales par l’Adie, dont le directeur régional Grégoire Héaulme, pose à ses côtés.
400 000 euros de prêt d’honneur
Trois jours plus tard, vendredi 20 novembre, Stéphane Troussel s’est rendu à l’agence de l’Adie à Saint-Denis. Reconnue d’utilité publique, l’association pour le droit à l’initiative économique est spécialisée dans le microcrédit. Elle finance et accompagne depuis plus de 30 ans les travailleurs indépendants les plus fragiles (allocataires des minima sociaux et chômeurs), n’ayant de fait pas accès aux crédits bancaires « classiques ». L’Adie défend l’idée selon laquelle chacun, même sans capital, même sans diplôme, peut devenir entrepreneur s’il a accès au crédit et à un accompagnement professionnel personnalisé fondé sur la confiance, la solidarité et la responsabilité. Cette association est un partenaire historique du Département, qui lui délivre chaque année une subvention (116 000 euros en 2020, en nette augmentation par rapport aux années précédentes) dans le cadre des actions qu’elle mène en faveur des bénéficiaires du RSA à travers le plan départemental d’insertion et de l’emploi (PDIE).
En Seine-Saint-Denis, l’Adie peut compter sur une équipe de 18 salariés et de 30 bénévoles et dispose d’une bonne couverture territoriale avec 13 antennes et permanences. Entre octobre 2019 et octobre 2020, elle a permis à 596 personnes de bénéficier d’un microcrédit. Avec la mise en œuvre du plan de rebond solidaire, le conseil départemental a contribué à hauteur de 400 000 euros au fonds de prêt d’honneur de l’Adie. Ce prêt à taux zéro permet aux entrepreneurs allocataires du RSA de relancer leur activité et de surmonter les difficultés de trésorerie face à la crise. Il s’agit d’un prêt d’honneur d’un montant maximum de 10 000 euros remboursable sur 60 mois avec un différé de remboursement possible de 24 mois maximum.
Escape game digital et entreprise de location de scooters électriques
Parmi les bénéficiaires de ce microcrédit se trouve Hawa Konaté. Cette habitante de La Courneuve, qui a dû mettre en sommeil son activité d’esthéticienne à domicile en raison de la crise, s’est lancée lors du premier confinement dans la confection de masques. Pour se payer une machine à coudre, son tissu et ses paillettes (détail important car elles ornent chacun de ses masques), elle a souscrit un prêt de 4 000 euros. « Je fais tout moi-même, glisse la jeune femme. Aujourd’hui, entre les réseaux sociaux, le bouche à oreille et quelques influenceuses, je m’en sors pas trop mal. » Comédien de formation, Jonathan Pujol (Montreuil) s’est quant à lui lancé dans la création d’escape game pour enfants. Le confinement l’a mis sur la paille. Il a donc eu l’idée de digitaliser son offre. « L’écran sert uniquement de support, témoigne-t-il. Les jeux se déroulent via [le service de vidéoconférence] Zoom avec des objets qui se trouvent au domicile de l’enfant. » L’Adie l’a aidé à hauteur de 1500 euros. Après une carrière de secrétaire médicale, Stella Senawo a choisi de travailler à son compte. Aujourd’hui, cette résidente de Neuilly-Plaisance customise des chaussures et des vêtements avec du tissu wax (ou tissu africain). Elle a récemment pu exposer ses créations au « Quai des créateurs », une boutique éphémère pour les créateurs Adie située dans le hall d’échange de la Gare RER Châtelet-les-Halles, où circulent chaque jour 500 000 voyageurs. De quoi ne pas passer inaperçu bien longtemps... Et puis, il y a Tariq Si Youcef, originaire de Stains et à la tête d’une entreprise de location de scooters électriques pour coursiers et restaurants. « Mes clients n’ont à rien à faire, je fournis les machines et mon mécanicien, que j’ai embauché en CDI, s’occupe de l’entretien dans un camion-atelier », raconte le jeune homme. Pour que son projet voie le jour, l’Adie lui a délivré 10 000 euros venus s’ajouter au 10 000 euros de bonus écologique. Désormais, Tariq possède une flotte de 31 scooters qui roulent dans tout le département et dans une partie du Val-d’Oise. « Pour l’instant, j’habite encore chez ma mère car je ne peux pas encore me verser de salaire, confie-t-il. Mais quand la situation se sera débloquée, je pense rapidement voler de mes propres ailes car la demande est forte. » C’est bien là tout le mal qu’on lui souhaite.
Grégoire Remund
Photos : ©Nicolas Moulard
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