Sonja Mazouz, Studio number one
Cette ancienne danseuse-comédienne est entrée dans la profession grâce au Studio Théâtre de Stains. Désormais coach de gym pilates après une carrière bien remplie, elle revient toutefois à ses premières amours et répète actuellement la nouvelle pièce du STS, « Rousseau et Jean-Jacques » qui sera jouée quand les théâtres pourront rouvrir. Portrait.
(N.B : la rencontre a eu lieu avant le 30 octobre et l’entrée en vigueur d’un reconfinement)
Normalement, elle avait tourné la page. Pris le virage du pilates dans son nouvel espace bien-être aux Lilas après une carrière de danseuse-comédienne bien remplie. Mais quand le Studio Théâtre de Stains est venue la chercher pour jouer dans sa nouvelle pièce, « Rousseau et Jean-Jacques », Sonja Mazouz n’a pas hésité : « j’ai commencé le théâtre dans ce lieu magique, vécu certains de mes plus beaux moments de scène là-bas, alors j’ai foncé. »
Cette Stanoise de 51 ans, qui a grandi à la cité de la Prêtresse, a croisé la route du STS à 13 ans via le collège. Pour ne plus jamais lâcher le fil... Celle qui rêvait déjà de devenir danseuse – « je regardais Fame en boucle, je me prenais pour Coco et Leroy mélangés » - accroche alors immédiatement avec la troupe de Xavier Marcheschi et Marjorie Nakache, « qui sait partir du vécu des gens et mélanger les arts. » Théâtre mais aussi danse, cirque, musique live, tout y passe... « On était une bande de copains-copines, on faisait des scènes du répertoire, de l’impro, c’était génial. On se sentait écoutés, mis en valeur… », se remémore la comédienne professionnelle.
Premier rôle, toute jeune, avec Histoires de paroles, adapté de Prévert, et première à Avignon avec J’espérons que je m’en sortira, recueil de rédactions d’élèves napolitains qui fait écho avec une ville populaire comme Stains. Après avoir passé son diplôme d’État de prof de modern jazz, la comédienne quittera ensuite le nid stanois pour danser jusqu’à plus soif : dans les compagnies de Dominique Lesdema, du Jeune ballet jazz français ou encore au Lido, à la fin des années 90. Plus tard, elle devient à son tour chorégraphe, fondant même une compagnie, les Damoiz’ailes, qui allie danse et cirque. Mais toujours avec un bout de son cœur à Stains… « Quand je revenais à Paris, mes pas me guidaient naturellement vers le Studio Théâtre, où Marjorie me proposait d’animer des ateliers. Je me suis alors revue à 13 ans, quand j’ai découvert tout cet horizon insoupçonné. Mon idéal, c’était d’être une prof qui ouvre ses élèves aux textes, mais aussi au corps. On voulait être sur un registre différent de l’école : faire place au corps, à l’improvisation, pour révéler certains jeunes à eux-mêmes », explique celle qui ne comprend pas que les arts ne soient pas plus présents à l’école.
Registre différent
De manière générale, on sent la comédienne, également maman, passionnée par les questions d’éducation. Après tout, peut-être n’est-ce pas un hasard si le Studio l’a rappelée précisément pour sa pièce sur Rousseau. « J’y joue plusieurs rôles, dont l’un consiste à actionner avec deux marionnettistes un Rousseau miniature. Ça remue pas mal de choses en moi. L’autre jour, en répétition, je me suis dit que c’était finalement une bonne métaphore de l’éducation : c’est un travail d’équipe que de faire avancer un petit bonhomme. Il n’y a pas que la famille ou l’Education nationale, il y a un ensemble d’acteurs, dont évidemment les structures culturelles… »
Pourquoi alors avoir à un moment mis le clignotant, pour bifurquer vers le bien-être ? « Arrive un moment où le corps dit stop. Je n’avais plus le même plaisir à monter sur scène, et ça il faut l’écouter », explique Sonja Mazouz. Il y a 8 ans, elle qui faisait déjà du pilates en tant que danseuse décide donc d’en faire sa deuxième vie, avant d’ouvrir son propre espace il y a 4 ans aux Lilas. « J’assure la partie pilates et stretching, mais il y a aussi des profs de yoga, Qi Gong. Et je peux vous dire qu’il y en a besoin : le travail, le stress, la sédentarité, tout ça ça fait du mal aux corps... »
Question Covid, si elle est inquiète de l’impact de la crise sur sa propre activité, elle redoute aussi ses conséquences pour le spectacle vivant, en particulier les petites structures . « J’ai des amis qui ont des petits théâtres, je ne suis pas sûre qu’ils rouvrent. », souffle-t-elle. Et de se faire le relais de l’incompréhension de tout un secteur… « La culture, c’est quand même le ciment d’un pays, et pourtant on est un peu traité dans cette crise comme la cinquième roue du carrosse. Même en termes économiques : on sait que la culture ramène à peu près 7 fois plus au PIB français que l’industrie automobile. Or elle n’est pas soutenue dans cette crise à la hauteur de l’automobile... », lâche celle qui ne se dit pourtant « pas très politique dans l’âme ». Peut-être là encore le contact de Rousseau et de son « Discours sur l’origine et les fondements des inégalités parmi les hommes ».
Christophe Lehousse
"Rousseau et Jean-Jacques", Spectacle pour comédiens et marionnettes à partir de 8 ans
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