Seine Saint-Denis

Photo : ACLEFEU

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Photo : Aubervilliers Solidaire

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Photo : Plaine de femmes avec 7 Dreams

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Photo : Au-delà des murs

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Photo : ACLEFEU

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Photo : Au-delà des murs

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Photo : Aubervilliers Solidaire

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Photo : Plaine de femmes

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Photo : Au-delà des murs

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Photo : ACLEFEU

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Photo : Aubervilliers Solidaire

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Photo : Au-delà des murs

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Photo : Amelior

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Photo : Amelior

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Photo : Au-delà des murs

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Coronavirus Mobilisation Aide alimentaire

Solidarité de béton

Face à la violence de la crise sociale causée par le confinement, une immense chaîne de solidarité s’est constituée spontanément dans le département. Dans toutes les villes, ce sont ainsi des milliers de colis alimentaires qui sont, chaque semaine, récoltés puis redistribués par des particuliers, des associations de quartier, des structures de l’économie sociale et solidaire. Un élan de solidarité sans précédent, par son ampleur comme par son organisation.

Au départ, c’est un groupe Facebook comme tant d’autres. Un de ces nombreux groupes créés dans quasiment toutes les villes de France quand le confinement a été décidé et où s’échangent informations, idées d’activités pour les enfants, recettes de cuisine. Et puis, raconte Raphaël Perrin, un des habitants d’Aubervilliers qui l’a mis en place, « nous avons commencé à nous demander comment créer de la solidarité ». Et là, « cela a été très vite. Nous étions loin d’imaginer... »

En quelques semaines, « Aubervilliers solidaire » est devenu un collectif de bénévoles qui a doublé les effectifs du Centre communal d’action sociale, propose de l’aide aux devoirs à distance, fabrique des masques, anime une web-radio et, surtout, livre deux fois par semaine des colis alimentaires à des familles que le confinement a mis dans une situation très critique, soit « 940 personnes à chaque fois ». Et il·elle·s sont loin d’être les seul·e·s.

« Toute la ville est là »

Aux quatre coins de la ville, des habitant·e·s s’entraident entre voisin·e·s et des associations, dont l’objet social n’a pourtant que peu à voir avec l’aide alimentaire, se mobilisent : l’association socio-culturelle De l’autre côté, la structure d’insertion Emergence 93, La Pépinière – qui promeut l’alimentation locale –, le Café culturel Collective ou l’association artistique Les Poussières. La liste n’est pas exhaustive, et il faudrait aussi y ajouter les dizaines de restaurateur·trice·s, commerçant·e·s et entreprises qui prêtent, cuisinent, donnent, livrent.

Et pour être plus efficaces, beaucoup de ces structures, formelles et informelles, ont en plus réussi le tour de force de coopérer et se coordonner pour échanger des informations ou des stocks, se répartir les missions (colis, repas, livraisons, etc.) ou les points de collectes. Elles le font entre elles, mais aussi avec la Mairie et le Département. « Nous avons tous des logiques et des habitudes différentes, mais tout ça s’est fait par la force des choses », avance simplement Raphaël Perrin en guise d’explications.

« Toute la ville est là, poursuit-il avec satisfaction, tous les profils, tous les parcours, du·de la cadre supérieur à des personnes sans papiers, en passant par des jeunes de la Maladrerie qui n’attendent que ça d’aider et sont là dans l’heure dès qu’on leur demande ». Il s’en réjouit, mais n’est guère étonné : « C’est une ville où il y a beaucoup d’entraide, où il est naturel de s’engager quand ça ne va pas ».

Les associations de quartiers en première ligne

Cette élan de solidarité n’est pas propre à Aubervilliers. On le retrouve dans toutes les villes de Seine-Saint-Denis. Et la raison première est malheureusement très simple : il le fallait. « Les premières victimes de la crise sont les quartiers populaires, soupire Mehdy Bigaderne, d’ACLEFEU. Ce n’est pas notre domaine, mais la crise nous a poussés à agir, d’autant que, les premières semaines, les associations comme les Restos du cœur ou le Secours populaire, et les CCAS étaient complètement débordés. »

Alors, dès la deuxième semaine de confinement, les membres de cette association clichoise, ont activé leurs réseaux personnels et commencé à collecter de la nourriture pour la redistribuer, avec l’aide de la Fondation Abbé-Pierre et de la Ville. Lors de la première distribution, 150 familles se sont présentées. Aujourd’hui, elles sont près de 1000, sans compter les personnes à la rue ou en hôtels auprès de qui l’association se rend chaque semaine pour distribuer des chèques-services.

Pour Karim Mimouni aussi, cela a été « une évidence ». L’association Au-delà des murs qu’il a fondée dans le quartier Salvador Allende, à Bobigny, est pourtant toute jeune, à peine deux ans, mais elle a su se mobiliser très vite et a livré depuis plus de 2000 colis alimentaires. « Notre ciment est d’œuvrer pour le quartier. Nous sommes animés par notre amour pour lui  », dit-il simplement. Pourtant, leur action dépasse largement Salvador Allende. Elle s’étend même hors du département jusqu’à Vitry.

Pour être plus efficace, l’association travaille en effet avec d’autres structures de la ville, mais aussi de Paris et du Val-de-Marne. « Nous récupérons parfois de grandes quantités, ou des produits qu’il faut manger très rapidement, explique une autre de ses membres, Tijana. Nous essayons donc de tout mutualiser pour répondre au maximum de demandes et ne pas gaspiller ».

C’est ce que font aussi, à l’échelle de la ville, les associations de Saint-Denis la Plaine de femmes, Dessine-moi Pleyel et 7 Dreams. Ce qui ravit Françoise, de Plaine de femmes : « Cela fait longtemps que nous n’avions pas montré que les quartiers pouvaient travailler ensemble. Cela va créer un précédent. Nous apprenons aussi les uns des autres et réfléchissons ensemble à ce que veut dire s’associer, avoir l’esprit collectif. » Mais ce que montrent surtout ces associations, ce sont leurs extraordinaires capacités d’engagement, d’adaptation, d’organisation.

L’art de la débrouille

Jusqu’à présent, Plaine de femmes s’était en effet surtout fait connaître des habitant·e·s de La Plaine Saint-Denis par ses fêtes de quartier organisées deux fois par an, ses animations, ses séjours. Aujourd’hui, une équipe récupère les denrées, une autre prépare les paniers et huit autres encore livrent dans tout le quartier une centaine de familles.

Toutes ces associations ont en effet mis en place en quelques jours une logistique impressionnante et arrivent ainsi à récupérer des tonnes de denrées alimentaires auprès des grosses associations d’aide alimentaire, des grossistes de Rungis, des commerçants du quartier, d’entreprises, de particuliers, etc. Comme le souligne amusée Tijana, d’Au-delà les murs, il a fallu s’organiser « comme une entreprise  ». Sauf qu’il s’agit de bénévoles associatifs, avec le renfort « de mamans et de jeunes du quartier qui sont venus spontanément proposer leur aide ».

C’est sans aucun doute ce qui rend cette solidarité si efficace et si unique. « Ce n’est pas de la charité, insiste Françoise, de Plaine de femmes. Il n’y a pas de gens qui donnent d’un côté et des gens qui reçoivent de l’autre. Nous avons besoin les uns des autres et nous partageons ce que nous avons. Nous l’avons toujours fait.  »

Pour elle, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un « réflexe » : « avant le Covid, la capacité à se débrouiller dans les quartiers était déjà là, car la vie y est plus dure et les services publics moins présents. » « C’est fidèle à notre département, renchérit Mehdy Bigaderne, à l’image du système D et de la débrouille. »

Le jour d’après

Si tou·te·s ont agi sans se poser de questions et se préparent à devoir intervenir encore longtemps, la colère monte cependant. « Est-ce que c’est satisfaisant l’auto-organisation ?, interroge par exemple Raphaël Perrin. On se retrouve dans une situation où on remplace l’État. C’est dingue que nous soyons obligé·e·s de faire ça. L’État aurait dû prendre le relais ! »

« On est concrètement dans la délégation de service public. Le préfet a dit qu’il craignait des émeutes de la faim. Si nous n’étions pas là, on y serait. Nous sommes la soupape. Il va falloir que chacun prenne ses responsabilités ! », martèle également Mehdy Bigaderne. Et le militant ne fait pas simplement référence à l’aide alimentaire.

Il espère bien, comme tous les autres, que la situation vécue par la Seine-Saint-Denis entraînera un « réveil des consciences  » sur les inégalités socio-économiques et aboutira enfin à un réel « plan Marshall des banlieues  », et pas « juste des mesurettes  ».

Une analyse qui est aussi celle du président de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, qui pointait déjà avant le coronavirus les inégalités sociales criantes auxquelles était confrontée la Seine-Saint-Denis. A fortiori, après la crise sanitaire et sociale qui s’est abattue sur le territoire, l’élu réclame un « grand plan pour la Seine-Saint-Denis » sur des secteurs aussi cruciaux que le logement, la santé et l’éducation.

Quand une association de biffins se transforme en banque alimentaire

Chaque jour, elles sont une dizaine d’associations à frapper à la porte d’Amelior afin d’y récupérer des stocks de nourriture qu’elles vont ensuite redistribuer dans les campements et bidonvilles où vivent migrants et roms. Depuis plusieurs semaines, cette association montreuilloise qui lutte pour la reconnaissance et les droits des biffins, s’est en effet transformée, avec le soutien financier de la Fondation Abbé-Pierre, en banque alimentaire.
Si l’association s’est engagée là-dedans, c’est parce que dès le 14 mars, elle a commencé à recevoir des « appels à l’aide » de ses membres, qui, avec le confinement et l’impossibilité de vendre, « crient famine », raconte Samuel Le Coeur, son président. Réalisées d’abord pour leurs membres, leurs premières collectes ont cependant pris depuis une toute autre ampleur.
« On récupère des invendus de Rungis, on a des plans solidaires avec des collègues dans des supermarchés, des personnes collectent aussi pour nous, détaille le biffin. On essaie d’avoir le gisement le plus sécurisé possible. »
« Nous avons rendu service et nous sommes contents, poursuit-il, mais nous regrettons surtout que les droits des ferrailleurs n’aient pas été reconnus avant, car cela aurait conduit à moins d’exclusion. Nous sommes réprimés depuis 15 ans alors que notre travail est viable, productif et que nous participons au réemploi et au recyclage. Nous demandons juste à pouvoir organiser des marchés et travailler légalement.  » Et de conclure : « Nous prouvons aujourd’hui que nous sommes fiables, professionnels, que nous sommes des gens organisés.  »

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