Lutte contre les violences

Sexisme ordinaire

Le sexisme est partout : dans les publicités, les manuels scolaires, les réunions de travail. Des journées comme celles organisées par l’Observatoire départemental des violences envers les femmes le 7 mars dernier permettent non seulement de prendre conscience de ce sexisme ordinaire mais aussi d’engranger des stratégies pour y faire face. Reportage.

Notre vie quotidienne est pleine d’injonctions sexistes. Assister à une journée de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes permet d’être plus lucide quant à ce qui nous entoure. D’ailleurs combien d’hommes dans la salle ? 50% ? 40 ? 30 ? 20% ? A vue de nez, à peine 5%. Pourtant les violences conjugales, le cyber sexisme, le harcèlement sexuel dans les universités sont des sujets de société auquel tout le monde devrait s’intéresser. Est-ce une manifestation du sexisme ordinaire que si peu d’hommes se soient déplacés en cette journée ? Au moment où la parole est laissée au public venu nombreux, un homme demande le micro. Il le réclamera trois fois au cours de la journée. Et la machine à question se remet en marche… monopoliser la parole, chercher à déstabiliser la journée, est-ce du sexisme ? Cet homme s’en rend-il compte ? Le fait-il sciemment ?

JPEG - 186.2 kio

« Paye ta schnek »

Brigitte Grésy secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle et spécialiste de l’égalité entre les hommes et les femmes appelle à une vigilance individuelle. Elle se félicite que les tumblr de type « paye ta robe » dénoncent ce sexisme ordinaire chez les avocats, « paye ta blouse » dans le milieu hospitalier, « paye ta fac » dans le milieu universitaire ou encore « paye ta schnek » dans l’espace public. « Il y a quelque chose de l’ordre de la colère dans ces manifestations anonymes de femmes victimes de sexisme dans le monde du travail et dans les écoles.  »

La question du sexisme est devenue centrale

Cette journée a permis d’ouvrir les yeux sur le sexisme ordinaire celui qui consiste à rabaisser les femmes, à les considérer comme inférieures, à les ignorer et finalement à les rendre invisibles. « La question du sexisme est devenue centrale et je m’en réjouis, explique Brigitte Grésy, car en 2008, lorsque je me suis attelée à cette question, je me sentais un peu seule. En entreprise, on parlait de racisme, mais « sexisme » était alors un mot tabou. On disait misogynie à la place. »

JPEG - 127.3 kio

Aujourd’hui, tout le monde est contre le sexisme ordinaire. Mais derrière cette unanimité, Brigitte Grésy constate qu’il existe un politiquement correct consensuel sur les stéréotypes de sexe. Et ce sexisme ordinaire exclut les femmes de l’égalité.

"Délégitimer, dénigrer, humilier"

« Lorsqu’en réunion une femme expose une idée et que ses supérieurs n’y prêtent pas attention. Lorsque la même idée est reprise par un homme et que ces derniers soulignent la perspicacité de cette réponse, on ne peut pas parler de violences caractérisées comme le harcèlement au travail ou les agressions sexuelles. Le déni de compétence a pour conséquence de délégitimer, dénigrer, humilier, et déstabiliser les femmes sur le marché du travail. Les femmes s’autocensurent et elles limitent leur ambition, le champ des possibles. » Face à une assemblée de 500 femmes et une poignée d’hommes réunies à la Bourse du Travail de Bobigny, Brigitte Grésy donne corps à ce sexisme ordinaire dont les manifestations sournoises, difficiles à déceler ont un impact sur notre société.

Le sexisme ordinaire constitue le terreau des violences

Chiffres à l’appui, elle avance la tragédie du 20% toujours tristement d’actualité : « Alors que les femmes représentent 52% de l’humanité, elles sont 27 à 28% à l’Assemblée nationale. 20% c’est aussi la différence de rémunération entre hommes et femmes dans les conseils d’administration des SBF 120 (les 120 entreprises les plus cotées à la Bourse de Paris). 20% c’est aussi la part des temps partiels occupés par des hommes. » Lorsque les femmes qui représentent les deux tiers des diplômés de 3e cycle accèdent à des postes à responsabilité, elles sont cantonnées à la communication et aux ressources humaines. Dans le même temps, les hommes se retrouvent aux finances et à la stratégie, des secteurs mieux payés. Dans le secteur social et celui de la petite enfance, on retrouve beaucoup de femmes : 96% des éducateurs de jeunes enfants (EJE) sont, par exemple, des femmes. « Et si 4% sont des hommes, ils deviennent très vite directeurs de crèche.  »

Pour Brigitte Grésy «  le sexisme ordinaire est d’abord une idéologie et une croyance qui érige la supériorité de l’un sur l’autre. Et en cela il constitue le terreau des violences. »

Cette agression dont vous êtes le héros

En cas de harcèlement sexiste ou sexuel dans les transports en commun, on ne sait pas forcément comment réagir. Qu’on soit victime ou témoin, on peut être tétanisée, surprise, apeurée. On peut avoir peur des représailles ou d’être agressé à son tour. La campagne de prévention « Et vous, comment réagiriez-vous si vous étiez dans ce bus ? » se présente sous la forme d’une vidéo interactive et immersive. On peut choisir d’incarner l’un des personnages face au harceleur : une victime ou un témoin. L’idée est de prendre leur place pour voir comment on aurait réagi dans une situation semblable. Il est toujours possible de ne pas réagir, et là la situation ne fait qu’empirer. On peut s’interposer fermement mais aussi mentir… En faisant semblant de connaître la victime, on déroute le harceleur, on détourne son attention. En demandant un renseignement sur le chemin à suivre par exemple au harceleur, on l’occupe et on fait diversion. Des petits tuyaux simples qui permettent de désamorcer des situations de harcèlement et d’éviter l’escalade des violences. Alors qu’attendez-vous pour cliquer ?

Dans l'actualité