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Séance de basket et coaching professionnel, un programme sur mesure pour des jeunes sur le marché de l’emploi

Le 15 février, l’association JobIRL, qui aide les jeunes dans leur orientation professionnelle, et le Département ont invité 16 jeunes habitants de la Seine-Saint-Denis au complexe de basket indoor Hoops Factory, à Aubervilliers, pour participer au programme « Mon alternance sur mesure, spécial olympisme ». Un dispositif d’accompagnement individuel et collectif, à forte teneur sportive ce jour-là, censé servir de tremplin pour décrocher un contrat d’alternance.

La scène se déroule sur un des terrains de basket de la Hoops Factory (un vaste complexe dédié à la balle orange) d’Aubervilliers. Sur le parquet luisant, 16 jeunes de 16 à 30 ans originaires de Seine-Saint-Denis. Assis en tailleur, ils forment un cercle autour de Lamine Camara, un éducateur sportif – et ancien basketteur de haut niveau - qui n’a pas son pareil pour motiver les joueurs.

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D’une voix douce et posée, le natif de Saint-Denis leur parle d’esprit d’équipe, de discipline, de détermination. Débriefing sportif ? Certainement, mais aussi coaching professionnel. Et cela tombe bien car les jeunes ici présents, tous en quête d’un contrat d’alternance, sont venus chercher conseils et méthodologie. « Dans les exercices que je leur fais faire, je dresse sans cesse le parallèle avec le monde du travail, explique Lamine. Le basket, qui est probablement le sport collectif qui fait le plus appel aux individualités, s’y prête parfaitement car il permet de se poser les bonnes questions : dois-je dribbler ou faire la passe au copain ? Dois-je prendre le shoot ou laisser cette responsabilité à un coéquipier mieux placé que moi ? Marquer, rater, on s’en fiche, l’essentiel est de s’appuyer sur les forces et les faiblesses du groupe, mettre en avant la complémentarité, se mettre au service des autres et apprendre à faire confiance. » Des compétences non négligeables quand il s’agit de développer son employabilité.

Cet atelier a été organisé dans le cadre du dispositif « Mon alternance sur mesure » que l’association JobIRL (qui agit pour aider les jeunes à accéder au monde professionnel) organise une fois par mois durant trois jours. « C’est un projet qui vient en réponse aux difficultés des jeunes de Seine-Saint-Denis à construire leur projet professionnel, aux taux de ruptures précoces des contrats en alternance et aux opportunités de recrutement dans de nombreux secteurs d’activité, souligne Anne Gillet, responsable de partenariats Ile-de-France chez JobIRL. L’association a élaboré un programme qui prend en compte les besoins exprimés par les jeunes, les conseils des recruteurs et des chefs d’entreprises, les retours d’enseignants et de formateurs, ainsi que l’expertise de deux associations expérimentées dans l’accompagnement à l’insertion professionnelle des jeunes : la Ligue des Jeunes Talents, spécialisée dans la formation à l’éloquence et Mon Job Sur Mesure, collectif de coaches solidaires, attaché au travail sur la validation du projet professionnel. »

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Nouveauté cette année : l’intervention du Département, sur fond de Jeux olympiques et paralympiques à Paris, qui a permis d’injecter pour la première fois une dose de sport à cette initiative. Avec deux villages et plusieurs sites de compétition et d’entraînement, la Seine-Saint-Denis sera en effet au centre de cet événement planétaire qui laissera en 2024 un héritage durable au territoire et à ses habitants au niveau des opportunités professionnelles. « La participation du Département à notre programme permet aux jeunes de prendre connaissance des débouchés multiples et durables de l’évènement olympique et paralympique en termes d’emploi et de volontariat. Avec tous les aménagements et initiatives à venir, cela leur ouvre de nombreuses perspectives », estime Anne Gillet.

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Un programme qui s’étend en réalité sur 6 mois

Et la coordinatrice d’aller même plus loin, convaincue que, partageant les mêmes valeurs, le monde sportif et le monde de l’entreprise peuvent se nourrir l’un de l’autre. « L’autre objectif d’un rendez-vous comme celui-ci est de rappeler que les fondements de l’hygiène de vie du sportif sont transposables à celle du jeune en alternance ou en emploi (alimentation, addictions, sommeil et activité physique) en vue de lutter contre les ruptures de parcours liées à un mode de vie incompatible avec les exigences du monde du travail », affirme-t-elle. Ainsi, sortir de sa zone de confort à l’aide d’une initiation sportive in situ aurait plusieurs vertus : exercer sa mobilité, découvrir une discipline et apprendre de nouvelles règles, s’intégrer à une équipe, oser, se dépasser… « Ces derniers mois, beaucoup de jeunes se sont mis en retrait en raison du Covid. Ils se cachent, s’autocensurent. Nous sommes à leurs côtés pour les aider à déconstruire les idées reçues qu’ils ont sur le monde du travail, leur prouver qu’ils ont autant de chance de réussite que les autres, insiste Anne Gillet. Le sport est l’outil parfait pour renouer le dialogue et leur faire reprendre confiance en eux. » Pour prolonger cette dynamique sportive, Lamine Camara prévoit de coacher ce groupe de jeunes pendant plusieurs mois en leur fixant des challenges (exercices de renforcement musculaire, séances de courses, etc.) par SMS sur la base du volontariat et dans une démarche de sport santé.

Sur le plan professionnel aussi nos futurs alternants ne seront pas lâchés dans la nature. Après avoir travaillé trois jours sans relâche sur la prise de parole, appris à structurer leur pensée, à faire un CV et s’être inscrits sur les réseaux professionnels pour gagner en visibilité, ils seront suivis durant six mois par les équipes de JobIRL. « J’ai participé à ce programme parce que je cherche une alternance dans le domaine de la communication », confie Céleste, 30 ans, venue de Neuilly-sur-Marne. Cette jeune fille, qui a quitté le Cameroun il y a 6 mois et qui est Titulaire d’une licence en communication d’entreprise, dit avoir été reboostée par le dispositif. « Au départ, j’étais sceptique car je me demandais ce qu’on allait faire de nous mais au final, je suis bluffée par la richesse et la variété de l’offre. En France, je n’ai pas le moindre réseau. L’activité basket m’a permis de tisser des liens, de me sentir intégrée et de croire en mes chances. » Hôtesse d’accueil dans une banque à Paris, Ryna, 20 ans, souhaite monter en grade et devenir conseillère clientèle. Le hic : « Pour bénéficier d’une formation en interne, c’est bac + 3 minimum, hors je n’ai que le bac », déplore la jeune fille qui habite à Saint-Denis et qui est inscrite à la mission locale de La Plaine. Pour elle, la prochaine étape sera de valider son BTS en alternance, « après on verra. » Et d’ajouter : « Je sais désormais qu’il faut apporter une touche personnelle à ses entretiens professionnels, les parcours de vie peuvent intéresser les recruteurs. » Miladi, 19 ans, espère quant à lui trouver une formation pour devenir éducateur sportif. Après avoir obtenu un bac général spécialité SVT/ sciences éco et erré une année en fac de sociologie, le Rosnéen souhaitait faire STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) mais il s’est heurté « à la sélection drastique de (la plateforme d’orientation, ndlr) Parcoursup ». Aujourd’hui, il vise le diplôme du BPJEPS (Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport) pour « enseigner le skateboard. » Après le skate, il dit avoir pris goût au basket. Toute l’après-midi durant, on l’a vu enchaîner sourire aux lèvres les passes et les paniers à Aubervilliers.

Photos : Sophie Loubaton

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