Saint-Denis veut faire rayonner sa Périféeries
Vendredi 1er octobre, la ville de 110 000 habitants a lancé sa candidature au statut de Capitale Européenne de la Culture sous le nom de « Périféeries 2028 ». La pluie n’aura pas gâché la fête, marquée par le spectacle de la compagnie Transe Express et la venue de deux sopranos de réputation internationale. Reportage.
« Je trouverais ça formidable que Saint-Denis devienne capitale européenne de la culture en 2028. Cette ville, on en est fiers. Saint-Denis, c’est le mélange des cultures et c’est un bon message à envoyer au monde entier. » Comme quelque 200 autres personnes, Sana, 24 ans, a bravé la pluie qui s’abattait ce vendredi soir sur la place de la Basilique. La jeune habitante de Saint-Denis, étudiante en master 2 de droit international européen, espérait y assister au lancement officiel de la candidature de sa ville comme capitale européenne de la culture, et aux spectacles qui allaient avec.
Pour postuler à ce statut dont ont déjà bénéficié avant elle Lille en 2004 et Marseille en 2013, la ville de Saint-Denis avait tout prévu : jusqu’au lustre géant de la compagnie Transe Express qui aura illuminé le ciel noir charbon au-dessus de la Basilique.
"Cristal Palace" par la compagnie Transe Express
« Périféeries 2028 » : tel est désormais le nom officiel de la candidature de la ville de Paul Eluard et de Grand Corps Malade, qui compte bien construire un solide dossier pour l’emporter en 2023, année de l’attribution. La ville - secondée par le Département, dont le président Stéphane Troussel était lui aussi présent - a déjà commencé à dessiner son projet, elle qui a signé un partenariat avec l’Institut du Monde Arabe de Paris et dont le point d’orgue de la candidature doit être la reconstruction de la flèche nord de la Basilique, démontée en 1847. Ses adversaires se nomment pour l’occasion Bourges, Roubaix, Clermont, Reims et Rouen, sachant qu’un autre collectif, Banlieue Capitale, aimerait aussi pousser le concept d’une candidature de toutes les banlieues d’Ile-de-France.
« Saint-Denis, c’est la ville multiculturelle par excellence. Et ce serait un beau signal pour le pacte républicain et le projet européen qu’elle devienne en 2028 capitale européenne de toutes les cultures », lançait au micro Mathieu Hanotin, le maire de Saint-Denis, avant de laisser la place à la soprano franco-américaine Erminie Blondel puis à la soprano colorature Leïla Brédent, accompagnée par un choeur d’enfants du Conservatoire de la ville. Parmi eux Aïssatou, 3 ans de conservatoire derrière elle, qui aura accompagné la chanteuse à l’alto. « Ça va, j’ai pas trop eu le trac, il faut dire qu’on avait beaucoup répété avec notre prof, Théodore Romanescu. La musique, j’adore ça depuis toute petite, j’aimerais bien en faire mon métier », expliquait cette Dionysienne de 10 ans.
La soprano Erminie Blondel
Dans le concert des participants, c’est en majorité une note d’enthousiasme qui perçait au sujet de la candidature. « C’est hyper important d’accorder une place fondamentale à la culture, surtout dans un territoire qui n’est pas forcément favorisé et qui souffre aussi d’une image déformée. Nous qui construisons la majorité de nos spectacles avec les habitants, on voit bien l’énergie qu’il y a ici », témoignait Léa Melini. Cette membre de la troupe Hoc Momento, grimée avec un masque vénitien, venait de débarquer sur la place de la Basilique dans le joyeux capharnaüm de leur déambulation « Montjoie Saint-Denis ! », mêlant accoutrements bariolés et musique de fanfare.
"Cité-monde"
"Montjoie Saint-Denis ! par la compagnie dionysienne Hoc Momento
Dans le public, une chose faisait notamment l’unanimité : la diversité de cultures que devrait refléter cette candidature. « On veut quelque chose qui ressemble à Saint-Denis, qui dise son métissage », soulignaient Jeanne et Marco, couple franco-italien qui, avec ses deux enfants, personnifiait déjà bien le statut européen de la ville. « Il y a 80 nationalités ici donc il faut que ça se voie ! Ce serait bien qu’un Decouflé (chorégraphe auteur de la cérémonie d’ouverture et de clôture des Jeux d’Alberville et installé à la Chaufferie à Saint-Denis) ou un autre nous fasse quelque chose avec ça… Saint-Denis, c’est la cité-monde, et c’est une belle image à donner de la France, à l’heure où certains veulent diviser », insistait Noureddine, habitant de la Plaine Saint-Denis depuis 14 ans et peintre à ses heures. En dépit de la pluie et du vent, la Périféerie avait donc déjà commencé à opérer.
Christophe Lehousse
Photos : ©Sylvain Hitau
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