Danse Pantin

Rencontres chorégraphiques : Kubilai Khan dissipe les clichés sur l’Afrique

Les 8 et 9 juin prochains, la Dynamo de Pantin accueillera « Black Belt », nouveau spectacle de la compagnie de danse Kubilai Khan Investigations, dans le cadre du festival « Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis ». Un solo qui entend prendre à rebrousse-poil les clichés sur le continent africain.

Parcouru de tremblements, l’homme essaie désespérément de rester au-dessus du cadre lumineux qui, inexorablement, s’élève toujours plus haut. L’espace d’un instant, nous viennent à l’esprit les images trop communes de ces migrants africains qui, à Ceuta ou Melilla, tentent le passage en Europe, escaladant des grilles toujours plus hautes au risque de leur vie.
« Oui, on peut y voir cela, mais aussi d’autres images. De manière générale, nous essayons de laisser le spectateur seul interprète de la performance, de ne pas y plaquer nos propres projections », explique Frank Micheletti, chorégraphe de la compagnie Kubilai Khan Investigations qui propose cette année un solo sur le continent africain, porté par le danseur mozambicain Idio Chichava.

Une chose est sûre : si elle fait confiance à l’intuition du spectateur, l’équipe de Kubilai savait aussi ce dont elle ne voulait pas pour cette pièce dansée. « On a choisi d’éviter soigneusement les motifs des danses traditionnelles africaines car on ne voulait pas rester sur ces archétypes. L’idée est justement de montrer que l’Occident n’a pas le monopole des modernités et que l’Afrique s’est depuis longtemps ouverte aussi à la danse contemporaine », relance Frank Micheletti. Pour le spectacle, lui et son danseur ont donc privilégié les samples de musique électro, bien loin des rythmes africains ancestraux.

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@Franck Rondot
Un bon exemple de cette modernité est justement le parcours du danseur Idio Chichava, tombé dans la danse contemporaine dès 2001, à l’occasion d’un spectacle proposé par la compagnie mozambicaine Culturarte.
« Je suis arrivé à la danse contemporaine par la danse traditionnelle. Avant, je dansais le xigubu, une danse guerrière typique du Mozambique. Et puis, je suis tombé sur ce spectacle de danse contemporaine et ça m’est resté dans la tête. Il y a une liberté d’expression là-dedans qu’on ne retrouve pas dans les danses traditionnelles, raconte Idio Chichava qui a ensuite croisé le chemin de Kubilai Khan en 2005 à la faveur d’un stage.
Depuis, ce danseur de 37 ans a participé à plusieurs créations – Geografia, Espaço contratempo- avec la compagnie qui devrait d’ailleurs se produire à Maputo, au Mozambique, dans le cadre du festival d’automne.

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Puiser aux différentes cultures du monde, se mettre au diapason d’influences multiples, c’est justement le moteur premier de Kubilai Khan, qui fête cette année ses 20 ans. Cette curiosité naturelle est d’ailleurs gravée dans son nom, Kubilai, référence à un empereur mongol du XIIIe siècle qui reçut à sa cour le voyageur vénitien Marco Polo et noua des relations nourries avec l’Occident.
Et si elle n’hésite pas à passer les frontières, la compagnie est aussi très présente en Seine-Saint-Denis, où elle s’apprête à enchaîner une deuxième résidence artistique dans le cadre des Rencontres chorégraphiques. A partir de septembre 2017, Kubilai poursuivra ainsi son travail de création avec différents publics – pratiques amateurs mais aussi dans des centres sociaux. Avec à chaque fois ce même objectif : donner la parole aux habitants et battre en brèche les préjugés habituels sur la Seine-Saint-Denis.
« La culture de voyage que j’ai eue avec Kubilai m’a appris beaucoup de choses, notamment que ces espaces métissés, bouillonnants de vie comme peut l’être la Seine-Saint-Denis sont des lieux de fulgurance et de créativité et certainement pas des espaces d’insécurité. », souligne Frank Micheletti, Toulonnais de naissance et citoyen du monde.

Durant toute l’année 2017-2018, le chorégraphe et les danseurs de Kubilai joueront donc les ambassadeurs de la danse dans plusieurs centres sociaux de Montreuil ainsi qu’au parc départemental Jean Moulin-Les Guilands où devrait se monter un projet autour de la notion d’environnement. Une bonne illustration de la politique culturelle la plus large possible que le Département et le festival des Rencontres mènent de concert depuis 14 ans maintenant.

Christophe Lehousse

N.B : Les 8 et 9 juin, Kubilai Khan Investigations se produit dans le cadre de deux soirées partagées à la Dynamo de Banlieues Bleues à Pantin (aux côtés de deux autres compagnies). Début du spectacle à 20h, 14 euros pour les habitants de Seine-Saint-Denis.
Pour retrouver une présentation de la 14e édition du festival 2017, qui court jusqu’au 17 juin, cliquez ici.

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