Environnement Transition écologique Sevran

Recycler la terre, toute une filière

À Sevran, la fabrique Cycle Terre transforme en briques, mortier et enduit, la terre extraite de chantiers du Grand Paris Express. Cette société coopérative d’intérêt collectif agit à la fois en faveur du réemploi et de la construction durable.

Prenez de la terre. Laissez-la sécher plusieurs mois. Broyez-la ensuite pour éliminer ses cailloux. Pour savoir si elle est prête à être compactée, contrôlez son taux d’humidité en la humant, en la serrant au creux de votre poing. Et rajoutez au besoin de l’eau de pluie. Malaxez bien. Incorporez un tout petit peu de sable ou un tout petit peu de paille pour solidifier le tout.

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Ce qui ressemble à une recette de gadoue touillée au bac à sable par des bambins est préparée, bien au contraire, par des pros dans une fabrique dernier cri. La fabrique Cycle Terre installée à Sevran est aujourd’hui la seule en Europe à pouvoir sortir des blocs de terre crue de manière industrielle. Sa machine à extruder, danoise, équipée de vérins d’une puissance de 300 bars, compresse une palette de 125 blocs en 25 minutes.

Elle s’apprête à en produire 2 500 à la journée. De quoi bâtir le Colysée, une salle polyvalente de 8 000 places dont la construction a démarré en début d’année sur la ZAC d’Aérolians, à Tremblay-en-France, à quelques pas seulement du site d’extraction de la terre crue, principal ingrédient des briques et de l’enduit.

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Mamadou, Sevranais de 39 ans, possède 15 ans d’expérience dans le BTP : maçonnerie, peinture. Formé dans un chantier école, il vient d’être recruté à Cycle Terre : « C’est un peu nouveau la terre crue pour moi, c’est une découverte. » Il travaille la terre, le sable, les volumes d’eau. Il contrôle leur mélange. Des matériaux qu’il trouve plus naturels, plus agréables à manipuler : « Toucher la terre, la sentir, ça fait du bien. Ici il n’y a pas de ponçage, on ne respire rien de mauvais, il n’y a qu’à lisser. »

Cédric, son homologue, ajoute : « Et il n’y a pas de gâchis. L’enduit produit ici est non seulement facile à poser mais on peut le récupérer même lorsqu’il est tombé au sol. Alors que le ciment, quand il est sec, c’est mort ! »
Et Mamadou de poursuivre : « On n’a rien inventé, on a juste perfectionné les outils. Je viens du Mali : on construit comme ça, là-bas. À Tombouctou, les bâtiments sont en terre crue et ils ont 300 ans, 400 ans. On les entretient pour redonner un peu de fraicheur mais ça ne bouge pas. »

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Une solution d’avenir

Teddy Dusausaye, directeur de Cycle Terre, précise : « On n’est pas que des fournisseurs de matériaux. Notre but, c’est d’accompagner les architectes dès le début des projets, pour bien intégrer la terre crue, au bon endroit dans les bâtiments. »
La société propose même des formations aux maçons, pour être sûr que la terre soit posée correctement : « On s’assure aussi que la terre que l’on utilise soit bien issue de terre d’excavation et ne soit pas polluée. Pour obtenir des produits de qualité, c’est tout un suivi », explique cet ancien informaticien qui a grandi dans la cité des Beaudottes, tout près.
Le Département cherche à réunir tous ceux qui ont fait le choix de la construction durable et du réemploi au sein d’un comité de filière. Pour Teddy, « il y a un vrai intérêt à faire partie d’une filière. Cela permet de nous faire connaître des prescripteurs, des responsables, des architectes. Leur dire que la solution terre crue peut répondre à des écolabels pour construire de nouveaux lycées, de nouveaux collèges, de nouvelles écoles. Faire partie du comité de filière nous apporte des partenariats et des projets pour l’avenir. Cela permet de développer les formations, de créer de l’emploi… et cela amène un dynamisme territorial. »

Visites gratuites du site chaque mois, inscriptions sur : cycle-terre.eu

Isabelle Lopez
Photos : Patricia Lecomte

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