Portrait

Paulette Midol, engagée pour la vie

C’est entourée des siens que Paulette Midol, figure bien connue des Courneuviens, a fêté ses 99 printemps. Des souvenirs plein la tête et une soif de les faire partager. PORTRAIT.

Voulez-vous faire plaisir à Paulette Midol ? Parlez-lui de musique classique ou mieux faites-lui écouter un concerto pour violon avec Renaud Capuçon à l’archet. De préférence sur la chaîne Mezzo. Sa chaîne de prédilection pour laquelle elle s’est abonnée. Sa passion pour la musique classique remonte à son enfance. C’est son jardin secret. « J’ai appris le violon, confie-t-elle. Papa et maman n’étaient pas riches, mais ils ont fait ce qu’ils ont pu pour leurs enfants. Lors du bombardement d’Athis-Mons, la maison où nous habitions a été démolie et mon violon avec… »

Une vie pleine marquée par deux guerres qui ont laissé des traces et l’ont forgée dans son engagement et ses convictions. « Je suis née 5 jours après l’armistice de 1918. » D’entrée, le ton est donné et le contexte posé. Paulette Midol se souvient de sa petite enfance et les souvenirs remontent à la surface, douloureux. « La guerre de 14 a fait des ravages, raconte-t-elle. Un seul de mes oncles a survécu. Mon père, lui, a été mobilisé dans les chemins de fer. Il montait les jeunes qui allaient se faire tuer dans les tranchées. » Un père cheminot et une maman au foyer, la petite Paulette a grandi, entourée de l’amour de ses parents et de l’attention de son grand frère.

Entrée dans la vie active

Comme beaucoup de jeunes filles de son âge, elle rêve de devenir institutrice. Le plus beau métier au monde ! « Il semblait que mon destin était dans l’enseignement ! » Elle prépare le concours d’entrée à l’Ecole normale à l’âge de 17 ans. Mais les décrets-lois de 1935 “ rabiotent “, comme elle dit, le nombre de places pour les admis… Encore aujourd’hui, elle s’étrangle d’indignation devant cette injustice. « Déjà à l’époque ! » Elle se rabat alors vers l’Institut professionnel féminin Léopold-Bellan où elle obtient un CAP de secrétaire comptable, sésame pour rentrer à la mairie d’Athis-Mons, ville où elle habitait. « C’est mon premier pas dans la fonction publique. » Elle assure le secrétariat de Lucien Midol, premier adjoint de la municipalité et par ailleurs dirigeant national, du parti communiste français. « Je suis suspendue de mes fonctions en 1940 pour n’avoir pas renié une doctrine condamnée par la loi. C’était écrit noir sur blanc, comme ça… » Plus tard, elle confiera au Musée national de la Résistance, ce document qui allait changer le cours de sa vie.

Entrée en résistance

On l’aura compris, Paulette qui ne portait pas encore le nom de Midol, mais celui de son papa, Naudet, n’est pas femme à baisser les bras devant l’adversité. Elle commence à taper L’Humanité clandestine et des tracts. « C’était des pères tranquilles, à Athis-Mons, personne n’imaginait qu’ils possédaient une machine à écrire. Des résistants sur place qui n’ont jamais rien demandé plus tard… » C’est le début de son action dans la Résistance. Très vite, on lui fait comprendre qu’elle doit prendre le large. Un agent de police municipal, dénommé Rossignol, prévient son père : « Paulette ne doit pas coucher à la maison de soir, demain matin, on vient l’arrêter. » Sa valise faite, Paulette part dans l’Indre chez une des ses tantes, puis à Châteauroux où elle reste jusqu’à la Libération. « J’étais agent de liaison, je transportais des tracts et communiquais des mots de passe… » René Midol, l’un des fils de Lucien, vient la rejoindre alors. Ils s’étaient mariés le 5 juillet 1943, à la va-vite dans une petite commune avec un secrétaire de mairie pour officialiser l’événement. « Ni vu, ni connu ! Il n’y a même pas eu de publications ! Tout de suite après, nous nous sommes séparés pour continuer notre résistance, lui à Limoges et moi à Châteauroux. »

Secrétaire générale à La Courneuve

Sa réintégration à la mairie d’Athis-Mons, le retour de papa Midol de Maison-Carrée en Algérie où il avait été interné avec 26 députés du chemin de l’honneur, les différents concours qu’elle passe, son travail à Air France, la mémoire de Paulette est infaillible. C’est toute une vie qui défile cet après-midi là dans ce logement-foyer qu’elle occupe désormais aux Lilas. Son bâton de maréchal dans la fonction publique, elle l’obtient à La Courneuve où elle est nommée secrétaire générale. « Quand je suis arrivée, la ville comptait 12 000 habitants. Puis elle est passée à 20 000, puis 40 000 ! Coordonner les services d’une ville c’est ce qui a de plus important quand on est secrétaire générale. » À 60 ans, elle prend sa retraite bien méritée et s’installe dans le midi, puis finalement intègre en 2003, après la mortelle canicule, ce logement aux Lilas. Elle a accroché au mur les photos de ses proches qui ne la quittent pas, et seuls survivants de ses déménagements, un lustre et un meuble sont là pour témoigner de son passage à Cogolin. Si vous lui demandez quel est son secret de jouvence, elle vous lance un regard complice et lâche sa recette… « Il vous faut des épinards, une bonne livre que vous passez à la centrifugeuse. Vous recueillez le jus obtenu dans un verre. Vous débouchez une bonne bouteille de Bordeaux, et vous mélangez votre jus d’épinard au vin. Un petit verre tous les jours, c’est excellent pour l’anémie ! Je ne me cache pas pour le dire à mon médecin ! » Rendez-vous dans un an Paulette Midol pour trinquer à vos cent ans.

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