Pascal Blaise Ondzie, du bitume aux Jeux de 2024
L’Aulnaysien Pascal Blaise Ondzie est une légende vivante du hip hop. B-boy depuis 38 ans, le doyen français du breakdance a écumé les scènes du monde entier avant d’être désigné référent Île-de-France pour l’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024. Portrait d’un athlète d’exception, fervent défenseur des cultures urbaines.
« On ne va pas se mentir, l’entrée du breaking au programme des Jeux 2024 est une énorme reconnaissance de notre discipline » se félicite Blaise avec un sourire. L’agile quinquagénaire, fraîchement nommé par la Fédération française de danse, sait que cette intégration va révolutionner les pratiques, en créant de nouvelles normes et règles d’arbitrages. « Notre objectif est de fédérer le breaking d’ici 2024 et à terme former des entraîneurs, des DJ, des juges... pour construire une filière sportive, dans le respect de l’histoire du hip hop ». Le défi est immense pour un art de la rue né dans les ghettos new-yorkais mais le référent-coordinateur, qui a fait connaître le breakdance sur tous les continents a toutes les cartes en main pour réussir ce beau défi.
Des caves d’Aulnay-sous-Bois aux scènes mondiales
Né à Brazzaville au Congo et arrivé tout jeune dans le quartier des 3000, Blaise découvre le breakdance à 12 ans lors du New York City rap tour, le premier grand spectacle dédié au hip hop en France. Émerveillé, l’adolescent s’entraîne « avec les grands frères » et s’essaie au smurf, au funk et au disco lors de boums organisées le samedi après-midi dans les caves aménagées de la cité. À 14 ans, Blaise rejoint d’autres breakers d’Île-de-France au Trocadéro ou sur un terrain vague de la Chapelle qui deviendra plus tard un haut lieu du hip hop.
Le jeune garçon rencontre le bourgetin Xavier Plutus qu’il défie après un après-midi d’entraînement lors d’un mémorable battle dans le RER B, sous l’oeil interloqué des voyageur·euse·s. Blaise s’entraîne et écume les salles de danse avec « ses potes du 93 » : Xavier Plutus, les dugnysiens Gabin Nuissier, Ahmed M’Hemdi et Ladjor originaire d’Aubervilliers... En 1984, les jeunes gens fondent le crew (groupe) Aktuel force, qui rassemble des graffeurs et des danseurs comme les dionysiens Kool Shen et Joey Starr, futur duo de NTM.
Le collectif s’impose lors du festival Fête et Forts organisé au Fort d’Aubervilliers jusque dans une casse automobile, puis remporte de grandes compétitions de breakdance en France et en Europe. Blaise, très doué mais pourtant influençable, sèche les cours et se laisse entraîner dans la petite délinquance. « Mon père, qui ne rigolait pas avec les études, a décidé de m’envoyer quelques années au Congo » confie-t-il. L’adolescent étudie dans un lycée technique mais monte rapidement avec des proches le groupe des Brazza City Breakers. Aspiré par la passion, il part en train avec deux de ses frères pour faire connaître le breaking dans les villages du sud du pays.
Une carrière internationale en Europe, en Australie...
« Le hip hop et la cellule familiale m’ont paradoxalement protégé » estime Blaise qui regrette « une génération perdue à cause de la drogue et des bandes ». De retour à Aulnay-sous-Bois en 1990, le jeune homme réussit son BEP Comptabilité et se voit proposer par un ami de le remplacer dans la compagnie Black Blanc Beur, une des plus anciennes troupes du hip hop en France. Blaise devient le père d’un petit garçon et part en tournée dans le monde entier en tant que danseur professionnel. Fidèle en amitié, il contribue à nouveau à des spectacles d’Aktuel force et apparaît, à la demande de l’acteur aulnaysien Saïd Taghmaoui, dans le film culte La Haine.
La naissance de sa fille en 1998 l’oblige à ralentir le rythme. Le danseur décide de revenir en Seine-Saint-Denis et se passionne désormais pour la transmission de sa discipline auprès des jeunes générations. « J’ai voulu rendre à ma cité une partie de ce qu’elle m’a donné et promouvoir les valeurs du hip hop comme le respect ou la tolérance ». Avec un ami, il fonde à Aulnay l’association Les voies de la nouvelle rue (VNR) qui dispense des cours de danse, de DJing et de graffitis puis lance en 2002 un championnat international reconnu : le battle VNR.
L’attachant professeur de breakdance se félicite d’entraîner dans son club sept athlètes de haut niveau espoirs pour les Jeux olympiques de Paris 2024, parmi lesquels le 6ème mondial Gaëtan Lagaet ou le graffeur et danseur Jonathan Guébri qui va concourir aux qualifications pour le championnat de France. « La Seine-Saint-Denis est un bastion historique du hip hop et un fantastique réservoir à champions pour 2024 » se réjouit Matheus Barbosa Lopes, un autre entraîneur de VNR.
Le breakdance, très populaire auprès des jeunes, a assurément le vent en poupe en France. Avec ses 38 années de pratique et la paternité de la vrille (air flare en anglais) , Pascal Blaise Ondzie compte bien conserver l’âme des battles pour les JO et « défendre les choses non-négociables : la mise en scène ainsi que la musicalité des B-Boys, la présence d’un disc jockey et d’un master of ceremony sur scène... ». On fait toute confiance au gardien du temple...
Crédit-photo : Sophie Loubaton et Willy Vainqueur
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