Parrains Par Mille, la richesse du cœur
Implantée en Ile-de-France mais aussi dans 4 autres régions de France, cette association, soutenue notamment par le Département, met en place des parrainages entre des habitant·e·s et des enfants de 3 à 21 ans ayant besoin d’une personne ressource. Il peut s’agir de mineur·e·s non accompagné·e·s, d’enfants pris en charge par la protection de l’enfance ou encore d’enfants vivant dans leur famille. Portrait de deux binômes de Seine-Saint-Denis.
« Erica m’a tellement aidé depuis que je suis en France. C’est elle qui m’a trouvé l’entreprise pour mon alternance et qui m’aide encore pour apprendre la langue française. » Cheveux noirs, malice dans les yeux, Reza* sourit à la vie.
Ce jeune homme de 18 ans, au statut de réfugié, a trouvé en la personne d’Erica une deuxième famille. Infiniment précieux quand la première est loin, en Afghanistan.
En ce samedi matin, les deux amis ont rendez-vous pour déjeuner comme ils ont pris l’habitude de le faire, il y a un an et demi maintenant. Le soleil combiné aux terrasses fraîchement déconfinées rajoute bien entendu à leur bonheur, mais on sent bien que ces deux-là ont plaisir à se retrouver même sans ça.
C’est l’association Parrains Par Mille qui les a mis en relation, à la demande de Reza. A son arrivée en France, le jeune homme, suivi par l’Aide sociale à l’Enfance de Seine-Saint-Denis, cherchait en effet une occasion pour améliorer son français et un atout supplémentaire pour travailler son projet professionnel.
Erica Baggi, marraine de Reza
Erica, elle, souhaitait s’impliquer davantage dans un projet social, après avoir déjà donné des cours de soutien en français auprès d’une autre association. « J’avais envie de quelque chose qui aille plus loin que le simple apprentissage de la langue, d’établir une relation durable avec quelqu’un avec qui je pourrais échanger régulièrement. », raconte la jeune femme qui dit ne pas avoir été très familiarisée avant ça avec la question des mineurs isolés. « Administrativement, je n’y connaissais pas grand chose, mais l’association assure justement trois petits modules en ligne de mise à niveau là-dessus avant le début du parrainage », précise Erica. Cette habitante du 10e arrondissement parisien, affable et pétillante, savait en revanche déjà ce que veut dire arriver seul dans un pays dont on ne parle pas la langue, elle dont la maman, Colombienne, est arrivée en France à l’âge de 17 ans.
80 binômes en Seine-Saint-Denis
Mineur·e·s isolé·e·s, enfants suivis par la protection de l’enfance et parfois en difficulté, voilà le public avec lequel travaille Parrains par Mille. Proposant des parrainages pour des enfants de 3 à 21 ans, cette association peut s’enorgueillir de 80 binômes en Seine-Saint-Denis, l’objectif étant de doubler ce chiffre prochainement.
Depuis 2018, la structure fondée il y a 30 ans par Catherine Enjolet essaie notamment de développer des relations axées sur le domaine socio-professionnel, où le parrain ou la marraine a notamment pour mission d’affiner avec son·sa filleul·le ses envies de métier, de le faire profiter de son carnet d’adresses. C’est notamment comme cela que Reza, scolarisé depuis septembre au Lycée des métiers de l’horticulture et du paysage de Montreuil, a pu trouver son contrat en alternance dans les espaces verts de la mairie de Paris. A 18 ans, le jeune homme voit son horizon se dégager, après un parcours migratoire forcément douloureux et sur lequel il ne veut pas s’étendre : avec le débouché professionnel est venu l’habitat à Bobigny, dans une colocation gérée par la Croix-Rouge.
Leurs rencontres ont toutefois plutôt lieu à Paris, au domicile d’Erica ou selon leurs envies de sorties. « Avant le Covid, on est allés au cinéma, au resto. Avec mon compagnon, ils se retrouvent aussi régulièrement pour jouer aux jeux vidéo… Et comme on aime le rap tous les deux, on va aussi bientôt se faire un concert, quand ça aura repris », dit Erica qui lui a fait découvrir les rappeurs Maes et Booba, même si Reza en connaissait déjà un rayon. « Au final, Reza, c’est comme mon petit frère. C’est devenu tellement naturel entre nous qu’on a l’impression de se connaître depuis toujours », lance la jeune femme de 30 ans.
Deux types de parrainages
Une phrase qu’aurait aussi pu prononcer Gaëtan à propos d’Elissa. Voilà maintenant 6 mois que les deux se connaissent. A l’inverse du binôme Erica/Reza, il s’agit là davantage d’un parrainage culturel que socio-professionnel, même si on aura compris que le naturel des relations contribue justement à gommer ces catégories. Le lien qui unit cette jeune fille de 11 ans de Saint-Ouen à Gaëtan, comédien de métier, est ainsi un lien de découverte et de spontanéité.
Dans leur cas, c’est un accident de la vie qui a démarré leur relation. En juillet 2019, un blessure mal soignée d’Elissa à la hanche l’a en effet menée vers une hospitalisation et une rééducation assez lourdes. « Le problème à la hanche de ma fille, c’est ce qui a initié ma démarche. Je cherchais quelqu’un pour avoir un relais, dans la mesure où, étant maman solo de deux enfants, c’était un peu la course à la maison. C’est comme ça que je suis tombée sur Parrains par Mille », raconte Monia, la maman d’Elissa, autour d’une table de petit-déjeuner bien garnie.
Là encore, la relation s’est établie naturellement, avec le caractère de l’évidence. « En tant que comédien, j’ai fait plusieurs fois des ateliers avec du jeune public et ça a confirmé que je voulais pousser cette transmission un peu plus loin. Et puis, comme j’ai un métier qui m’amène à beaucoup bouger, c’est aussi un point d’ancrage pour moi », explique Gaëtan, basé à Aubervilliers et qui vient de reprendre ses spectacles après 7 longs mois d’arrêt forcé dus au Covid. Mais pandémie ou pas, Elissa et Gaëtan ont déjà visité ensemble les Tuileries, le Trocadéro, et, se retrouvant dans leur passion pour les bonnes choses, ont surtout instauré la sacro-sainte tradition du « carnage cuisinaire ». « Mais on n’a intoxiqué personne », jure Elissa, avec son bagout étonnant. Inscrite au Cours Florent depuis 5 ans, cette jeune fille à l’imagination très vive n’a pas encore pu voir Gaëtan sur scène, Covid oblige, mais a déjà pu recevoir l’un ou l’autre conseil de son ami. « Gaëtan nous apporte sa fraîcheur. », approuve Monia la maman, alors que l’intéressé se fait charrier par Elissa. Il est arrivé quand j’étais assez fatiguée, du fait d’une grosse charge mentale avec la blessure d’Elissa. Et puis, ça donne aussi à Elissa une autre vision des choses : par exemple, avant l’arrivée de Gaëtan, elle ne songeait même pas au fait qu’acteur pouvait être un métier. Ca a pas mal changé depuis », confie Monia au sujet de sa fille qui hésite désormais entre médecin et comédienne.
Etre à l’écoute, ouvrir l’horizon, c’est finalement en cela que consistent les parrainages de Parrains Par Mille. En charge de l’Aide sociale à l’enfance, le Département finance cette association depuis plusieurs années et vient d’ajouter à ce soutien la possibilité pour des agents du Département de consacrer deux heures par mois de leur temps de travail dans des missions de bénévolat. Des parrainages qui, en ces temps de post-Covid, peuvent sans doute faire du bien au moral, et pas que dans un sens…
Christophe Lehousse
D’autres possibilité de parrainages
Parrains Par Mille n’est pas la seule association en Ile-de-France à proposer des liens de parrainage avec des enfants en situation de fragilité. Il est également possible de parrainer un enfant de l’ASE via les associations Proxité, Un enfant, une famille, ou France Parrainages. Autant d’associations avec lesquelles le Département a noué une convention pour permettre à ses agent·e·s de dégager du temps dans le cadre du dispositif Agents solidaires.
*Le prénom a été changé
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