Paris 2024 joue les maîtres-nageurs en Seine-Saint-Denis
Durant ces deux mois d’été, le comité d’organisation des Jeux de Paris 2024 met à disposition 4 bassins éphémères à Clichy-sous-Bois, Villetaneuse, Bagnolet et Sevran pour apprendre à nager gratuitement à 2000 enfants de Seine-Saint-Denis. Une opération essentielle dans un département toujours marqué par un retard en matière de piscines. Reportage à Clichy-sous-Bois.
« C’est bien, tu t’en sors bien ! » Les encouragements d’Ana de Sousa Rosa, la maître nageuse et coordinatrice technique de la Fédération française de Natation, résonnent sur l’eau. A ses pieds, dix enfants font le tour de la rambarde du bassin temporaire construit par Paris 2024 dans le parc des sports Henri-Barbusse de Clichy-sous-Bois.
Parmi eux, certains ont visiblement déjà des notions, pour d’autres c’est un grand saut dans l’inconnu. Vinujan est de ceux-là : à 8 ans, ce n’est que la deuxième fois qu’il se baigne. Et même si les débuts, par des températures pas vraiment dignes du mois de juillet, ont été pénibles, le garçon avait retrouvé le sourire en fin de séance. « Au début, j’avais peur, mais après ç’a été. Demain, je reviendrai », promet-il.
« C’est vraiment une bonne initiative, juge aussi Sylvie, qui accompagne ce jour-là sa fille Elana, 7 ans. Ma fille n’a jamais eu peur de l’eau parce qu’on l’a emmenée assez tôt à la piscine, mais il y a quand même eu l’interruption du Covid. Donc c’est une bonne manière de les remettre au contact de l’eau. », estime cette habitante de Clichy.
Dans cette ville qui aura longtemps été dépourvue de piscine jusqu’à en obtenir une en 2016, (notamment grâce au Plan Piscines départemental), on a encore le souvenir des longues équipées en car ou en transports en commun que représentaient des sorties à la pistache dans les villes voisines. « On sait qu’il y a dans ce département un gros manque en matière de piscines. A tel point que les obligations des programmes scolaires ne sont pas toujours respectées : certaines écoles sont situées trop loin de certaines piscines, et le budget « car » n’est pas toujours extensible. Installer un bassin pour l’apprentissage dans une ville comme Clichy, c’est donc essentiel », se félicitait Olivier Klein, le maire de la ville.
2000 enfants concernés cet été
De début juillet à fin août, l’opération « Savoir Nager en Seine-Saint-Denis » entend ainsi s’adresser à environ 2000 enfants du département, âgés de 4 à 12 ans. Dans quatre villes - Clichy-sous-Bois, Villetaneuse, Bagnolet et Sevran - le Comité d’organisation de Paris 2024 (COJO) a installé avec l’Agence Nationale du Sport des bassins d’apprentissage, en concertation avec le Département. Pendant 10 jours, chaque groupe d’enfants - 10 maximum pour favoriser l’apprentissage - se voit proposer gratuitement une séance de 45 minutes, dispensée par un des 17 maîtres nageurs mis à disposition par la Fédération française de Natation. L’objectif : rattraper une partie du retard en matière de savoir-nager dans un département qui ne compte que 36 bassins pour 1,6 million d’habitants.
« On a souhaité mettre l’accent sur la Seine-Saint-Denis car ce département est l’un des plus carencés en France en matière d’équipements sportifs et plus particulièrement de piscines, expliquait ainsi Tony Estanguet, président du COJO. Or, le savoir-nager, c’est à la fois un enjeu de santé mais aussi de sécurité, car il faut à tout prix que tous les jeunes de France aient les réflexes nécessaires pour éviter tout risque de noyade. »
A ses côtés, le président du Département Stéphane Troussel rappelait lui la volonté de son institution de poursuivre ses efforts en matière de rattrapage de piscines : « En Seine-Saint-Denis, il serait incompréhensible qu’on accueille des champions olympiques, y compris en plongeon ou waterpolo (comme ce sera le cas en 2024 au Centre aquatique olympique de Saint-Denis, actuellement en cours de construction) et qu’on reste avec cette statistique accablante : moins d’un enfant sur deux sait nager à son entrée en sixième. Un tel dispositif, c’est justement un début de réponse. Mais on ne va pas s’arrêter là : au total, les Jeux laisseront 8 bassins neufs ou rénovés en Seine-Saint-Denis. C’est une démonstration de l’héritage concret de cette manifestation pour notre territoire », soulignait Stéphane Troussel.
Outre les cinq piscines devant accueillir des compétitions ou des entraînements en amont des Jeux (comme c’est le cas par exemple pour la nouvelle piscine de Marville, dont le Département est maître d’ouvrage), trois autres bassins « démontables » reviendront ainsi en Seine-Saint-Denis après avoir accueilli les épreuves de natation à La Défense.
Pendant ce temps, Mehdi, 6 ans, était sorti de l’eau, fier comme un pape. « Je savais déjà un peu nager la brasse, mais là, on apprend aussi à mettre la tête sous l’eau ! »
« Culture de l’eau »
« Au bout de ces 10 jours, on ne va pas dire qu’ils savent nager. Mais au moins, ils sauront se déplacer au bord, mettre la tête sous l’eau sans paniquer... », insistait Ana de Sousa Rosa, leur maître nageuse du jour. Le but de toute cette opération, c’est vraiment de leur inculquer une culture de l’eau et éventuellement de leur donner envie de se perfectionner dans des clubs. »
Exactement le chemin suivi par Malia Metella, vice championne olympique à Athènes en 2004 et marraine de la manifestation. « Au départ, c’est ma mère qui nous a mis, mes frères et moi, à la natation parce qu’elle avait été traumatisée par un épisode de son enfance où mon grand-père avait sauvé de justesse mon oncle de la noyade. Il ne faut pas attendre une catastrophe dans une famille pour se mettre à la natation », estimait la Guyanaise, avant d’ajouter : « Les Jeux doivent aussi être utiles pour les populations. Installer ces bassins d’apprentissage, c’est montrer que l’événement n’est pas réservé qu’à certaines personnes... ». Avoir Malia Metella comme prof de natation, c’est en tout cas une bon début dans les bassins…
Christophe Lehousse
Photos : ©Nicolas Moulard
A Clichy et Villetaneuse, les sessions ont commencé depuis le 5 juillet
A Bagnolet, elles débuteront le 19 juillet, à Sevran le 2 août.
– Des cours pour adultes gratuits sont aussi mis en place en matinée et en soirée.
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