Insertion

Parcours le monde : le voyage à portée de tous

L’association Parcours le monde organisait un café mobilité le 12 décembre dernier, en compagnie d’une trentaine de jeunes intéressés par un service volontaire européen. A travers l’expérience du voyage, l’association, soutenue par le Département, espère redonner confiance à des jeunes peu qualifiés et ainsi contribuer à leur insertion professionnelle. REPORTAGE

Une salle de réunion banale, dans un bâtiment administratif de la rue Delizy, à Pantin, en novembre. Dehors, le froid pique. Autour d’une table, sous les lumières jaunes, trois jeunes discutent du service volontaire européen (SVE) récent de l’un d’eux. Aristide n’est pas timide, il met les autres « à l’aise », comme il dit. « Tu vois, en Roumanie, j’étais la seule personne de couleur noire de mon groupe. Les gens se retournaient sur moi. Au début, ça me faisait un peu peur, mais en fait, les gens me donnaient beaucoup d’amour, j’étais comme une star. Désormais, je compte partir au Canada pendant un an en « permis vacances travail ». C’est un autre challenge, mais j’aime le challenge. Est-ce que j’ai peur de ne pas aimer ? Comment pourrais-je ne pas aimer, étant donné que c’est nouveau, et que j’aime tout ce qui est nouveau. Je me sens un peu comme Christophe Colomb », raconte le jeune homme, à demi-blagueur, aux deux autres jeunes.

A mesure qu’il continue son récit, la petite salle se remplit de jeunes gens venus participer au Café mobilité organisé par l’association Parcours le Monde. Les animatrices lancent ensuite un « Bingo ». Chacun doit poser à d’autres une liste de questions imprimées sur une feuille de papier : « As-tu déjà pris l’avion ? », « Es-tu déjà parti à l’étranger ? », etc. Les discussions se nouent. Yi, de Bagnolet, est un peu démotivé après un redoublement : il voudrait partir à l’étranger pour sortir de sa famille. Madi, lui, aimerait améliorer son anglais en partant en Angleterre ou sur l’île de Malte pour enchaîner, l’année prochaine, sur un bac pro Hôtellerie. Ouzna est titulaire d’un master RH et voudrait elle aussi améliorer son anglais avant de se lancer sur le marché du travail. « Partir serait un plus sur mon CV, et en plus me permettrait de m’enrichir humainement. Le SVE te paye le billet d’avion, le logement, la nourriture, et même l’argent de poche ! », s’exclame Hakim, qui a arrêté ses études après un BTS négociation relation client. Mais les stars du Café mobilité sont les jeunes qui reviennent tout juste de leur SVE.

Une épaule

Mélissa revient tout juste de Grèce. Partie pour monter des ateliers de handball pour les jeunes, elle a finalement fait de l’aide aux réfugiés. « J’ai kiffé : on avait une « mobile-school », un tableau roulant sur lequel on faisait l’école aux enfants un jour, un autre, on allait dans une clinique pour les réfugiés faire de l’animation. On a aussi aidé à construire une salle », raconte la jeune fille volubile. « Je n’ai qu’une envie, c’est de repartir : je veux mettre mon année à profit pour découvrir le monde, avant de reprendre mon DUT Carrières sociales », dit-elle encore. Au retour, Mélissa a eu quelques difficultés avec son avion. « Mais je n’ai pas eu peur, parce que je savais que les filles de Parcours le Monde étaient là pour nous. C’était une épaule sur laquelle on savait qu’on pouvait se reposer », remercie Mélissa devant la petite assemblée.

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Les autres « rentrants » témoignent. « En rentrant de Bulgarie, je me suis dit qu’on avait vraiment de la chance d’être en France. Vous n’allez pas le croire, mais mon lit me manquait. Je ne savais pas qu’en Bulgarie il pouvait y avoir des situations comme en Afrique. J’ai mesuré à quel point j’étais bien chez moi », assure Safiatou. Vivre dans un village rural lui a également permis de couper avec le tourbillon parisien, et l’a agréablement dépaysée. Aristide, de son côté, a apprécié la grande liberté qu’il avait en Roumanie : « J’étais riche, je pouvais me permettre des choses que je n’aurais jamais pu ici ! J’ai parlé anglais au maximum. La semaine, je préparais et animais des ateliers sur la nutrition et la santé le matin, et l’après-midi, je me baladais. C’est payé par l’Europe, alors ce serait bête de ne pas en profiter. Dans les autres pays, il n’y a pas autant d’aides qu’ici ». Mélissa conclut la causerie : « La vérité, c’est que quand tu reviens de là-bas, t’es bouleversé. »

Déblocage linguistique

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Dans la salle de réunion, tout le monde a chaud : malgré la température glaciale à l’extérieur, les fenêtres s’ouvrent pour laisser s’échapper l’énergie qui se dégage de cet échange. Pas besoin, pour l’association, de faire de la communication : les jeunes volontaires s’en chargent eux-mêmes. 65 personnes sont parties en SVE depuis que Séverine et Elise ont créé Parcours le Monde, en septembre 2016. Les deux jeunes femmes ont travaillé six mois de manière bénévole avant de trouver des fonds, notamment auprès du Conseil départemental, pour répondre à un problème : « Les jeunes des quartiers populaires pensent que le volontariat n’est pas fait pour eux, alors qu’il y a des programmes européens qui leur sont expressément destinés. Nous nous chargeons de faire le lien », résume Elise. Les quatre salariées et trois volontaires en service civique écument les missions locales pour informer les jeunes. Mais la plus-value de l’association consiste en l’accompagnement qu’elle propose. « Nous organisons surtout des SVE de deux mois, ce qui est bien pour un début. Un SVE ou un stage professionnel de 12 mois, c’est trop pour quelqu’un qui n’est jamais parti à l’étranger en autonomie. Nous prenons des rendez-vous individuels, nous organisons des stages de « déblocage linguistique », et même des voyages plus courts avant le SVE. Puis nous maintenons le lien pendant le voyage : en cas de problème, les jeunes savent que nous sommes là pour les aider, ce qui est très sécurisant. A leur retour, ils transmettent leur expérience aux autres, et nous essayons avec eux de transformer les expériences vécues en compétences, dans l’optique d’une insertion professionnelle », poursuit Elise.

Si l’insertion professionnelle est un des objectifs de l’association, ce que vise « Parcours le Monde » est plus grand : « Le volontariat a beaucoup compté dans ma propre vie. J’estime que c’est un prétexte à l’expérience, un outil de découverte de soi, un moment où l’on se structure », théorise la fondatrice de l’association. Pour démocratiser l’accès au voyage, l’association va bientôt se munir d’un volet supplémentaire pour former d’autres travailleurs associatifs aux dispositifs existants.

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