On ne rigole pas avec le hip-hop
Samedi 17 juin, une cinquantaine de jeunes amateurs de hip-hop s’affrontaient sur la scène de la MC93. Le plus sérieusement du monde, les danseurs se sont affrontés artistiquement en donnant le meilleur d’eux-mêmes, malgré une température caniculaire.
« 19 ans, et pas un cheveu blanc » lance le chauffeur de la salle de la MC93, à Bobigny. Un one-man-show ? Non, simplement l’élan pris pour lancer une cinquantaine de danseurs sur le tremplin de la 19e édition du festival Danse Hip Hop Tanz.
Samedi 17 juin, une quinzaine de groupes amateurs, de six à quarante ans, attend sagement son tour sur les gradins de la grande scène de théâtre. Seuls percent, de temps à autres, des « oueoueoueouai ! » ou de plus chauvins « Bobooooche ! », en guise d’encouragements. Certains portent seulement un ensemble jogging-t-shirt, plus pratique pour se mouvoir, quand d’autres arborent de magnifiques costumes de samouraï ou de belles chemises blanches et des chapeaux melon. Sur scène, passent tour à tour les New Generation et la Tinoschool, de Tremblay-en-France, les B All’Star et The Farmers, de Bobigny, les T2H Kids de Bondy, le très expressif duo des Noways, la Faction de Noisy-le-Grand, les So fly de Noisy-le-Grand... Tino, Kady ou Dorian : chaque groupe ou presque est conduit par un chorégraphe, le chef d’orchestre du spectacle.
Comme toutes les danses, le hip-hop demande une excellente maîtrise de son corps. Popping, locking, house, new style ou hype... Une savante alternance entre fluidité des gestes et saccades rythme les chorégraphies, dont l’intérêt réside aussi dans l’organisation des corps et leur communication entre eux. Le tout, sur une musique rythmée par de fortes basses, agrémentées de mélodies commerciales ou underground.
Les présentations de fin d’année des ateliers périscolaires classiques sont parfois brouillonnes, soit que l’activité ne soit pas prise au sérieux, soit que les enfants qui les suivent n’aient pas vraiment eu le choix. Ici, rien de tout ça. Si les adultes et les tout-petits semblent s’éclater, tout en gardant une incroyable qualité, les adolescents sont sérieux comme des papes, défendant pied à pied un élément de leur identité... parfois même au détriment de l’ambiance (déjà difficile à mettre au vu de la chaleur et du ramadan).
« Samedi, on était pas dans une fête de fin d’année. Pour les jeunes, il y a quelque chose d’intimidant à donner une représentation sur la scène de la MC93, dont ils entendent sans cesse parler comme une scène d’excellence. Ils s’engagent, défendent une démarche, des styles. Et puis il y a le côté tremplin : ils doivent eux-mêmes définir qui était le meilleur groupe, argumenter, exercer leur esprit critique... Il y a une forme d’émulation », explique Yacine Amblard, aux manettes du festival.
A la fin du concours, changement radical d’ambiance. Au hip-hop de la « street », viennent répondre le groupe professionnel Bandidas, expertes du « popping », avec leur show hyper-sensuel et sur une musique rétro. Une manière de nous ouvrir, public comme danseurs, sur d’autres types de pratiques du hip-hop.
A tout art correspond une critique de l’art : pour connaître le gagnant du concours, il faudra attendre une dizaine de jours, le temps que les groupes eux-mêmes statuent sur lequel fut le meilleur, et surtout, pourquoi.
Le festival Danse Hip Hop Tanz, bébé de Yacine Amblard
En 1997, Yacine Amblard fait partie de la bande des Balbyniens créateurs du festival XXL performance. Bien qu’il ne pratique pas lui-même, il est chargé de la programmation en danse de ce festival pluridisciplinaire. Ainsi, il est contacté par l’Institut Français de Berlin pour organiser un autre festival destiné à promouvoir les productions des compagnies françaises et allemandes : cela deviendra le Danse Hip Hop Tanz. Epatés par le spectacle, des responsables politiques français l’incitent à réitérer l’expérience, cette fois dans l’Hexagone. Il s’exécutera en ramenant ce festival sur « ses » terres, en Seine-Saint-Denis, en 1999. « Le festival consiste à montrer, à accompagner la jeune création professionnelle, en partenariat avec des lieux tels que le centre culturel Houdremont à La Courneuve, l’équipe culture d’Aubervilliers et de Pantin, la MC93, ou encore le centre des Malassis à Bagnolet. Mais nous sommes connus aussi pour lutter contre la dissociation entre la pratique professionnelle et la pratique amateur : on va chercher les gamins éloignés des pratiques culturelles, on les incite à travers des parcours, on valorise les ateliers amateurs, on les pousse à aiguiser leur regard critique... Pour moi, il est toujours nécessaire de défendre les conditions de création et l’accès aux espaces, pour les professionnels, comme pour les amateurs », poursuit l’associatif. Une mission qu’il poursuit grâce à sa compagnie Moov’n Aktion.
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