Noisy-le-Sec : une épicerie solidaire pour faire face à la crise

Noisy-le-Sec : une épicerie solidaire pour faire face à la crise
Aides alimentaires

Le Covid a révélé le déficit de structures d’aides alimentaires à Noisy-le-Sec. La ville y répond en ouvrant, en novembre prochain, une épicerie solidaire, point d’accès à l’alimentation, mais aussi aux droits et à la réinsertion. Un jalon pour repenser une autre organisation de notre système alimentaire.

Séquelles post-covid, guerre en Ukraine, relance budgétaire, dépréciation de l’euro, tous ces phénomènes concourent à une inflation record, jamais vue depuis les années 1980, à un niveau de 6,5%. Ni les salaires, ni les aides sociales ne suivent, et la pauvreté augmente. « On est toujours sur un plateau haut : nous avons aidé 69 000 personnes en 2020, puis 59 000 personnes en 2021, et ce sera sensiblement la même chose en 2022 à priori. C’est toujours deux fois plus qu’en 2019 », estime Philippe Portmann, président du Secours Populaire en Seine-Saint-Denis. « Pour l’instant, on est plutôt confrontés aux demandes en terme d’accès à la nourriture, mais les problèmes liés à l’accès à l’énergie ne vont pas tarder à venir  », s’inquiète-t-il. Le Département répond à ce problème de manière directe, en gelant le prix des cantines scolaires par exemple, ou à plus long terme, en soutenant par exemple des épicerie solidaires, comme celle qui ouvrira en novembre à Noisy-le-Sec, de manière à ce que les personnes les plus paupérisées puissent avoir accès à une alimentation de qualité.

L’épicerie des droits

Les travaux vont donc bon train, au 51 rue de Brément, sur la départementale 116 qui traverse la ville, pour que l’épicerie solidaire puisse ouvrir ses portes dès novembre, dans ce pied d’immeuble de 240 m2 prêté par le bailleur social I3F. Les rayons de la grande salle y seront garnis de produits alimentaires et d’hygiène de qualité, pour laisser place, de temps à autre à des « Pop-up store » solidaires proposant à la vente vêtements, vaisselle, jouets, etc.

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Mais plus qu’un simple magasin, l’épicerie solidaire se veut un point d’accès aux droits, visant à aider ses bénéficiaires de se réinsérer. « L’épicerie pourra subvenir aux besoins de 50 foyers par mois, qui y auront chacune accès pendant six mois. Les familles visées sont celles qui ont entre 4 et 9 euros de reste à vivre journalier. Pour y accéder, elles doivent s’engager à réaliser un projet, qu’il s’agisse de soins, de diminution de leur endettement, d’apprentissage, de compétence professionnelle », détaille Hélène Clémente, grande ordonnatrice du projet et chargée de mission pour le CCAS de la Ville, qui porte le projet. Ainsi, un salarié et des bénévoles gèreront l’épicerie, tandis que des bureaux seront installés pour accueillir un conseiller en insertion professionnelle, une psychologue et une assistante sociale.

Mobilisation d’un large réseau d’acteurs

Des lieux d’activité seront également aménagés dans le local pour accueillir les partenariats. Trois associations- Entraide à tous, En toutes lettres et Noisy Envie Solidarité, devront mener des ateliers d’alphabétisation et de progrès en langue française, tandis qu’Emmaüs Connect et la Grande Ourcq apporteront une aide aux personnes ayant des difficultés avec le numérique. De leur côté, la Contremarque, une association d’insertion psycho-sociale, et le centre médical de santé municipal apporteront un soutien psychologique à ceux qui en ont besoin. « Nous allons aussi inviter de manière ponctuelle des associations à animer des ateliers culinaires dans les deux cuisines que compte l’épicerie, comme Meet My Mamma ou la Ferme des possibles », assure Hélène Clémente. Le bon fonctionnement de l’ensemble reposera également sur le dévouement d’un réseau de bénévoles. « Une vingtaine de personnes sont déjà mobilisées en amont de l’ouverture », poursuit-elle.

Le projet est également le produit du financement et de la mobilisation d’un large panel d’acteurs institutionnels et associatifs du secteur. « En 2021, le Département a été labellisé « Plan alimentation territoriale », ce qui nous a permis de soutenir des projets comme celui de l’épicerie de Noisy-le-Sec pour obtenir des subventions liées au plan France Relance 2022 », explique Romain Dhainaut, chargé au Département de travailler sur le Plan alimentaire territorial. Ainsi, l’appui de la Seine-Saint-Denis fut décisif pour obtenir une subvention de 80 000 euros par ce biais. « Notre objectif est de rendre accessible une alimentation de qualité pour l’ensemble de la population, en intervenant à chaque maillon de la chaîne. Sur la production, la formation, la consommation, la gestion des déchets… Et sous différents aspects, en soutenant les exploitants, en lançant des réflexions sur l’évolution des métiers de la restauration collective, en revenant au travail sur les produits bruts et de saison, les marchés d’approvisionnement etc. », poursuit-il. La Région finance quant à elle un tiers du projet, d’autres fonds proviennent de la Préfecture, par le biais du financement de la Politique de la ville. Des acteurs associatifs sont aussi venus étayer le projet : Excellents excédents, une association qui récupère les excédents de la restauration scolaire pour les redistribuer ensuite, a aidé financièrement le projet, le réseau Andes, filiale du groupe SOS, lui a fourni un accompagnement technique, et l’association Aurore a réalisé son étude de faisabilité.

Fondée dans la foulée du Covid, l’épicerie solidaire de Noisy veut relever les défis posés par de nouvelles coordonnées de la situation. « Notre aide est un complément des aides d’urgences distribuées par le CCAS sous forme de chèques. La distribution de colis gratuits et déjà ficelés ne correspond plus aux attentes des personnes qui en ont besoin. Avec la pauvreté qui croît, les bénéficiaires changent de physionomie, et leur proposer une aide sous forme d’épicerie permet de mieux répondre aux problématiques d’accès à l’alimentation et autres denrées », explique Hélène Clémente.

Le cheminement d’une passionnée de l’alimentation

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L’épicerie est le produit d’une mobilisation collective, mais aussi d’un certain zèle individuel. Le Covid fut un moment fondateur pour cette militante écologiste et noiséenne depuis un quart de siècle. « On s’est tous posé de nouvelles questions. Comment faire pour que ceux qui avaient le moins de moyens puissent accéder à une alimentation de qualité ? Comment sécuriser l’approvisionnement en denrées alimentaires ? Comment faire pour que des producteurs reviennent sur nos territoires- Noisy ayant été une terre maraîchère jusque dans les années 60 ? Il faut repenser l’organisation pour donner accès à une alimentation de qualité dans un contexte de crise durable, entre la rareté de l’eau, la sécheresse etc. Pour moi, la question de l’alimentation permettait de toucher à des problématiques très diverses : la précarité, l’écologie, la culture, le lien social… », se souvient celle qui participe à l’époque à des maraudes organisées par AC le Feu. Ce coup de tocsin révèle le déficit de Noisy-le-Sec en terme de structures dédiées à l’aide alimentaire.

Elle se met alors en tête de créer « Les Comptoirs de l’Est », une coopérative d’alimentation bio tenue par les consommateurs eux-mêmes, et se fait pour cela accompagner par un programme d’aide aux femmes des quartiers organisé par l’école de commerce HEC. « Lorsqu’on a fait l’étude de marché, on s’est rendu compte que la demande n’était pas assez développée à Noisy-le-Sec pour qu’un tel projet tienne le coup », se souvient Hélène Clémente. En mars 2021, elle trouve un autre endroit pour faire bouger les lignes : le Syndicat intercommunal de production et de livraison alimentaire de repas collectifs (SIPLARC), où sont préparés les 10 000 repas quotidiens des enfants de Bondy et Noisy-le-Sec. «  Nous avons lancé des chantiers pour établir des partenariats avec les filières bio de la région, investi dans une légumerie permettant de cuisiner des légumes sur place, et non seulement de les recevoir déjà préparés, ainsi nous avons végétalisé les assiettes et mis au point des repas plus équilibrés. Nous avons aussi pris le chemin de l’abandon du tout plastique », énonce la passionnée d’alimentation. L’épicerie solidaire est la dernière étape en date de ce chemin, qui sait ce que sera la prochaine !

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