Mounib BA, déjà 10 ans de cinéma

Mounib BA, déjà 10 ans de cinéma
Cinéma

A 23 ans, le Courneuvien Mounib BA a remporté le concours Urban Shaker de la fondation L’Oréal. Issu de la 1ère promotion de l’école Kourtrajmé, il rêve de passer au long. France télévision vient de lui acheter deux courts-métrages. Interview.


Racontez-nous vos débuts…

Je découvre le logiciel de montage à 12 ans, ici dans cette résidence (ndr aux 4000 à La Courneuve). Un ami à moi voulait faire un cadeau d’anniversaire pour sa mère. Je vais sur YouTube, j’en télécharge un gratuit. On fait un montage avec des petits bruits, des petits cœurs. Et là, dès le lendemain j’ai eu envie de faire un petit film. On prend la caméra de sa mère et on le fait. Ce court-métrage est encore diffusé sur YouTube. Ça me fait rire.

Vous tournez beaucoup à cette époque ?

Je découvre la passion de faire des images, le pur plaisir de tourner. Avec l’un de mes courts-métrages, je gagne même un petit concours à La Courneuve.

Et côté études ?
Après un bac ES, je suis pris à 17 ans au BTS audiovisuel montage & post-production à l’INA. Sur 500 candidats au départ, on est plus que 12 à la fin. Je commence le BTS en alternance chez Iconoclast. Un mois de travail. Un mois d’école. Cela me permet de rencontrer plein de professionnel·le·s du cinéma et de travailler sur la post-production de pubs comme Dior, Yves-Saint-Laurent… Il y avait des artistes, des réalisateurs, des monteurs… étant assez sociable, j’arrive à me faire de bons contacts.

Pendant votre BTS, est-ce que vous tournez ?
Oui, j’ai réalisé mon premier court-métrage Hard-life, une fiction de 12 minutes, en louant gratuitement le matériel de l’école. On l’a fait ici à côté. Mon beau-frère m’a prêté le local de l’association. Mes parents m’ont apporté des petites courses pour faire la table de régie. Ma petite sœur m’a aidé. Mon pote Isma Kébé, qui habite juste ici, en était le comédien principal.

C’était un film de fin d’année ?
Non, pas du tout, c’était un film personnel qu’on projette au cinéma de La Courneuve, à l’Etoile. On arrive à réunir, avec mon pote Isma, pas mal de monde. La salle du cinéma est plus que remplie. Ça nous booste énormément. On a 18 ans et tout le quartier est venu nous soutenir. Ça nous donne confiance pour nous lancer dans ce milieu qui produit autant d’échec que de réussite. Mon court-métrage est récompensé au festival The Review à Rennes dans la catégorie Meilleur scénario. Vous pouvez le voir sur Viméo.

Après ce BTS, vous intégrez l’école Kourtrajmé basée à Montfermeil…
Diplômé de mon BTS à 19 ans, j’intègre la première promotion de Kourtrajmé avec Ladj Ly. En 2019, avec le film Les Misérables, il y a tout le succès qui suit, tous les partenaires qui veulent travailler avec Kourtrajmé.

Comment décririez-vous vos débuts à Kourtrajmé ?

On était une classe de 10 élèves en réalisation, déterminés à faire du cinéma. On n’attendait rien de personnes. Ce qu’on voulait, c’était juste raconter des histoires et faire nos films. Jusqu’à aujourd’hui, on est encore très soudé.

Le film Les Misérables est sélectionné à Cannes, et vous y allez…
On y va à 6-7, on réussit à louer un J9, à trouver une maison. On rencontre pas mal de personnes. On monte les marches. Le petit smoking. Le nœud papillon. C’est un monde difficile mais tu te dis « quand même ». Je gagne la confiance de Ladj. On m’appelle sur plein de projets, avec Toumani Sangaré au Sénégal, au Mali, en Turquie, en Allemagne, aux États-Unis dans les studios d’Hollywood. Je suis amené à voyager pour le travail. Je passe sur le tournage de Romain Gavras. J’ai beaucoup bossé avec JR. j’ai fait des aller-retour 4, 5 fois à la frontière polonaise. Je suis parti en Italie avec lui sur un projet. J’apprends beaucoup. Je suis conscient de la chance que j’ai car vivre d’un métier artistique, ce n’est pas donné à tout le monde. Et moi, depuis le BTS, j’en vis. Je n’ai fait que ça comme métier.

Vous êtes intermittent du spectacle, n’est-ce pas ?

J’ai validé mon statut pour la troisième année.

Avec « Sauve-moi Morphée », vous vous faites remarquer au Nikon film Festival…
Pour le prix du public, on est arrivé 32ème sur 1605 films. C’est la première fois que j’utilise l’humour noir, satyrique. C’est un peu venu naturellement. Je n’ai pas de client ni de prod sur ce projet, il n’y a personne pour m’empêcher de tester mes idées. On a tourné toute une nuit dans le gymnase Guy-Moquet à La Courneuve. Ma petite sœur a même tourné un petit making-off. J’ai passé mon meilleur tournage. C’était que du kiff. Malgré la pression, la lumière du jour qui va arriver, les comédiens fatigués, l’absence de budget… j’ai passé vraiment un moment inoubliable.

Vous faites partie des lauréats Brut X au Nikon film Festival…
Le résultat du film est plutôt bien. Comme on a fait tout ça par amour et par passion, le résultat suit. On est projeté au Grand Rex devant 2 500 personnes avec dans le jury Gilles Lellouche qui nous fait une petite dédicace à Kourtrajmé. On est là avec toute l’équipe, mes proches…

… et avec Lola sang contact, vous gagnez le concours Urban Shaker
Au-delà d’avoir gagné ce concours, c’était pour moi une réussite d’avoir fait ce projet sur un tel sujet, d’avoir eu la liberté de m’exprimer sur les violences faites aux femmes à ma façon et sans aucune contrainte. On vit dans une société où il y a certaines inégalités, certaines violences, certaines choses qui ne nous plaisent pas. Alors utiliser le pouvoir du cinéma pour pouvoir communiquer, pour pouvoir dire ce que je ressens et ce que j’ai envie de voir changer en essayant d’être le plus sincère et le plus juste. Je savais quand j’ai terminé le tournage que j’avais déjà gagné ça.

Vous vous sentez utile ?
Je suis passionné depuis tout jeune. Au début, je faisais ça pour le kiff. Je faisais des belles images mais plus j’avance, plus je grandis. J’ai l’impression que le 7ème art, c’est la politique que les gens apprécient. Même si on donne toujours une direction, on ne donne pas de morale, tu la fais toi-même.

Justement, où avez-vous trouvé l’inspiration ?

Avant de me lancer sur un sujet, j’aime bien me renseigner. Si je pense avoir des notions, c’est toujours bien de se documenter. Je passe toute une nuit à lire tous les articles, à aller sur tous les sites qui abordent les violences conjugales et sexistes. Plein de choses m’interpellent. Je vois mon coscénariste, Jean Gaspa, que j’ai rencontré à l’école Kourtrajmé. Je lui pitche rapidement l’idée. Il me donne son avis… J’écris une première ébauche du scénario. J’ai conscience de ce que j’écris. C’est un sujet où il ne faut rigoler. J’affine les dialogues car avec l’humour noir, tu peux vite basculer à gauche ou à droite. Du coup pour avoir plusieurs avis, je le montre à des copines, et à aussi à des copains. La première promotion de l’école, on est très soudé. J’en parle avec Kourtrajmeuf, c’est un collectif de réalisatrices dont je suis très proche. Tout le monde me fait ses retours. Dans la voiture chacune me raconte des anecdotes. Elles me disent qu’il y a des violences conjugales physiques, psychologiques, d’autre financières au niveau de la maitrise de l’argent. C’est divers, c’est varié. C’est pour cela que le personnage principal de Lola, est entourée de nanas qui ont chacune leurs propres expériences des violences conjugales. L’idée était d’avoir différents cas de figure pour permettre à chacun de s’identifier en fonction de ce qu’elle a vécu.

Votre film marche parce qu’il est très précis. C’est une fiction qui sent le vécu… Comment se passe le tournage ?
On tourne toute la nuit dans un restaurant d’un ami à moi. On a commencé à tourner à 18h pour finir la journée le lendemain matin à 10h. Les comédiens étaient top, l’équipe était top, l’ambiance était nickel.

« Sauve-moi Morphée » et « Lola sang contact » viennent d’être achetés par France-Télévision. Combien de temps et d’argent, vous a-t-il fallu pour les réaliser ?
Pour le concours Urban Shaker, j’avais 2 semaines devant moi, mais plus d’énergie, même pas d’idée juste l’envie d’y participer. Tout de suite, je me suis mis une déter. Et dès l’écriture, j’ai pensé à comment produire le film pour pouvoir gagner du temps. J’ai autoproduit ces deux court-métrages. Sauve-moi Morphée m’a coûté 260 euros et Lola sang contact , 1000 euros.

Vos films vous ressemblent-ils ?
Je suis quelqu’un d’assez joyeux, de dynamique. J’aime bien bouger. J’aimerai que mes films me ressemblent avec de la comédie, des sujets intéressants, sans oublier le divertissement

De quoi rêvez-vous aujourd’hui ?
De me lancer dans le long métrage. Avec ma prod de Lyly Films, on a discuté du plan d’attaque pour cette année : Quels sont les meilleurs choix à faire ? comment je vais m’y prendre ? de quoi j’ai envie de parler ? Avec qui j’ai envie de collaborer ? On a fait un petit point annuel. J’espère que la prochaine projection que j’aurai, ce sera un long métrage. T’auras ton invitation dans la boîte aux lettres.

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