Hommage

Montreuil lance un prix Tignous, pour dire non à la haine

Deux ans après l’attentat du 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo qui a notamment tué Tignous, dessinateur de Montreuil, sa veuve Chloé Verlhac et la ville ont décidé de lancer un prix-hommage. Vendredi, sa mémoire a été évoquée avec émotion et chaleur au cinéma Le Méliès.

« Tignous n’avait pas seulement du style, mais aussi un coeur énorme. Il était étranger à cette société de cour ou de connivence dans laquelle nous baignons tous plus ou moins. Son engagement pour les oubliés, les cabossés de la vie était total, têtu et teigneux. »

Joseph Macé-Scaron n’a pas de crayon en main, mais il dresse ce vendredi soir un assez beau portrait de Tignous. L’éditorialiste de Marianne, hebdomadaire où Tignous aura travaillé pendant une bonne quinzaine d’années, est encore saisi par l’effroi et l’émotion quand il évoque ce 7 janvier 2015 où la barbarie a assassiné 5 des meilleurs caricaturistes de notre époque en même temps que 12 autres personnes.
A ses côtés, la veuve de Tignous, Chloé Verlhac, redit à une salle d’une centaine de personnes tout l’amour que le dessinateur avait pour Montreuil, sa ville de coeur, où il a vécu 30 ans.

Deux ans après l’attentat à Charlie Hebdo, la municipalité et l’entourage de Tignous ont donc souhaité lancer un prix à sa mémoire qui récompensera le meilleur dessin politique paru en 2016 dans la presse francophone. Une bourse de 1000 euros sera par ailleurs attribuée à un jeune artiste montreuillois qui aura concouru sur le thème d’ « Arts et cultures en liberté ».
« Pour moi, ce prix, c’est la continuation du regard de Tignous, à la fois tendre et incisif, a expliqué Chloé Verlhac au public. Et de détailler la composition du jury : « Nous y avons mis des dessinateurs qui aimaient travailler avec lui. Par exemple, il y a Pascal Gros qui a bossé littéralement côte à côte avec Tignous à Marianne pendant 15 ans. Pascal est droitier mais s’était installé à gauche et Tignous était gaucher mais son bureau était à droite. En toute logique, ils auraient dû se gêner, eh bien ce fut tout le contraire. »

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Présent à l’hommage, Pascal Gros ne pouvait qu’abonder dans le même sens. « J’ai énormément appris avec lui. Mais pas comme on apprend dans un amphi avec un prof. Non, c’était plus diffus, par osmose, par mimétisme. Le fait d’être aux côtés d’un dessinateur comme lui ou d’autres, ça motivait, ça donnait envie de se défoncer. »

Autre de ses pupilles, Camille Besse, désormais dessinatrice confirmée pour L’Humanité ou encore Causette, retenait elle aussi ce mélange d’empathie et d’exigence bienveillante qui caractérisait le dessinateur montreuillois. « C’est avec Tignous que j’ai commencé à Charlie. C’était un très bon professeur parce qu’il savait dire quand ça n’allait pas, et ça arrivait souvent. Mais c’était quelqu’un de tellement bienveillant qu’il pouvait te détruire ton boulot et tu ressortais quand même de son bureau avec le sourire. Tout simplement parce qu’il savait dire les choses avec intelligence et de manière constructive. »

Pascal Gros, Camille Besse, mais aussi Catherine Meurisse ou encore Faujour, ce sont donc des amis et continuateurs de Tignous qui attribueront au printemps 2017, aux côtés de personnalités de la ville de Montreuil, le premier prix à sa mémoire. Une récompense matérialisée par une statuette à l’effigie d’un personnage qu’il dessinait souvent, baptisé par Chloé Verlhac « le bonhomme au gros nez ». « Il me disait : « On dessine toujours ce qu’on a au fond de soi et au fond de moi, je suis un bonhomme à gros nez. »

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Yeux embués, rage rentrée. Dans cette ambiance émouvante, « Pandas dans la brume », le dessin animé créé par Thierry Garance et Juan Rodriguez à partir d’une BD de Tignous venait opportunément rappeler que le meilleur hommage à un humoriste comme lui était encore de se payer un bon moment de rire. « Tignous, c’était un mec pugnace, à la fois dans ses dessins et dans ses idées. C’était quelque chose qu’il revendiquait », se souvient Juan Rodriguez, qui aura croisé pour la première fois la « petite teigne » il y a 30 ans, chez Casus Belli, un magazine de jeu de rôles. Et en même temps, c’était une crème, je ne connais personne qui ne l’aimait pas. »
Et à voir cette clique de pandas farceurs à l’écran, en voie de disparition au milieu des bambous, on ne pouvait s’empêcher de faire le parallèle avec cette bande de joyeux déconneurs qu’étaient Charb, Cabu, Wolinski, Honoré, Tignous et les autres.

Les modalités du Prix Tignous :
Pour le prix du meilleur dessin de presse francophone :
Être âgé de plus de 18 ans et avoir vu son dessin publié dans la presse francophone entre le 6 janvier 2016 et 7 janvier 2017. Les envois sont à adresser au 116, centre d’art contemporain de Montreuil entre le 1er février et le 30 avril 2017. Le vainqueur remportera une statuette réalisée par Thierry Garance à partir d’un dessin de Tignous et verra son dessin publié dans l’hebdomadaire Marianne.
Pour la bourse de 1000 euros remise à un jeune artiste de Montreuil :
Etre âgé entre 18 et 25 ans, résider à Montreuil et avoir réalisé une œuvre d’art sur le thème « Arts et cultures en liberté » . Le concours est ouvert jusqu’au 31 mars. Le vainqueur sera exposé au 116.

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