« Même si je suis loin du 93, je ne pouvais pas rester sans rien faire pour mon département... »
Sur les parquets internationaux, l’ailière des Bleues Diandra Tchatchouang porte haut et avec conviction le numéro 93. Privée de jeu et confinée dans l’Hérault où elle évolue sous les couleurs de Lattes-Montpellier, la basketteuse a coordonné à distance l’opération « A vos masques citoyens », mouvement de fabrication bénévole de protections pour les habitants de sa ville de La Courneuve. Une action qu’elle souhaite étendre à toute la Seine-Saint-Denis. Entretien.
Depuis la mi-avril, vous avez lancé l’opération « A vos masques citoyens » dans votre ville de La Courneuve, est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi cela consiste ?
Même si j’ai dû rester à Montpellier pour le confinement, je ne me voyais pas ne rien faire pour ma ville, La Courneuve, pendant cette crise du coronavirus. J’ai donc d’abord pensé à organiser une vente aux enchères d’objets appartenant à des sportifs du 93, mais c’était un peu long à mettre en place, le temps de contacter tout le monde, de faire la vente... Alors, je me suis tournée vers les élus de La Courneuve qui m’ont mis en contact avec l’association Impulsion 75 -lire notre encadré- et avec eux, on est très vite partis sur l’idée de fabriquer des masques maison. Au début, on voulait fournir des kits de fabrication pour que les habitants assemblent leurs masques chez eux. Et puis, je me suis dit que tout le monde ne sait pas forcément coudre et qu’il y avait un risque pour la santé à fabriquer des masques qui vont se défaire au bout de deux jours.
D’où l’idée de mobiliser votre « réseau » courneuvien...
Effectivement... J’ai quelques connaissances dans le milieu de la couture à La Courneuve qui sont actifs dans la zone industrielle toute proche d’Aubervilliers : eux ont contacté d’autres connaissances et c’est comme ça qu’est né cet élan « A vos masques citoyens. » Ensuite, on a obtenu les autorisations de la ville de La Courneuve puis de la Préfecture de la Seine-Saint-Denis pour mettre en place la fabrication des masques dans un atelier où sont respectées toutes les conditions de sécurité sanitaire.
L’objectif, c’est maintenant de produire 2 000 masques par semaine et d’élargir le mouvement à toute la Seine-Saint-Denis ?
C’est ça, sachant qu’on est vraiment lancés depuis le 16 avril et qu’il faut maintenant activer la logistique pour distribuer les masques aux habitants de La Courneuve. C’est toute une organisation qui se met en place aussi pour amener du tissu prédécoupé à des couturiers et couturières qui travaillent à domicile pour nous donner un coup de main. Et moi, à distance depuis Montpellier, je m’active au téléphone pour faire fonctionner cette chaîne de solidarité. On avance progressivement, mais maintenant qu’on a obtenu des autorisations administratives pour fabriquer ces masques, on veut effectivement étendre le mouvement à un maximum de villes du 93.
Et vous comptez aussi sur d’autres sportifs de Seine-Saint-Denis pour prendre votre relais ?
Oui, les sportifs, comme les personnalités qui ont des liens avec le 93, mais aussi n’importe quel habitant ou habitante du département qui a envie d’agir. Je les encourage à contacter leurs élus et à élargir notre mouvement pour agrandir le cercle de la mobilisation et protéger un maximum de personnes. Nous, à notre échelle avec Impulsion 75, et étant donné la violence de la crise qui touche la Seine-Saint-Denis, on a vraiment envie que notre action prenne de l’ampleur. Mais, c’est vrai que le monde du sport a un rôle important à jouer, non seulement les sportifs de haut niveau qui peuvent donner de la voix mais aussi les clubs qui ont l’habitude de se mobiliser bénévolement. D’ailleurs, moi je m’appuie beaucoup sur mon premier club, le Basket Club Courneuvien, avec lequel je n’ai jamais rompu le lien.
Vous qui portez le numéro 93 sur les terrains de basket pour défendre l’image de ce département, l’ampleur de la crise sanitaire en Seine-Saint-Denis ne vous a, malheureusement, pas surprise ?
Les raisons, on les connait : la Seine-Saint-Denis est le département le plus pauvre de France et beaucoup de ses habitants sont en première ligne au contact du virus en allant travailler tous les jours... C’est pour ça que de mon côté, je ne pouvais pas ne pas lever le petit doigt pour ce territoire auquel je reste attachée et où vivent mes parents. J’ai quelques proches aussi qui ont été touchés par le coronavirus, eux s’en sont sortis, mais le virus a emporté trop de monde en Seine-Saint-Denis et ailleurs pour rester insensible à ce qui se passe en ce moment.
Sur les réseaux sociaux, vous êtes aussi active au côté de Paris 2024 pour animer des sessions de coaching sportif ?
C’est vrai, je propose un exercice que tout le monde peut réaliser à la maison, sans matériel particulier, avec des variantes en fonction du niveau des personnes qui veulent s’y mettre. Moi, comme j’ai été souvent blessée au genou, je propose des fentes avant qui renforcent les muscles ischio-jambiers. Les gens n’ont qu’à reproduire ce que je fais, même si j’incite celles et ceux qui se remettent au sport à l’occasion de ce confinement à s’y remettre progressivement et intelligemment.
Justement, quel conseil basique donneriez-vous pour une bonne pratique de l’activité physique en mode confinement ?
Faîtes attention à tout ce qui circule sur les réseaux sociaux et aux gens qui s’improvisent coach l’espace d’une vidéo sans être habilités à le faire. Inutile de prendre des risques supplémentaires, les médecins et les soignants ont déjà assez de travail avec le coronavirus.
L’après-crise du coronavirus, vous l’imaginez comment sur les terrains de sport ? Avec moins d’effusions, moins de partage, toutes ces images de communion humaine qui font aussi le sport ?
Personnellement, je ne peux pas concevoir autrement le sport que dans le partage et la célébration avec mes coéquipières. Donc, quand le basket reprendra -la saison hexagonale a été définitivement arrêtée le 10 avril. NDLR- je rejouerai avec la même passion.
Toujours sur ce volet de l’après-coronavirus, est-ce que le monde du sport doit aussi remettre les choses à plat ? Faire en sorte de revoir les calendriers dont on dénonce régulièrement la surcharge, mais sans rien changer finalement ?
Le problème du basket, c’est que nous joueuses ne sommes pas décideuses. Avec le report des JO de Tokyo en 2021, on devra par exemple enchaîner le Championnat d’Europe (17 au 27 juin) et les Jeux derrière à partir du 23 juillet, tout en sortant de notre saison en club. Et, là-dessus, on n’a vraiment pas eu notre mot à dire. C’est dommage parce qu’on fait évidemment partie des principales actrices des grands évènements sportifs internationaux. Alors, oui, clairement, c’est quelque chose qu’il faudrait changer à l’avenir...
Créée en 2008, l’association Impulsion 75 est un organisme de formation dont le projet associatif est axé sur l’accompagnement des jeunes sportives et sportifs -de 18 à 30 ans- en quête de la réalisation d’un projet professionnel. Pendant la crise du Covid-19, en partenariat avec d’autres associations comme Au-delà des murs à Bobigny, Impulsion 75 dont le président d’honneur est Ghani Yalouz, ex-médaillé olympique de lutte et directeur général de l’Insep, mobilise la communauté sportive tous azimuts contre le coronavirus : aussi bien en initiant un appel aux dons pour les soignant·e·s qu’en portant l’opération « A vos masques citoyens » à La Courneuve.
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