Lucas Jametal-Tahu Lufuanitu, enfants de la balle
Membres du dispositif départemental Génération 2024, ces deux espoirs du Tremblay Handball espèrent prochainement rejoindre le centre de formation du club et participer à terme aux Jeux olympiques 2024 qui se dérouleront en grande partie en Seine-Saint-Denis.
Depuis l’étage du Palais des Sports de Tremblay, on voit la longue silhouette de Lucas et celle plus musculeuse de Tahu rejoindre le parquet du Tremblay Handball. Comme tous les vendredis soirs, les deux jeunes gens arrivent d’Eaubonne (Val d’Oise) pour s’entraîner avec leur club. Eaubonne, c’est là que se trouve le Pôle espoirs où ces deux handballeurs originaires de Seine-Saint-Denis répètent leurs gammes, autant sur un plan handball que scolairement.
Avec la vie qu’ils mènent, faite d’efforts et de déplacements, Lucas Jametal, 18 ans, et Tahu Lufuanitu, 17 ans, n’ont pas franchement le temps de s’ennuyer. « Le vendredi, c’est un peu spécial parce qu’on s’entraîne avec notre club, soulignent-ils. Sinon le reste de la semaine, c’est école, muscu, entraînement. A la fin de la journée, on est bien cuits ». Un long exercice d’équilibre entre parcours sportif et projet d’études. Lucas est actuellement en terminale CAP vente à Eaubonne, Tahu en première STMG au lycée d’Enghien. Conformément aux exigences de la formation, ils ne négligent pas leur cursus scolaire. Mais leur véritable rêve a une autre forme : il est rond comme un ballon de hand.
« Mon rêve ultime, c’est l’équipe de France seniors et passer pro, mais à plus court terme, je veux obtenir ma place pour l’Euro U19 en juillet (la France est championne en titre, ndlr) », affirme Lucas de sa voix posée. « Moi, avec mon entraîneur Stéphane Imbratta, on est en train de voir si je pourrais entrer en avance au centre de formation du club », détaille Tahu avec un sourire modeste. Les deux sont des précoces en termes de hand : ils participent ainsi régulièrement aux matches de la réserve, évoluant en N2.
Lucas, arrière gauche, c’est un bras et un regard qui va vite, aussi vite qu’il est doux. « Mes modèles, c’est Nikola Karabatic et Dika Mem, l’un pour sa vision du jeu et l’autre pour ses tirs de loin. Et aussi parce qu’il est passé par le club de Tremblay et le pôle d’Eaubonne, ce qui me prouve que c’est possible », explique le jeune homme, pur produit de la formation tremblaysienne où il a débuté à 12 ans.
Tahu, lui, c’est l’ailier efficace mais capable du grain de folie qui peut faire la différence. « Moi, les joueurs que j’aime bien, c’est des joueurs dans lesquels je me retrouve : je suis un peu fou, je tente des trucs qu’il ne faut pas tenter », murmure l’intéressé avec le sourire gêné de l’élève pris en faute. Ses modèles à lui s’appellent Luc Abalo et l’international allemand Tobias Reichmann.
Souvent fourrés ensemble malgré leur an d’écart, ces deux-là vont aussi se retrouver en équipe de France puisqu’ils viennent d’être sélectionnés en équipe de France U19 pour un stage international au Danemark en avril. Les Bleus, avec qui ils ont d’ailleurs remporté le tournoi international Pierre Tiby en octobre dernier, ils en parlent avec émotion. « Ma première sélection, c’était il y a 2 ans. Je pense que je m’en souviendrai toute ma vie. J’étais heureux que l’on me donne cette chance et je l’ai montré sur le terrain », dit Lucas comme s’il parlait d’un cadeau de Noël. Pour Tahu, c’est la sincérité qui l’emporte : « Franchement, j’étais avant tout surpris parce que j’ai d’abord eu du mal à m’adapter à la vie du Pôle espoirs. Et puis, finalement, j’ai quand même été pris. », souffle celui qui a de son côté commencé le hand à Livry-Gargan avant de venir à Tremblay en 2014.
Même s’ils savent qu’ils sont dans le bon wagon, ces deux-là ne se laissent pas du tout griser. Conscients du chemin qu’il leur reste à parcourir, de ce qu’ils doivent aux autres aussi. Leur intégration dans le dispositif Génération 2024, lancé par le Département pour venir en aide à des espoirs sportifs susceptibles de briller aux Jeux d’ici 6 ans, ils l’ont ainsi prise comme un honneur. Mais aussi comme une manière de remercier leurs proches. « Ce dispositif, c’est une marque de reconnaissance pour moi, mais aussi pour ma mère. Ca la soulage un peu, elle qui a beaucoup fait jusque-là », explique Tahu en faisant référence aux 3000 euros versés par le Département pour chacun des 20 sportifs de Génération 2024. Même réponse de la part de Lucas : « Nos parents, ça les apaise un peu. Pour moi, c’est une manière de leur renvoyer l’ascenseur. »
Et les Jeux 2024 alors, s’y voient-ils déjà, dans leurs rêves les plus fous ? « Très franchement, non, pas encore, il y a trop d’étapes avant ça », répondent-ils en choeur. Rimbaud, décidément, connaissait mal le hand quand il écrivait : « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans »… « Par contre, je pense que c’est une grande chance pour la Seine-Saint-Denis », enchaîne Lucas le Sevranais. Normalement, ça devrait développer les transports, avec le Grand Paris Express, et même créer des emplois, donc ce sera forcément bénéfique. »
A quoi Tahu rajoute l’amélioration d’image qu’il espère voir advenir grâce aux Jeux. « La Seine-Saint-Denis, on en parle très souvent en termes négatifs, et très franchement, ça me fatigue un peu, soupire le natif de Livry-Gargan. Pour vous donner un exemple, lors de nos déplacements en catégories jeunes, ça arrivait assez souvent qu’on nous traite de délinquants et j’en passe… Alors que tout ça, c’est des préjugés. J’espère que les Jeux vont dissiper cette image en montrant aussi tout ce qu’il y a de bien en Seine-Saint-Denis... »
Au moment de prendre les adresses mail des deux handballeurs pour leur envoyer leur portrait, on s’apercevra que cet attachement à la Seine-Saint-Denis n’est pas que du discours. Proches dans leurs parcours de joueurs, nos deux jeunes aspirants pro ont aussi tous les deux un mail associant leur prénom à un chiffre porte-bonheur : 93.
Photos : @Sylvain Hitau
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