Résidences artistiques - Le feuilleton

Les résidences artistiques en Seine-Saint-Denis, tout un feuilleton (volet n°28)

Chapeautés par la plasticienne Capucine Vever, les 4e du collège Lenain-de-Tillemont à Montreuil mettent la touche finale à leurs œuvres avant leur tout premier vernissage. REPORTAGE.

L’odeur de la bombe aérosol chatouille le nez dans l’atelier des Instants chavirés à Montreuil. C’est l’équipe “galaxie” qui s’y colle. B. impose une dernière petite couche sur les tableaux. La jeune adolescente prend son rôle très au sérieux : “Moi je m’occupe de tous les fonds violet. Je suis chargée des galaxies ici”. À ses côtés, ses deux copines, M. et D. occupent respectivement les postes de responsables des “fonds urbains” et de “la nature”.

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Un peu plus loin, une fois n’est pas coutume, c’est un garçon, O., qui repasse le drapeau de “Magnesia”, le pays imaginé par les élèves de la 4e tout au long de cette année de résidence avec Capucine Vever. Sur l’étendard figure une chimère. M. m’expliquera qu’il s’agit d’un des groupes de résident de Magnesia. Les chimères ont pris vie il y a des milliers d’années, quand de l’acide est tombé du ciel. Aujourd’hui elles renaissent des rivières et protègent la nature. Sur Magnesia, il y a aussi des humanoïdes dotés de télékinésie, ce qui permet aux ouvriers d’avoir moins mal au dos sur les chantiers. De vieux sages, un groupe d’arbres, s’occupent de soigner les habitants de la planète avec leurs feuilles bleues, jaunes et roses. Magnesia est un lieu inconnu des êtres humains, hormis un groupe d’astronaute dont le vaisseau s’est écrasé un peu par hasard. La seule manière d’accéder au pays étant un trou percé dans l’espace ou par la terre. Le territoire imaginaire correspond au fameux pôle Nord magnétique sur lequel travaille Capucine depuis plusieurs années déjà.

“Comme le Nord, toutes les secondes il bouge, du coup les astronautes ont eu beaucoup de chance de tomber dessus” récite M., assurée, comme si elle donnait une leçon sur l’histoire de France. “De retour sur terre, la Nasa a décidé de garder cette découverte secrète. Elle cherche encore à y retourner, mais les scientifiques ne retrouvent plus l’entrée de Magnesia”.

“Au début je n’avais pas trop compris ce qu’on devait faire cette année avec Capucine”, poursuit M. “Pour moi, le monde artistique c’était abstrait ou alors un pot de peinture jeté sur une toile et hop on accroche ! Je ne savais pas qu’on pouvait réfléchir autant à la disposition, aux éclairages… Je ne pensais pas qu’on pouvait inventer des histoires comme ça. Ce projet, il t’aide à organiser ton imagination”.

Sur un panneau, un autre groupe d’élèves a inscrit en lettres bleues la “Trace écrite”, le texte fondateur de l’histoire de cette nouvelle civilisation :

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“Grâce à la création accélérée de Magnesia par rapport à la terre, les habitants de Magnesia sont en avance. Ils se déplacent plus vite et parviennent à conserver toute la mémoire de la planète depuis la création afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs que les Terriens (...) ”.

À deux tables de là, R. perce les supports en carton qui accueilleront les oeuvres présentant les différentes composantes de Magnesia. Les collégiens ont pris la décision de suspendre leurs tableaux en cercle au dessus des têtes. Autour, ils ont placé des enceintes. Elles diffuseront les sons de Magnesia, ainsi le visiteur sera plongé dans leur monde.

Capucine a tenu à ce que les élèves fabriquent les sons par eux-mêmes, avec la complicité de l’artiste Valentin Ferre, à partir des chants de chauve-souris, d’abeilles ou de baleines… des d’animaux sensibles aux champs magnétiques. Les élèves ont complètement été intégrés aux processus de mise en exposition. “Ca les responsabilise” indique Capucine. C’est frappant. Chaque groupe de collégiens, attelé à un atelier, prend sa tâche très au sérieux. D’autant que le temps presse, il faut que tout soit prêt pour le lendemain.

Demain à la même heure, pour le vernissage, ils ont invité leurs parents. Ils découvriront le travail accompli durant les 120 heures avec Capucine, passées en ateliers, en sortie au musée, en vadrouille pour capter le bourdonnement des abeilles… “Je ne savais pas ce que c’était un vernissage. Je pensais juste qu’on mettait du vernis” avoue M. le sourcil relevé. “Au moins maintenant je sais et je peux vous dire que je demanderai plus souvent l’autorisation à mes parents d’aller à Paris pour aller voir des vernissages !”.

Tout au long de l’année, les journalistes Bahar Makooi et Joséphine Lebard rendent compte des résidences In Situ dans 10 collèges du département. Retrouvez tous les épisodes ici

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