Résidences artistiques - Le feuilleton La Courneuve

Les résidences artistiques en Seine-Saint-Denis, tout un feuilleton ! (volet n°17)

Chaque semaine, les journalistes Joséphine Lebard et Bahar Makooi, originaires de Seine-Saint-Denis, rendent compte des résidences artistiques dans 10 établissements du département. Aujourd’hui, poursuite des aventures circassiennes des élèves de 3e du collège Jean-Vilar de La Courneuve aux côtés de la compagnie Kiaï.

Episode 17
Rebondissements et temps suspendu

« Vous êtes où ??? », demande Cyrille.
« On n’est pas là... », ronchonne une voix.

Ce matin, dans la cour du collège Jean-Vilar, la classe de 3ème semble scindée en deux. A 10h, les élèves, accompagnés de Cyrille et John, doivent proposer une intervention surprise à leurs camarades. De manière générale, la compagnie Kiaï adore miser sur l’effet de surprise, c’est un peu sa PATT à lui (PATT pour Performance artistique tout terrain).

Un petit groupe répète la chorégraphie prévue avec Cyrille. Un combat de boxe qui se termine par un solo de trampoline pour l’artiste. En escadron, les ados suivent le circassien et miment un échauffement de boxe.
« On garde les capuches, prévient-il. On n’est pas contents alors on est capuche ! »

Il attire l’attention des élèves sur leur gestion de l’espace. « Imaginez que, dans quelques minutes, il y aura plein de monde partout ! »
Justement, c’est ce qui explique que la moitié de la classe, adossée au grillage, donne l’impression de vouloir disparaître sous terre. Les regards balaient le sol, pas besoin de leur rappeler de mettre leurs capuches, ils l’ont précautionneusement rabattue sur leurs têtes.

« Si ça avait pas été devant tout le monde, je l’aurais fait... », glisse Adam.
« Je veux pas le faire, confirme Anissa, tout le monde va filmer... »
Cyrille fait une ultime tentative :
« T’es où, Anissa ?
- Aujourd’hui, je suis pas là »

Bineta râle : « Franchement, ça se fait pas ! C’est quoi cette classe ? »
Elle est chargée de défiler avec le panneau affichant le nombre de rounds et prend son rôle très au sérieux. Une autre mission lui incombe et lui tient particulièrement à cœur : à la fin de l’intervention surprise, elle fait partie des deux élèves autorisées à grimper sur le trampoline pour asperger Cyrille de lentilles corail.

Mais pour l’heure, elle s’échauffe avec les autres : poignets, pieds, cou...
La sonnerie signalant le début de la récréation retentit.
« Vous avez les chocottes, demande Cyrille. Ben moi aussi ! »

Les élèves s’agglutinent autour du trampoline. Bineta fait la police et enjoint ses camarades à reculer. Les premiers téléphones sont dégainés. L’intermède commence.

« Eh Madame, on n’est plus que huit de la classe », s’affole un des garçons. Pas grave, il court pour rattraper le petit groupe qui s’est déjà mis en place.
Tandis que John, l’autre membre de la compagnie, effectue une danse à mi-chemin du smurf et du robot, les élèves de 3ème suivent Cyrille : ils miment un échauffement de boxe à la Rocky. Petite foulée, punch du droit, punch du gauche. Des élèves extérieurs à la 3ème se mêlent au groupe et effectuent eux aussi les mouvements. Puis Cyrille s’écroule. Les ados le transportent sur le trampoline. Il entame un somptueux solo : il s’élève dans l’air, vrille... puis s’écroule à nouveau.

Bineta et sa copine sautent sur la toile. Cyrille est désormais à terre, elles saisissent leurs bouteilles remplies de lentilles corail et l’en aspergent avant de redescendre.

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Le circassien se redresse et reprend ses sauts. Les lentilles rebondissent au rythme de ses envolées. Cyrille semble être comme enveloppé d’une ondée orange qui fait un léger bruit de pluie en retombant sur la toile du trampoline.

Imperceptiblement, les élèves se sont rapprochés à nouveau. Ils entourent Cyrille qui saute et saute encore dans sa nuée corail.
« Eh mais c’est trop bien fait ! », murmure une élève, qui le regarde, bouche-bée.

Oui. C’est trop bien fait. Et, l’espace de quelques minutes, dans la cour du collège Jean-Vilar, le temps a semblé réellement suspendu.

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