Déconfinement

Les cinémas du 93 piaffent d’impatience

Mercredi, jour des sorties ! Six mois que l’on n’avait plus écrit cette phrase. Mercredi 19 mai, les cinémas de Seine-Saint-Denis se préparent eux aussi à rouvrir leurs portes, après une période frustrante pour certains, douloureuse pour d’autres. Devant eux, beaucoup de joie mais aussi un tsunami de films qui attendent d’être programmés…

« Salles au bord de la crise de nerfs » « De battre mon cinéma s’est arrêté », « Un ciné qui se tient sage » Aussi savoureuses qu’elles soient, le Méliès de Montreuil se fera une joie de mettre au placard, mercredi 19 mai, ces parodies d’affiches de films qui « décoraient » sa vitrine depuis octobre dernier. « On a vécu ces 6 mois de fermeture avec pas mal d’amertume et de colère. Déjà parce que depuis le début, on conteste la dangerosité des lieux de culture. Beaucoup d’études ont montré qu’on se contaminait beaucoup plus dans les supermarchés et les moyens de transport que dans des salles de cinéma… Le choix du gouvernement n’était en fait étayé par aucun critère scientifique… », grogne encore Stéphane Goudet, le directeur artistique du Méliès.
S’il se dit « avant tout heureux de pouvoir refaire son métier », le patron de cette salle gérée comme 5 autres cinémas par la communauté de communes Est Ensemble garde tout de même en travers de la gorge certaines décisions prises par le gouvernement durant cette période critique. Comme cette décision en septembre dernier d’exclure du fonds de compensation les salles publiques, au motif qu’elles avaient le soutien de la puissance publique. « A l’inverse, de grosses salles privées, comme l’UGC Rosny, ont été aidées massivement, alors que dans le même temps des salles publiques défendant des programmations de qualité étaient laissées à l’écart. Même le CNC là-dessus prêchait contre sa propre paroisse », rembobine Stéphane Goudet. Et si entre temps, un autre accord trouvé avec le CNC inclut cette fois tous les exploitants, le directeur du Méliès évalue au moins à 300 000 euros les pertes sur les 7 mois passés…

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Ailleurs, au Studio d’Aubervilliers, le ton est moins remonté, même si la période aura elle aussi semé son lot de frustrations. « Sur un plan financier, on n’a pas trop souffert de cette fermeture, explique ainsi Béatrice Grossi, directrice de cette salle associative qui était, elle, éligible d’emblée à toutes les aides. Le fonds de solidarité nous a permis de compenser grosso modo nos pertes (autour de 10 000 euros par mois). Et les salariés ont été bien protégés par l’activité partielle. En revanche, forcément, on a souffert de ne pas pouvoir exercer notre métier. Le distanciel, ce n’est pas satisfaisant pour un exploitant de salle, encore moins pour une salle qui revendique la proximité comme nous. »
Des impressions contrastées que Vincent Merlin, directeur de Cinémas 93, un réseau fédérant 24 salles en Seine-Saint-Denis, résume en ces termes : « La traversée du désert a été pénible, mais pas catastrophique. Aucune salle n’est dans le rouge.. Mais l’inquiétude est davantage à moyen et long terme. A savoir : le public va-t-il revenir cet été dans les salles ? Et puis, il y a ces jauges qui vont contraindre pas mal de cinémas, surtout ceux qui n’ont qu’une seule salle, autrement dit la majorité en Seine-Saint-Denis. »

Embouteillage monstre

A partir du 19 mai, les cinémas ne pourront en effet remplir leur salle qu’à 35 % de leur capacité. Puis, à partir du 9 juin, l’horizon devrait se dégager avec 65 % des places et un couvre-feu passant de 21 à 23h… Cette contrainte des jauges se combine à un embouteillage monstre de films qui se bousculent au portillon en cette phase de reprise. 450 à 500 films sont ainsi dans la file d’attente, soit les 2 tiers de la programmation annuelle… « On sait déjà qu’avec une salle ramenée à 44 personnes (35 % de la jauge), on ne va pas intéresser certains gros distributeurs pour leurs nouveautés… Pas grave : on a de toute façon fait le choix de maintenir notre fidélité à des films qu’on voulait défendre au moment de la fermeture des salles en octobre », détaille Béatrice Grossi. Le Studio d’Auber, qui a par ailleurs décidé de rester ouvert tout l’été et d’organiser avec la ville des projections en plein air, réattaquera donc par des coups de coeur passés comme « Adieu les cons » de Dupontel ou « Drunk », ou des rencontres faisant sens au niveau local comme la présentation de « Garçon Chiffon » par Arnaud Valois, comédien habitant Aubervilliers.

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Le Montreuillois Nicolas Becker, récompensé par l’Oscar 2021 du meilleur son pour son travail sur "Sound of Metal"

Au Méliès à Montreuil, la rentrée sera elle aussi placée sous le signe du ciné de proximité : Nicolas Becker, ingénieur du son « oscarisé » pour le film « Sound of Metal » sera notamment la vedette américaine de cette semaine de reprise. « Le message qu’on veut envoyer pour la réouverture, et notamment à travers ce film qui tourne autour de la question de la surdité, est que les cinémas doivent être accessibles à tous », martèle Stéphane Goudet. Et pour joindre le geste à la parole, un effort encore supplémentaire sera aussi fait sur les tarifs d’entrée : toute la semaine de reprise sera ainsi au prix unique de 3,50 euros le billet. Déconfinez-vous l’esprit !

Christophe Lehousse
Photos : ©Bruno Lévy

Cinémas 93 pense au jeune public

Association mise en place pour faire vivre les salles publiques et associatives de Seine-Saint-Denis, Cinémas 93, d’ailleurs activement soutenue par le Département, est une vieille habituée des actions culturelles, notamment à destination des scolaires. Pour soulager les salles de cinéma qui ont souvent vu leur budget réduit, notamment du fait de la crise sanitaire, cette association prendra exceptionnellement en charge à 100 % des propositions à destination du jeune public. Ces « échappées » comprennent notamment « Les doux rêveurs », un ciné-conte en avant séance, « Lumière ! La machine à remonter le temps », spectacle burlesque en avant-séance, ou encore « De l’écrit à l’écran », un atelier-spectacle. Par ailleurs, Cinémas 93 lance aussi un Espace Game en salle de cinéma intitulé « Ciné mystère » à partir de films des années 1920, que les directeurs de salles intéressés pourront mettre en place pour cet été.

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