Saint-Denis À suivre Danse

Le rêve américain des mômes des Francs-Moisins

Les 18 élèves de la section hip-hop du collège Garcia-Lorca, à Saint-Denis, vont partir une semaine à New York, sur les traces des plus grands danseurs. La détermination des élèves, l’obstination des professeurs, l’audace de la principale et l’aide de Grand Corps Malade et du Département ont permis de réunir les fonds pour transformer leur rêve en réalité.

« Rien que dire le nom, on est ébloui ! », juge Lya, bandana blanc autour de la tête. Cette fois, c’est sûr, les 18 élèves de la section sportive de hip-hop du collège Garcia Lorca, à Saint-Denis partiront cet été à New-York pour user le parquet du mythique « Broadway Dance Center ». Un rêve devenu réalité grâce à la participation du Département.

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Ce matin du 17 février, Stéphane Troussel, président du Conseil départemental, est venu pour officialiser la nouvelle : l’institution s’engage à doubler le butin de 9142 euros déjà réuni par les élèves, délivrant ainsi le sésame pour la ville qui ne dort jamais. On a beau être un lundi matin à 8h30, la troupe d’ados est surexcitée. Les sauts en cadence sur le morceau « Can’t hold us » de Mackel More et Rayan Levis viennent à bout de leurs dernières retenues. « Ça y est, vous allez partir à New-York ! C’est une ville qui va à cent à l’heure, où tout est possible, et où l’on est chez soi d’où qu’on vienne. Bravo en tout cas pour votre détermination », les félicite Stéphane Troussel. Mathieu Hanotin, conseiller départemental en charge des sports et des grands événements, poursuit : « J’adore votre projet. Vous savez que dans dix jours, on saura si le break-dance devient une discipline olympique. Si tel est le cas, ce serait formidable que vous soyez les premiers représentants français aux JO ! » (on a eu une première confirmation jeudi 21 février que le break-dance ferait bien partie des sports invités aux JO 2024, ndlr).

« Chez les grands tout est grand »

« Les autres nous disaient : vous ne les aurez jamais, ça ne sert à rien de vendre vos gâteaux là. On leur a prouvé qu’ils avaient tort, on leur enverra des cartes postales ! » rigole Bamby, 14 ans. Les collégiens n’étaient pas les seuls à douter de ce projet utopique. « La gestionnaire nous avait dit qu’on n’aurait même pas l’argent pour aller jusqu’à Orly en bus », renchérit Mme Marius, la malicieuse principale du collège. C’est de ses méninges que l’idée a éclos, en février 2018. « Il fallait faire briller cette section sportive. Nous n’étions que les troisièmes à en ouvrir une en France ! ». Mme Marius emprunte son adage au rappeur Booba : « Chez les grands, tout est grand ». Elle fixe donc un objectif à la section : partir à New-York. « Ce projet permettait de faire un travail transdisciplinaire, en mettant à contribution la professeure de sport, la professeure d’histoire géo, le professeur d’anglais et la professeure d’arts plastiques », complète l’ambitieuse. « On étudie en histoire le contexte d’éclosion de ce courant dans le Bronx, l’histoire afro américaine, plus ancienne et le Gangsta rap des années 80 », rappelle Mme Izi, professeure d’histoire. La classe enchaîne les figures devant une grande fresque peinte avec la professeure d’arts plastiques.

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À l’écart, Lya se livre sur un coin de table : « Quand tu danses, tu ne bouges pas comme dans la vie. Ça fait sortir les émotions, tu te sens plus libre. Ce n’est pas un cours comme les autres, où on se sent contraint, c’est éducatif, mais créatif. Et puis on est ensemble, c’est convivial ! Le collège, c’est un âge pas facile, où on a peur du jugement des autres. Là, on fait des choses ensemble, ça renforce les liens entre nous. » À côté, Bamby piaffe d’envie de se faire interviewer. « Quand je danse, j’ai l’impression que c’est pas normal. Que c’est bizarre ». « Il faut que tu me trouves des mots plus précis, des adjectifs pour que je puisse décrire ce que tu ressens », lui ai-je demandé.

Projet de quartier

À ses débuts, le projet de voyage avait pourtant un peu patiné. Difficile de savoir vers qui se tourner. L’ensemble des entreprises sollicitées pour mettre au pot répond par la négative. Reste le « crowdfunding », le financement participatif. Emilie Fritz, professeure de sport et pièce maîtresse du dispositif, emmène tous les samedis la section danser à Saint-Michel, à Saint-Lazare. « Les parents des enfants ont mobilisé leurs connaissances, ce qui fait que c’est devenu un projet de quartier », explique la prof d’EPS. Ainsi, samedi dernier, le coach sportif du coin a animé un « bootcamp », un entraînement de sport collectif, dont les bénéfices seront reversés à la cagnotte. Samedi prochain, le groupe ira danser au Décathlon de Saint-Denis.
Le parrainage de Grand Corps Malade, venu tourner un film au collège des Francs-Moisins pendant l’été, a permis de donner un coup d’accélérateur à cette patiente accumulation. Mme Marius en a profité pour lui parler du projet, auquel il a tout de suite adhéré, et qu’il a promis de soutenir, à la fois financièrement et en relayant la cagnotte sur sa page Facebook. Ce qui a à son tour éveillé l’intérêt du département, et permis, de petit pas en petit pas, de préciser le projet. Un peu comme les idées de Bamby : au moment où je prends mon sac pour quitter la classe, elle sautille vers moi : « Madame madame ça y est j’ai trouvé ! Quand je danse... J’ai l’impression de voler ».

- Pour les soutenir dans leur projet, l’adresse de leur cagnotte en ligne : https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/new-york-city-saint-denis-is-coming
Photos : @Daniel Ruhl

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