Le para-sport a pris la Bastille

Le para-sport a pris la Bastille
Héritage J.O.P. 2024

La première Journée Paralympique dans l’Histoire du sport français a accueilli plusieurs dizaines de milliers de spectateurs samedi 8 octobre. Parmi les 160 sportifs présents, certain·e·s venaient aussi de Seine-Saint-Denis, qui dans 2 ans, sera l’un des principaux théâtres des Jeux paralympiques.

« Le cécifoot, c’est super dur en fait. On en avait déjà vu, mais c’est la première fois qu’on essayait. » Assya et Chahine, frère et sœur jumeaux de 8 ans, partagent leurs impressions après une série de tirs au but, les yeux bandés. Ils pourront raconter que la première fois qu’ils ont testé le cécifoot – du foot pour non-voyants, au programme paralympique depuis 2004- c’était au pied de la colonne de la Bastille. Et avec certains internationaux de la discipline en guise de moniteurs de luxe, s’il vous plaît. Le Bondy Cécifoot Club – seul club de cécifoot en Seine-Saint-Denis et déjà vice-champion de France malgré sa récente création en 2020 – avait en effet mobilisé ses 4 internationaux pour représenter son sport.

« Changer les consciences »

« Aujourd’hui, c’est une journée très symbolique : prendre en otage la Bastille pour montrer des disciplines handisport, c’est fabuleux pour nous. On est là pour donner rendez-vous aux gens pour 2024 », se réjouissait Hakim Arezki, vice champion paralympique avec les Bleus à Londres 2012. Celui qui a rejoint le Bondy Cécifoot Club cette saison pour se préparer pour les Jeux de Paris 2024 n’oubliait pas pour autant l’après-Jeux. « Des Jeux réussis, ce sont aussi des Jeux avec un héritage. En termes de prise de conscience, je pense qu’une journée comme aujourd’hui change déjà les consciences. Et sur le terrain, les choses bougent aussi, avec la volonté de disposer enfin de plus d’espaces dédiés à la pratique handisport. »

Le Brésil du cécifoot à Bondy en 2024 ?

C’est vrai aussi en Seine-Saint-Denis : à Bondy, la mairie a acté la construction d’un terrain en dur pour le Bondy Cécifoot Club dans son stade Léo-Lagrange, lieu des premiers exploits de Kylian Mbappé. La ville espère maintenant accueillir une délégation étrangère – pourquoi pas le Brésil ? – pour les Jeux. a Bobigny, le Prisme, un gymnase multi-modal lancé à l’initiative du Département, accessible à tous les types de handicaps, verra le jour au printemps 2024, pour être centre d’entraînement en amont des Jeux. Un travail au long cours est aussi mené par le Comité 93 sport adapté afin de créer des écoles multi sports adaptées sur le territoire. Pour permettre à des enfants affectés par des handicaps mentaux et cognitifs de faire du sport.

En attendant, des événements comme cette Journée Paralympique, appelée à se répéter l’année prochaine, auront assurément encore fait progresser le regard sur le handicap. Rencontres entre des classes et des athlètes, démonstration de certains sports… les organisateurs avaient vu les choses en grand.

L’équipe de rugby-fauteuil en partance pour le Danemark

Ici, Pauline Déroulède, jeune championne de France de para-tennis, détectée par le programme du Comité paralympique français « La Relève », organisait un atelier de découverte de tennis-fauteuil. Là, l’équipe de France de basket-fauteuil et des membres du club de Gennevilliers affrontaient la sélection belge. L’occasion aussi pour Manel Senni de transmettre sa passion au grand public : « En étant là, j’espère montrer aux gens que tout est accessible avec de la détermination », expliquait la jeune femme, joueuse au CVH Gennevilliers, qui vient de connaître son premier stage avec l’équipe de France.

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Un peu plus loin, c’est l’équipe de France de rugby-fauteuil, en partance pour les championnats du monde au Danemark, qui signait des autographes. « Le message qu’on veut faire passer aujourd’hui, c’est que c’est possible. 87 % des personnes handicapées le sont devenues au cours de leur vie. Mais ça ne signifie pas du tout la fin. Quand on voit comment des gens subliment leur handicap par rapport à leur sport, qui plus est avec comme outil d’expression leur corps meurtri, je trouve ça génial. », soulignait Ryadh Sallem, joueur de l’équipe de France de rugby-fauteuil ; A 52 ans, cet ancien joueur de basket-fauteuil pourrait connaître ses 7e Jeux à Paris 2024 en rugby-fauteuil, une discipline créée au Canada, se jouant avec un ballon de volley et qui déménage !

Markus Rehm en clou du spectacle

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Le clou du spectacle arrivait ensuite avec le record du monde de saut en longueur tenté par l’Allemand Markus Rehm et le Grec Stelios Malakopoulos. Perchés sur un sautoir monté en plein milieu du carrefour, juste devant l’Opéra Bastille, les deux athlètes – sautant tous deux avec des prothèses en carbone – nous livraient un récital. Markus Rehm, déjà triple champion paralympique, échouait simplement à 62 centimètres de son propre record du monde, signant tout de même 8m04. « La vache, il sort presque du sautoir », soufflait un petit garçon dans la foule.

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La transmission aux jeunes générations en particulier aura été un des succès de la journée. A l’image de ce groupe de collégien·ne·s et de lycéen·ne·s de l’UNSS 93, qui, un peu plus tôt, ressortait d’un échange avec Erika Sauzeau, championne de para-aviron et Benjamin Daviet, devenu champion de biathlon après un accident de la vie.

Une génération bien sensibilisée au handicap

« On retient de cet échange que le handicap n’est pas forcément un frein, qu’on peut réussir dans un sport et dans la vie tout court malgré son handicap. », concluaient Ismaël et Mehdi, élèves en 5e au collège Germaine-Tillion à Livry-Gargan. Erwan, scolarisé en classe Ulis dans ce même établissement (une classe pour élèves ayant des handicaps et intégrés sur certaines matières au tronc commun) repartait de là avec l’envie de se mettre éventuellement au foot. « Je trouve que cette génération est relativement bien sensibilisée au handicap, je les vois plutôt solidaires entre eux. Là où il faut progresser, c’est sur les aménagements urbains : la voirie et les transports, notamment », appelait de ses vœux Yamina Khelfet, coordinatrice Ulis à Germaine-Tillion.

« Moi en tout cas, j’aimerais pouvoir voir les épreuves de para-athlétisme au Stade de France lors des Jeux paralympiques. C’est pas loin de chez moi », songeait Ismaël qui prêtait une oreille attentive quand on lui apprenait que les championnats du monde de para-athlétisme auront déjà lieu l’année prochaine au stade Charléty.

Photos : ©Sylvain Hitau

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