« Le monde de demain » : les secrets de la série phénomène

« Le monde de demain » : les secrets de la série phénomène
Cinéma

C’est la série française dont tout le monde parle : six épisodes sur l’histoire du hip-hop et de NTM sur Arte et Arte.tv. Cette co-production, la plus chère jamais produite par la chaîne, a été tournée en partie en Seine-Saint-Denis, dont Kool Shen et Joey Starr sont originaires. SSD.fr avait réussi à se glisser sur le plateau de tournage. Reportage…

Travelling panorama. Dans la brume d’une nuit étoilée, une Peugeot 405 fonce sur un portail et finit par faire exploser son cadenas. Une Renault 25 et une Talbot Samba s’engouffrent dans un stade, sous les vivas d’une centaine de jeunes fonçant sur le terrain en scandant joyeusement « Nique ta mère ». Faute d’avoir pu jouer dans une salle municipale, les jeunes rappeurs de Saint-Denis, interprétés par Anthony Bajon et Melvin Boomer, improviseront sur un terrain de rugby un concert sauvage éclairé à la lumière des phares. Ce soir-là, ils écrivent sans le savoir une page du mythe de NTM.

Un docu-fiction très proche de la réalité

Cette scène d’anthologie, qui s’est réellement déroulée à Mantes-la-Jolie en 1991, sera diffusée le 16 novembre en soirée sur Arte. Reconstituée pour le tournage en 2021 au stade de la Briqueterie à Bagnolet, elle témoigne du côté rebelle et euphorique de la jeunesse des années 90. « À l’époque, la mairie, effrayée par la réputation sulfureuse du Suprême, avait décidé de fermer le gymnase dans lequel le groupe devait jouer » explique un des membres de l’équipe. 250 fans ont alors forcé la clôture dans une ambiance enflammée et profité d’un concert de trois heures, dont une heure de bis, éclairé par les lumières des voitures garées en demi-cercle…

Produite par Arte et les films du Bélier, cette série a nécessité pas moins de 300 technicien·ne·s, 150 danseur·euse·s, 90 cascadeur·euse·s et 1550 figurant·e·s, souvent recruté·e·s parmi les habitant·e·s de Seine-Saint-Denis. Kool Shen et Joey Starr (les vrais !) ont de leur côté été associés à la rédaction du scénario et au coaching des acteur·rice·s. « Ils nous ont donné de précieuses indications sur le tournage avec Dee Nasty, qui est sans doute le pionnier du DJiing en France » s’enthousiasme la co-réalisatrice Katel Quillévéré, révélée entre autres par le festival pantinois Côté court. « Nous avons travaillé avec les chorégraphes, graffeurs et musiciens de l’époque pour être au plus près de la vérité. Idem pour les cités Allende et Montjoie à Saint-Denis, où les deux rappeurs ont grandi et où on a tourné » ajoute son acolyte le cinéaste Hélier Cisterne.

Dans le tourbillon du hip-hop en Seine-Saint-Denis

« Pour moi, NTM, ce sont un peu les papas de mes rappeurs préférés » confie Melvin Boomer, jeune danseur repéré sur Instagram, qui s’est glissé avec une belle intensité dans la peau de Joey Starr. Plus connaisseur d’Hatik et de Jul, il a redécouvert les pionniers de la culture hip-hop, très inspirés par le « 9.3 » et ses lieux cultes comme le Fort d’Aubervilliers où s’est déroulé le premier festival de breakdance en France, la faculté de Saint-Denis ou le terrain vague de la Chapelle, connu pour ses graffs détonnants.

Coupe mulet et fine moustache, Anthony Bajon est un Kool Shen charismatique à la voix cassée. « Le tournage du concert d’hier m’a tué » confesse-t-il en souriant. « Toutes les scènes requièrent une grande implication physique. C’est une responsabilité d’incarner ces légendes qui ont fait sortir le rap des caves des cités. Il faut que leurs fans et eux-mêmes se reconnaissent en nous ».

Le scénario rend également hommage à l’entourage des deux artistes ainsi qu’à la flamboyante graffeuse et danseuse Lady V, qui fut la femme de Kool Shen, incarnée par la gracile Laïka Blanc-Francard. « Elle est malheureusement morte dans un accident de voiture mais j’ai eu la chance d’aller chez sa maman et chez Kool Shen pour en savoir plus sur elle. C’est émouvant aussi pour moi car ma mère a dansé un temps pour NTM ».

Les 120 figurant·e·s recruté·e·s dans les quartiers environnants ont bravé le froid et la fatigue jusqu’à 5 heures du matin. Fasciné·e·s par les rails de travelling et les impressionnantes grues pour les prises de vues aériennes, ces « silhouettes », selon le lexique de la profession, ont adoré cette première expérience de tournage. « Les gens d’ailleurs ignorent souvent que le 9.3 est un des berceaux du hip-hop. C’est une façon pour nous de leur rappeler et de leur montrer une belle image de nos quartiers » souffle l’un d’entre eux.

Crédit-photo : Jean-Claude Lother

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Série diffusée tous les mercredis soirs à 20h30 jusqu’au 16 novembre (et en rediffusion jusqu’au 20 novembre).

L’intégralité des 6 épisodes de 52 minutes est disponible gratuitement sur la plateforme Arte.tv et sur Netflix.

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