Le Red Star, champion, reprend l’ascenseur pour la Ligue 2
Un an seulement après l’avoir quitté, le club à l’étoile rouge retrouve le deuxième échelon national grâce à un match nul obtenu en bon gestionnaire contre Lyon-Duchère. On a suivi la rencontre en compagnie d’une famille de supporters historiques, les Saillant.
Jour de match à Bauer, jour de gloire. Le Red Star est à 90 minutes d’une remontée en Ligue 2, un an seulement après être retombé en National. Une agitation encore plus grande que de coutume règne aux abords du stade de Saint-Ouen : les tireuses à bière de l’Olympic, le mythique bar situé en face de Bauer fonctionnent à plein régime, et devant le local du collectif de supporters Red Star Bauer, on refait le match contre Lyon-Duchère avant même de l’avoir joué.
Cette dernière rencontre à domicile des Vert et Blanc, on a pour notre part décidé de la vivre avec Gilles Saillant, supporter historique et mémoire du club. On le retrouve en tribunes, déjà concentré, à l’opposé du kop de supporters. « 50 ans que je viens voir les matches du Red Star, c’est vous dire si j’en ai connu des montées », nous accueille cet Audonien pur jus. A 16 ans, encore lycéen, Gilles Saillant est en effet tombé dans la marmite du Red Star : « Un jour, un collègue d’usine de mon père qui vivait au-dessus de l’Olympic a récolté une invitation et me l’a passée. J’y suis allé et je n’ai plus jamais décroché ». A l’époque, le Red Star joue encore en D1 et des cadors foulent la pelouse de Bauer : « Pierre Bernard, Combin, Magnusson, il y en a eu des grands joueurs ici… », se souvient en frissonnant ce supporter averti de 66 ans, auteur de deux ouvrages de référence sur son club de coeur avec l’historien Pierre Laporte et chroniqueur pendant de longues années des exploits du Red pour la publication « 93 hebdo ».
Du coup, où range-t-il, sur l’échelle de l’émotion, le match de la montée de ce soir ? « On va dire que c’est un ton en dessous, même si on ne boude pas notre plaisir, explique-t-il, malicieux. Par exemple, ça n’a pas tout à fait la même saveur qu’il y a trois ans. En 2015, l’équipe était remontée en Ligue 2 après 16 ans d’absence donc on attendait ça avec impatience... », poursuit celui qui avait alors eu l’honneur de donner le coup d’envoi du match de la montée contre Istres (remporté 4-0).
Justement, alors que le coup d’envoi vient d’être donné, Gilles Saillant est rejoint par sa femme Roselyne, et leur fille Sibylle. Le Red Star, chez les Saillant, ça se vit en famille. Et encore, Rémi, leur fils, manque à l’appel aujourd’hui. « Nos parents nous ont emmenés à Bauer avec mon frère quand on était petits. Donc pour moi, c’était une évidence de soutenir le Red Star », confirme Sibylle, passionnée de sport en général puisqu’elle travaille à la fédération de badminton.
A la 32e minute, un cafouillage dans la surface du Red Star nous sort un moment de l’épopée familiale. « Attention quand même », grogne Gilles Saillant, « un match nul nous suffit pour monter, mais faudrait pas que ça vire au mauvais gag ».
Et Bauer alors ? Est-ce que ça ne leur serre pas un peu le coeur que la montée en Ligue 2 signifie une nouvelle fois un abandon du stade historique du Red Star (construit en 1909 et restauré très partiellement, Bauer n’est en effet pas homologué pour la Ligue 2) ? « Si, bien sûr, il faudrait rapidement trouver une solution de rénovation. Après, on veut quand même un Red Star qui joue à haut niveau et si ça doit en passer par un temps hors de Bauer... » fait valoir Sibylle. On sent ses parents un poil plus chagrinés à l’idée de devoir quitter une nouvelle fois le coeur battant du Red Star. Surtout Roselyne, sa maman : « Des tas de souvenirs me relient à Bauer. Je viens ici depuis que j’ai 6-7 ans. Petite, c’est mon père qui m’emmenait. A l’époque, on s’asseyait dans les populaires, là où il y a maintenant l’immeuble Z. Parfois, mon grand-père maternel nous accompagnait lui aussi. Dans les années 70, c’étaient les grandes heures du Red Star : je me souviens d’un stade plein contre Sochaux ou Marseille », se remémore cette enfant de Saint-Ouen. « J’espère donc que très rapidement, le Red Star reviendra à Saint-Ouen, tout en restant en Ligue 2 », insiste celle qui a même porté pendant 2 ans les couleurs du Red Star !
« C’était aux toutes premières heures de l’équipe féminine du Red Star, en 82-83. Je jouais stoppeuse, mais c’était un autre temps », lâche modestement Roselyne qui explique aussi avoir connu auparavant, dans l’équipe des Lilas, l’internationale Betty Goret, une des pionnières du foot féminin en France avec le Stade de Reims. « Maintenant, le Red Star a même des catégories jeunes chez les féminines, et je m’en félicite », conclut-elle.
Rien sur la pelouse de Bauer ne vient troubler le récit de Roselyne : le match contre Lyon-Duchère est d’un calme plat, les deux équipes semblant se satisfaire du nul. « On n’est pas loin de RFA-Autriche », dit en souriant Gilles Saillant, allusion au fameux match du Mondial 82 conclu sur un nul qui avait qualifié les deux équipes pour le second tour au détriment de l’Algérie.
Le coup de sifflet final vient remettre un peu de vie dans tout ça : avec ce petit point glané à domicile, le Red Star est champion de National et fête son grand retour en Ligue 2. Aussitôt, les supporters envahissent la pelouse de Bauer, les fumigènes ne se gênent plus et les chants résonnent, repris par les joueurs eux-mêmes : « Allez Red Star FC, toujours à tes côtés / Bauer est ta seule grande maison/ Red Star est notre passion ». Dans les tribunes, les Saillant eux aussi se congratulent. Et qui sait, dans quelques années la Ligue 1 ?, risque-t-on. « Ah ça ce serait quelque chose, sourit Gilles Saillant. Avant d’ajouter : Mais à Bauer alors ! »
Christophe Lehousse
Photos : @Sylvain Hitau
Les réactions après le titre de champion du National
- Régis Brouard, entraîneur du Red Star
« Je suis très heureux ce soir, pour toute l’équipe et le club. On ne fait pas que monter, on est champion, et ça compte. Dire qu’on a été sereins tout au long de la saison serait un gros mensonge. On est passé par une période compliquée (en janvier), il a fallu changer notre façon de jouer, aller à l’essentiel. On a fait des choix de joueurs, d’organisation. De jeunes joueurs notamment se sont alors mis en évidence, se sont dit : pourquoi pas nous ? Et effectivement, pourquoi pas eux ? Maintenant, c’est une nouvelle aventure qui commence. La saison prochaine en Ligue 2, c’est sûr que le stade Bauer va nous manquer. C’est vrai que Bauer et le Red Star sont un peu indissociables. Il faudrait que tout le monde comprenne que ce stade est quelque chose d’exceptionnel en France . Quand on voit ce soutien populaire, toute cette mixité sociale : ça n’existe pas dans beaucoup d’endroits… Maintenant, pour l’année prochaine, mon souhait personnel est de jouer à Paris. Je ne conçois pas que le Red Star ne joue pas à Paris. On verra bien... »
- Formose Mendy, défenseur et capitaine du Red Star
« C’est un titre amplement mérité, même si ça n’a pas été facile. On a eu une baisse de régime au mois de janvier, mais on s’est réveillé au bon moment. Le coach a alors fait des choix forts et tout le groupe s’est montré solidaire. Pour moi, c’est ça la force de cette équipe, c’est qu’on a fait bloc. Il y a des talents individuels, c’est indéniable, mais ils ne sont rien sans le collectif. Bauer ? Oui, ça va nous manquer. A Jean-Bouin la saison passée, la proximité avec le public n’était pas la même, ça nous a fait défaut. Maintenant, puisque rénovation il doit y avoir, j’espère que les supporters viendront en masse quel que soit le stade où on jouera. »
- Ludovic Sylvestre, milieu de terrain
« Retrouver la Ligue 2 un an seulement après l’avoir quittée, c’est extraordinaire ! Même si on a connu une période plus compliquée en janvier, on a su se remobiliser, rester soudés. C’est une des qualités de ce groupe : on est une bande de copains, on se voit beaucoup en dehors aussi. Après, je quitte Bauer à regrets. Le coeur du club est ici, c’est là que nos supporters sont à fond. J’espère qu’il va être rénové rapidement pour qu’on puisse rejouer ici. »
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