Le Département simplifie ses courriers

Le 8 janvier, le Département proposait à cinq allocataires du RSA d’améliorer la lisibilité et la compréhension des courriers qu’ils reçoivent, lors d’un atelier de relecture. Une expérimentation très instructive.

Elle.il.s s’appellent Samia, Marie-Ange, Ndey Issatou, Hatice et Saïd. Elle.il.s sont allocataires du RSA et viennent d’Aubervilliers, Tremblay-en-France, Epinay-sur-Seine, et Saint-Denis, pour suivre une formation, les un.e.s en alphabétisation, les autres pour devenir gardien d’immeuble.
Dans le cadre de leur parcours d’insertion, elle.il.s participent à un atelier FALC (FAcile à Lire et à Comprendre) qui a pour objectif de rendre plus accessibles et compréhensibles les courriers adressés par le Département à l’ensemble des allocataires du RSA.

Dans les locaux de l’APF (Action Plurielle Formation), à Aulnay-sous-Bois, ce matin-là, Carole Schumann, la formatrice de Com’access les interpellent : « Vous recevez des courriers sur l’allocation RSA, les démarches à suivre, il faut être sûr que vous compreniez ce qu’il y a à faire. Si les courriers ne sont pas compris vos droits peuvent être supprimés. Que faites-vous lorsque vous ne comprenez pas un courrier ? »
« Je prends une appli pour le traduire, explique Saïd, et si je ne comprends toujours pas, je le mets de côté ». « J’ouvre tout, annonce Hatice, je réponds aussi, le problème c’est que je ne sais pas écrire. Quand il y a des mots que je ne comprends pas, je demande à mon fils.  » « Moi, mon mari m’aide, raconte Samia ou alors je vais au Trésor public. »

Marie-Ange, quant à elle, raconte comment et pourquoi ses droits au RSA ont déjà été suspendus : «  Il y a des courriers pour le RSA, de la CAF que je lis mais dont je ne comprends pas le sens. Ça s’accumule. Je reçois des lettres de rappel. Je me déplace pour qu’on me les explique, mais à la Caf de Saint-Denis il y a une queue pas possible. Tout simplement pour ne pas répondre n’importe quoi, je néglige le courrier. Ça me rattrape. Toutes mes allocations sont coupées. Je vis ça. Ensuite on me répond : « On va vous faire le rappel »

«  Vous arrive-t-il de demander de l’aide à votre référent, à votre assistante sociale, lorsque vous ne comprenez pas un courrier ? » demande Carole Schumann. «  Les assistantes sociales n’ont pas le temps, elles sont débordées. Même à la mairie. Les formulaires, elles n’ont pas le droit de le remplir à notre place ni le temps, non plus. » répondent en chœur les allocataires.

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Des participants impliqués

Pour la formatrice, l’objectif de cet atelier est qu’un maximum d’informations soient comprises sans l’aide d’un tiers. Les courriers sont déjà passés par la grille FALC, mais Samia, Marie-Ange, Ndey Issatou, Hatice et Saïd ont l’œil. Très investi.e.s, elle.il.s relisent les documents avec une grande application, proposent des solutions intelligentes, des corrections pertinentes.
Saïd explique ce qui freine la compréhension : « Lorsque les courriers comportent trop d’informations, qu’ils sont trop détaillés, tout se mélange dans ma tête ». Il préfère que les choses importantes soient encadrées : « Lorsque les informations sont un peu cachées (ndlr dans le corps du texte), on n’y prête pas attention. On peut ne pas les voir » et que le téléphone soit en gros caractère : «  c’est plus facile pour trouver le numéro ». Il aimerait que le courrier soit nominatif car « s’il y a mon nom dessus, je me sens davantage concerné ».

La méthode FALC prend en compte tous ces paramètres. Est-ce que les visuels (les pictogrammes) aident à comprendre le texte ? Est-ce que la police de caractère est suffisamment grande ? les phrases suffisamment courtes ? les mots assez simples ?
Lorsque la formatrice demande qu’ils choisissent entre deux termes le plus facile à comprendre, les participants se mettent vite d’accord : Allocataire ou bénéficiaire du RSA ? « Allocataire car c’est déjà le mot utilisé par la CAF, tu sais alors qu’il parle de toi ». Suivi ou accompagnement ? « Suivi car c’est la première question que l’on vous pose : Vous êtes suivi par qui ? » Supprimer ou suspendre ? « Suspendre car la formule est moins dure, ça laisse de l’espoir ».

En impliquant les allocataires du RSA dans l’élaboration et la validation des documents, en cernant leurs difficultés en matière d’accès à l’information, cet atelier s’inscrit dans la démarche usagers du Département initiée en 2018. Cette formation qui s’intéresse aux courriers sera bientôt proposée pour améliorer l’accueil téléphonique et les supports numériques.
Une démarche financée par le Fond d’Appui aux Politiques d’Insertion depuis 2018.

Isabelle Lopez

Un enjeu social et économique majeur

Stessy Marcellin, à la Direction de l’Emploi de l’Insertion et de l’Attractivité Territoriale, au Département de la Seine-Saint-Denis

« Depuis 2018, la DEIAT qui pilote cette démarche a organisé des conférences, des ateliers et des formations à la méthode FALC. 40 agents y ont été ainsi sensibilisés. Derrière ce projet, ce sont des situations individuelles qui peuvent être bloquées. Il s’agit de mettre des stratégies en place pour les aider à ce qu’ils accèdent plus facilement à leurs droits sur les questions de l’emploi et de l’insertion. C’est un enjeu social et économique majeur. C’est pour cela qu’il est important d’avoir ces retours des allocataires, comme lors de cet atelier à Aulnay ».

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